Philatélie : Ponts de Constantine et Gorges Du Rhumel • • • El Watan - 24 et 31 janvier 2019Une balade touristique sur les timbresSite naturel unique au monde, les gorges du Rhumel et le célèbre rocher qui abrite la ville de Constantine depuis des siècles, demeurent parmi les plus belles curiosités touristiques en Algérie. Admirés par les nombreux voyageurs ayant visité l'antique Cirta durant des siècles, leur première illustration sur un timbre-poste se fera lors de la 4 e série de la Poste aérienne parue le 26/2/1972. La vignette, d'une valeur de 4,00 DA, représentant une vue magnifique du rocher, dont les deux parties sont reliées par le pont suspendu de Sidi M'cid, a été l'œuvre d'Ismaïl Samsom. Une image qui révèle aussi une vérité historique jusque-là ignorée, faisant de l'antique Cirta l'une des plus anciennes villes habitées, vivantes et animées en permanence dans l'histoire, soit durant plus de 2300 ans. Les merveilles dont jouit le Vieux rocher, avec ses gorges, ses ravins, ses vestiges longtemps méconnus et ses ponts seront également le sujet d'un second timbre de couleur rouge dans la série «Vues de l'Algérie d'avant 1830», émis le 26/1/1984, où apparaît l'image du rocher prise à partir du plateau du Mansourah. Il sera suivi d'une même figurine, mais de couleur verte, émise le 21/3/1991. Les gorges du Rhumel seront également à l'honneur dans un timbre signé Kamreddine Krim, intitulé «Vue de Constantine», sorti le 26/1/1989. Mais la série historique qui marquera beaucoup plus la présence de Constantine dans le catalogue philatélique algérien restera sans doute celle émise le 20/11/2008 sous forme d'un bloc feuillet, réalisé par Ali Kerbouche et regroupant les quatre principaux ponts reliant les deux rives du Rhumel, avec comme arrière-plan une partie de la vieille ville au quartier d'Echatt, la célèbre Médersa et les bâtisses de la rue Larbi Ben M'hidi donnant sur le ravin. Une véritable balade touristique sur des timbres, qui permettra aux philatélistes algériens de découvrir en premier le pont Sidi Rached, l'un des symboles de la ville. Représenté sur le timbre de valeur 15 DA, l'ouvrage de l'ingénieur français Paul Séjourné, entamé en 1907 et inauguré le 19 avril 1912, est classé parmi les plus grands et les plus remarquables ponts de pierre au monde. Il a même un «frère jumeau», pierre par pierre et arc par arc, qui n'est autre que le pont Adolphe au Luxembourg, élevé sur la vallée verdoyante de la Pétrusse, inauguré le 24 juillet 1903. Sur le même timbre, on peut voir, un peu plus bas, le mausolée de Sidi Rached, saint-patron de la ville, avec son minaret de forme carrée. Tout en contrebas de cette zaouïa, à l'entrée des gorges, se trouve le pont du Diable, construit en 1850. En suivant le sens d'écoulement du Rhumel du sud vers le nord, on découvre la passerelle Mellah, portant le nom du pont de la Médersa sur le timbre de 38DA. Réalisée entre 1917 et 1925, cette véritable prouesse de 125 mètres de long, à 105 mètres au-dessus du ravin, est l'œuvre de l'ingénieur Ferdinand Arnodin. On l'appelle aussi le pont de l'Ascenseur, en raison de la présence de ce dernier juste à l'entrée du pont et permettant de le relier à la vieille ville. Si le timbre d'Ali Kerbouche révèle la beauté de cette réalisation, qui est l'unique pont suspendu de la ville réservé aux piétons et qui donne des sensations de vertige lors de sa traversée à cause des secousses de son tablier, de nombreux vestiges sommeillent encore au fond des Gorges du Rhumel, attendant d'être révélés un jour. On citera le célèbre chemin des Touristes, creusé dans la roche et inauguré en 1895. Œuvre de l'ingénieur constructeur français, Frédéric Remes, il permet une magnifique balade sur le flanc du rocher, puis à travers deux passerelles sur un parcours de plus de 2 kilomètres. L'ouvrage unique en Algérie, dont on peut voir les restes au fond des gorges à partir de pont Sidi Rached et la passerelle Mellah, avait connu une première restauration en 1907, puis une seconde en 1954, avant d'être fermé après le déclenchement de la Révolution. Il subira de sérieux dégâts lors des crues de