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Jeudi 6 mai 2004

Ce matin nous avons rendez-vous avec deux des personnes qui nous ont accompagné hier. Lorsque nous arrivons à l'accueil de l'hôtel, nous découvrons un inconnu qui se présente comme délégué à la culture au sein de la municipalité. Nous embarquons donc dans deux voitures et en route pour la visite de nouveaux lieux. Nous descendons vers le bas des gorges jusqu'au pont des chutes. De là la vue sur Sidi M'Cid est vraiment impressionnante et nous découvrons que le Rhumel a un bon débit. Nous découvrons l'amorce du "Chemin des touristes" et l'accès à l'ancien ascenseur aujourd'hui désaffecté.

Le restaurant des piscinesNous reprenons les voitures pour nous rendre aux piscines. Là tout est à l'abandon. En effet depuis quelques années les piscines sont fermées et ne semblent pas devoir être remise en service. Je ne connaissais pas ces lieux, mais il s'en dégage une impression étrange. Bien que tout soit vide j'ai l'impression de voir la foule des baigneurs dans les bassins et j'imagine facilement les Constantinois en train de pique-niquer sur les tables de ciment à l'ombre des grands arbres.

Nous remontons vers la ville par la route de Philippeville et nous nous dirigeons vers le cimetière juif. Là encore il y a un gardien qui l'entretient de son mieux avec les moyens qui lui sont alloués. Nous retrouvons la tombe de Raymond Leyris qui domine le rocher de Constantine. Retour vers l'hôtel en pleine heure de pointe et notre chauffeur nous conduit au milieu de cette circulation folle tout en recevant et donnant de multiples coups de téléphone sur son portable ! Pour nous éviter la moindre marche à pied nous sommes déposés juste devant chez Mourad chez qui nous devons déjeuner. Au menu couscous viande, navets, pois chiches tout à fait succulent.

Le déjeuner terminé nous embarquons dans la voiture de Mourad qui doit nous servir de chauffeur cet après-midi. Nous commençons par un petit détour par la poste pour l'achat de timbres et l'envoi (enfin) de nos cartes postales. Puis je voudrais rapporter quelques gâteaux et nous nous rendons dans une pâtisserie recommandée par Nadra au fin fond de Bellevue. Le choix est extraordinaire et tout est vraiment appétissant. Nous repartons direction le Djebel Ouach. Là Constantine à beaucoup changée. Entre le faubourg Lamy de mon enfance et le Djebel Ouach c'était la campagne. Maintenant c'est construit tout le long de cités et de lotissements. Il semble que ces quartiers étaient les endroits les plus chauds pendant les années terribles. L'on sent qu'encore aujourd'hui il y a une certaine appréhension vis à vis de ces lieux. Nous atteignons le Djebel Ouach à l'entrée duquel il y a un parc de loisirs avec grande roue et compagnie, ainsi qu'un petit parc zoologique. Les bois et les étangs eux n'ont pas changés. C'est le lieu de rencontre des amoureux qui s'y promènent bras dessus, bras dessous loin des yeux de leurs familles. Arrêts rapides pour quelques photos. Les sous bois sont bien entretenus par un petit troupeau de vaches qui s'occupent de tondre les pelouses.

Retour à l'école annexeNous redescendons vers le faubourg Lamy où nous avons rendez-vous chez Djamel Ali Kodja où nous attendent Lokmane et Najia. Nous sommes accueillis comme toujours avec gentillesse. Il y a là également une dame qui est en fait la personne qui occupe aujourd'hui le logement dans lequel j'ai passé six années de mon enfance. Nous prenons donc le café et les gâteaux. Djamel Ali Kodja m'offre une copie de son livre "La Mante Religieuse" qu'il me dédicace. Puis c'est le chemin que je faisais chaque jour il y plus de 40 ans pour me rendre à l'école. La rue n'a pas beaucoup changée, la végétation a poussé et masque un peu plus les maisons. Nous entrons dans l'école. Là beaucoup de choses me remontent à la mémoire. L'escalier qui descend vers la cour, le préau et la cour triangulaire : rien n'a vraiment changé. J'ai également la chance de pouvoir entrer dans les classes où j'ai suivi les CE1 et CE2. Là encore tout semble identique. Les choses semblent figées, comme si elles nous attendaient depuis 40 ans. L'émotion est présente, mais Lokmane se met à chanter des chansons que nous avons tous apprises sur les bancs de nos écoles. Et tout le monde reprend en chœur. Nous continuons la visite de l'école et je découvre une petite cour en contre bas que j'avais totalement oubliée.

Nous retournons cette fois vers le 3 rue Marcel Gurriet mon ex-maison. Pour accéder à notre logement au premier étage il faut emprunter un escalier extérieur qui lui aussi est tel que dans mon souvenir. Et puis je franchi le pas de la porte et la gorge se sert. Dans mon ancienne maisonle couloir d'entrée avec son carrelage à feuillages rouges est intact. En fait toue la maison est telle qu'elle était au moment où nous l'avons quittée. Les pièces n'ont pas été modifiées. Juste les murs sont repeints de frais qui donne un petit air pimpant à ces pièces. Bien sûr les pièces n'ont plus le même usage. La chambre de mes parents est devenu un élégant salon, le bureau de mon père une chambre et la salle à manger, dans laquelle j'avais mon lit, sert toujours de salle de réception et de chambre. Quant à la cuisine rien à bougé, il y avait une grande hotte au dessus de l'évier et de la gazinière, elle est toujours là ! Nous prenons bien sûr un petit rafraîchissement et un café avec quelques gâteaux. Les gens qui habitent là aujourd'hui semblent ravis de nous recevoir. Juste avant de partir la dame m'offre un petit paquet à ouvrir plus tard. Il s'agissait d'un très joli petit plateau de cuivre. C'est les gens qui vous invitent qui vous offre des cadeaux : les Constantinois sont comme ça !
Je repars en promettant de revenir un jour.

Départ vers St Jean où nous retrouvons l'ami de Lokmane. Et en route vers chez Sarhouda où nous retrouvons également Najia et une autre professeure. Plus tard dans la soirée nous serons rejoins par Houda une jeune fille qui travaille dans l'agence informatique du mari de Sarhouda. Et nous passons encore à table. Au menu chorba, boureks plus un mélange de légumes à manger avec les doigts. Des crêpes au miel et des gâteaux pour finir avec le café. Le tout accompagné d'une discussion sur la langue arabe à propos des vertus réciproques de l'arabe classique et de l'arabe dialectal. Nous profitons de la présence de Houda pour évoquer les problèmes des jeunes Algériens et même leur position vis à vis de l'amour ou plutôt du mariage. Il semble que les mentalités changent. Bien entendu Lokmane nous raconte encore quelques histoires et nous fait même le cadeau de quelques poèmes qu'il nous récite à la lueur de quelques bougies. Voici l'un deux :

Je me souviens

Je me souviens souvent du temps où j'étais môme
Je voguais dans les nues folâtrais dans les champs
J'avais pour les bons mots déjà quelques penchants
Et l'enfant que j'étais se prenait pour un homme

Je me souviens toujours des jeux de mon enfance
Avant que le soleil le soir ne soit couché
Des jeux bien apaisants auxquels je m'accrochais
Vraie source de bonheur fontaine de Jouvence

Je me souviens encore de ma petite école
Où j'appris assez tôt que la Terre était bleue
Belle comme la Vie bleue comme tes yeux
O ma tourterelle ma luisante luciole

Mais je rêvais aussi d'une maison très grande
Où vivraient enlacés la rose et le lilas
Je rêvais ô ma mie je rêvais ça et là
D'un pré peu vénéneux où pousse la lavande

Maintenant je suis las et mes yeux sont hagards
Car mes rêves d'antan se sont tous envolés
Les iris ont cessé de pousser sur l'allée
Et l'enfant que j'étais n'a plus son doux regard

Je n'ai plus que tes mots pour te dire et pour croire
Que seul un poème me rendrait moins amer
Des mots qui m'aideraient à brider cet enfer
Et quitter sans regret cette triste nuit noire

Je me souviens souvent du temps où j'étais môme
Je voguais dans les nues folâtrais  dans les champs
J'avais pour les bons mots déjà quelques penchants
Et l'enfant que j'étais se prenait pour un homme
Etait un jeune homme
Etait un bel homme

Lokmane B. Constantine

Encore une soirée formidable !

Nous rentrons à l'hôtel vers minuit et demi. Cette fois le gardien est prévenu et vient nous ouvrir rapidement.

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