novembre 1957. Depuis, il attend toujours une réhabilitation qui tarde à venir. Une histoire fabuleuse sur des vignettes postalesEn poursuivant notre balade sur les rives du Rhumel, dans la ville de Constantine, à travers les timbres du bloc feuillet historique réalisé par Ali Kerbouche et émis le 22/11/2008, on arrive sur le pont de Bab El Kantara, illustré sur la vignette de 20 DA. Connu pour être «le doyen» ou «l'aîné» des ouvrages qui font la notoriété du Vieux rocher, il est célèbre pour son histoire qui demeure des plus fabuleuses. Durant de longs siècles, il était l'unique accès vers la ville à partir de l'autre rive du Rhumel. La construction du premier pont dans ce site remonte au 2 e siècle de notre ère, sous le règne de l'empereur Antonin Le Pieux. Des vestiges de cette passerelle en pierre existent encore et sont visibles sous l'actuel pont d'El Kantara. Durant son existence, le pont d'Antonin subira des dégâts lors des multiples sièges de la ville. Pour faire face aux attaques des ennemis, le gouverneur de Constantine, Ibn El Amir, ordonna sa destruction en 1302. La ville restera durant 488 ans sans aucune passerelle qui puisse la relier à l'autre rive du rocher. Elle devra attendre la décision de Salah Bey (1771-1792) de reconstruire le pont en 1790. Malheureusement, Salah Bey, qui sera pendu le 1 er septembre 1792 à la prison de La Casbah après sa destitution par le Dey d'Alger, ne verra pas le pont d'El Kantara, achevé par son successeur Hossein Bey. On peut voir également cet ouvrage sur les deux timbres rouge et vert sortis respectivement en 1984 et 1991 dans la série «Vue d'Algérie avant 1830». Ce pont sera, en novembre 1836, le théâtre du premier siège de la ville par les troupes de l'armée française commandées par le général Clauzel. Une opération qui connaîtra un échec total. L'ouvrage, dont une bonne partie s'effondra en 1857, à peine 20 ans après la prise de la ville par les Français, sera démoli et reconstruit. Le nouveau pont, long de 128 mètres, doté d'une arche unique en fer d'une portée de 56 m, à une hauteur de 125 m au-dessus du ravin, sera inauguré en 1867. Sur la figurine du bloc feuillet dessiné par Ali Kerbouche, on peut voir le pont représenté à partir du chemin de la Corniche, faisant apparaître les immeubles de la rue Larbi Ben M'hidi, ex-rue Nationale, plus connue par «Trik jdida», entamée à partir de 1844. Après le pont d'El Kantara, on arrive au pont Sidi M'cid, représenté sur le timbre de 10 DA dans le feuillet d'Ali Kerbouche. Situé à 170 m au-dessus du Rhumel, il est le plus haut de la ville. Il est de loin celui où l'on sent mieux la grandeur des gorges du Rhumel. Une beauté à savourer sans modération. En bas, le paysage donne le vertige. L'angle de prise de vue du pont à partir du chemin menant vers le Monument aux morts offre un magnifique panorama sur la ville et le ravin. On peut voir au fond à droite la caserne de La Casbah, puis un peu plus bas vers la gauche, sur la rue de la Belgique, la grande bâtisse du lycée Rédha Houhou (ex-lycée d'Aumale), l'un des premiers en Algérie, ouvert en partie en 1858 et achevé totalement en 1883. En descendant un peu plus bas, on est dans le quartier Echaraâ, que Salah Bey avait créé pour «cantonner» les juifs de Constantine. Pour l'ingénieur français Ferdinand Arnodin (1845-1924), concepteur de plusieurs ponts suspendus en France, le pont de Sidi M'cid, qu'il a réalisé à Constantine, a été une expérience à part. Les vieilles photographies qui ont immortalisé les travaux de cet ouvrage, avec des ouvriers travaillant sur des échafaudages de fortune, au bord du rocher, étonnent de nos jours. Lorsqu'on prend conscience des conditions de travail entre 1905 et 1912 et des moyens rudimentaires de l'époque, on réalise qu'il s'agissait vraiment d'un grand exploit. Le pont sera inauguré le 19 avril 1912, le même jour que celui de Sidi Rached. Plus de 150 ans après la construction du pont d'El Kantara (1867), qui sera suivi par d'autres, les Constantinois ne peuvent recevoir leurs invités sans leur faire visiter ces merveilles, qui demeurent toujours la fierté de la ville. S. Arlan |