Certains
de mes correspondants m'ont fait parvenir leurs souvenirs de Constantine.
Il m'a semblé intéressant de regrouper ces différents textes, en les mélangeant,
pour en faire une suite de petits bouts de mémoire. Si vous aussi, vous
avez ce genre de souvenirs à faire partager, envoyez-les
moi afin qu'ils s'ajoutent aux autres, et ce de façon totalement anonyme.
"
Par quel charme mystérieux Constantine a-t-elle marqué aussi profondément
tous ceux qui l'ont connue et plus encore habitée? Tous en parlent avec
chaleur et mélancolie, car nulle part ailleurs ils ne pourront trouver
autant de sauvage et fière beauté. "
Pour
le petit lorrain de 11 ans que j'étais, ces trois années passées de juillet
1958 à novembre 1961, à Constantine, ont été magnifiques et génèrent encore
aujourd'hui une très douce nostalgie, titillée par tous ces souvenirs
égrenés sur ce site.
J'ai
d'abord habité une petite maison sur pilotis, semblable à toutes ces habitations
du patrimoine coopératif de Bellevue, contiguës 2 par 2 avec un escalier
commun ; avec mon frère aîné et les copains du quartier, les ballades
à vélo étaient notre principal loisir, en haut, vers Bel Air, où habitaient
quelques camarades de classe, ou, plus bas, par la route de Sétif, vers
le polygone de tir où nous allions voir évoluer, de loin, des engins blindés
de reconnaissance qui faisaient la course, faire la cueillette des douilles
en tout genre et, pour finir, piquer une tête dans un méandre bien boueux
du Rhummel...
A la rentrée scolaire de 58-59, je suis entré en 6° au lycée d'Aumale
où je me rendais à pied ...rue Pierre Loti, Bd Bir Hakeim, rue Rohault
de Fleury, Place Lamoricière, Place de la Brèche, rue Caraman...Au
retour, la remontée de la rue Rohault de Fleury m'offrait toujours
le même dilemme
: trottoir de gauche, l'ombre des arcades et les marchands ambulants
de cacahuètes, trottoir de droite " le " marchand de beignets à
la friteuse bien fumante, et le lèche-vitrine ...Motoconfort et le vélo
de mes rêves ( sur la recommandation d'un voisin bien renseigné, "
on " lui avait préféré un modèle " monté sur commande "dans
une sombre boutique de cycles de la Casbah !), Renault et sa petite
dernière,
la Dauphine " aérostable ", le magasin d'électroménager avec
ses électrophones Teppaz et ses cerceaux de Hula hop ...
Plus tard, nous avons déménagé pour nous installer dans un grand immeuble
de Sidi Mabrouk, une sorte de cité policière où le loisir essentiel était
de mettre au point la prochaine rencontre de football contre ceux de la
cité militaire voisine ; un derby où le choix du camp était essentiel
car le " pré " était très pentu !
Je me souviens également très bien du Colisée et de son toit ouvrant,
de l'ABC aussi et d'un autre cinéma dont j'oublie le nom, au décor maure,
céramique bleue et blanche ; on y parvenait je crois par une rue où déambulaient
beaucoup de dames et de militaires !...
Au chapitre des commerçants, j'accompagnais souvent ma mère au Globe,
et rue Victor Hugo, chez Bazar Bachah ( orthographe phonétique), une grande
épicerie tenue par plusieurs générations de Mozabites. Chaque visite dans
cette boutique était saluée par de très révérencieux " Béjor Médèm
"... "'voir Médèm " .
Je me souviens encore de ce marchand ambulant qui vendait quelques rares
légumes parmi lesquels "les p'tits porooooooos ", et aussi du
marchand de figues de barbarie, si habile à décortiquer ses fruits en
trois coups de canif, et des éboueurs courant à côté du camion avec leur
grand panier en sisal !...
Le " boussadia "était une sorte de sorcier africain, accoutré
de façon bizarre et hétéroclite : un pagne en peau de bête, des breloques
en tout genre, et un tambour pour rythmer des danses destinées à faire
venir la pluie ou à récolter quelques pièces, gesticulant et roulant des
yeux pour effrayer les groupes de gamins qui lui tournaient autour.
Face au lycée d'Aumale, les gorges du Rhummel étaient chaque matin le
théâtre de quelques lancers d'avions et fusées en papier. Dans cet établissement,
j'ai très vite compris que tout irait bien pour moi si j'évitais de fréquenter
le bureau du censeur ; les grands nous avaient prévenu, la porte en cuir
capitonnée et cloutée devait sans doute assourdir les bruits des "
savons " réservés aux cancres !
En 6°, j'ai ânonné mes premières déclinaisons latines avec une petite
dame un peu boulotte dont j'ai oublié le nom ; son surveillant général
de mari, un grand brun moustachu à l'air revêche, répondait au sobriquet
sans doute excessif de Hitler !...
Le dessin était, déjà à cette époque, ma matière favorite et le professeur
d'Allemand, qui avait sa classe au rez-de-chaussée de la petite cour,
mettait à contribution mes prédispositions : j'avais le privilège de rentrer
en classe avant tout le monde pour réaliser au tableau quelques dessins
à la craie illustrant le vocabulaire ou la grammaire du jour. J'ai toujours
pensé que ce privilège me permettait le plus souvent d'échapper aux interrogations
!
Quant à la prof de musique, elle était charmante et aimait les jupes blanches...nous
aussi, et ses évolutions à contre-jour, sur l'estrade, comme ses croisements
de jambes, nous plongeaient dans un grand émoi !...
Né à Constantine,
de parents, grands parents et arrières
grands-parents Constantinois. Suis né rue Chevalier (1949-57),
dans la maison où est né et habitait aussi Paul Amar, le journaliste,
que jai
vu et revu plus tard. Mais qui peut me dire dans quelle école primaire
on allait,en habitant cette rue ? Je ne men souviens plus !
(tout renseignement sera le bienvenu) : il s'agit de
l'école
Condorcet.
Je ne me souviens que dune gentille instit, Mme
Rossazza.
Puis, de 57 à 61, on déménage à Sidi MBrouk Supérieur (appelé ainsi
parce que plus en altitude que linférieur.).On en avait donc 2 pour le prix dun ! Mes
parents récupéraient enfin, après un combat homérique de X années,
leur maison, jardin, verger avec abricotier, pêcher, oranger, citronnier,
noyer, cerisiers(2), vigne, etc, etc Il faut dire que le locataire
ne payait plus de loyer et sétait installé des années. Jy
vécu heureux, 3ans seulement. Jallais alors au Cours Complémentaire
Ferdinand Buisson. Jhabitais 26 rue Léon Addida, la 3ème ou
4ème maison en montant la rue, coté droit.
Nos voisins : les Khattabi, Aouizerate, Bismuth, et plus haut, Benchicou.
Jai le souvenir dune bonne harmonie entre voisins de religions
différentes (malgré les mauvaises langues !). Je parlais arabe avec mes
amis musulmans et jétais heureux de parler cette belle langue. Je
revois La rue Livingstone et le bus qui y passait, direction centre-ville.
A ce propos, ce jour là je ratais le bus, avec ma mère. Ce même
bus (N° 36) devait finir au fond du ravin quartier es Pins. Bilan :30
morts. Jen ai eu froid dans le dos.
Je traversais le square
pour aller au collège, dont le Directeur Mr Rocc...i, mavait giflé
pour bavardage dans les
rangs. Ya hesra, ! Cétait la pédagogie de lépoque !
Mais de bons Profs (Mme Poinsignon, Mr Mimouni, Borg, Kessous, Magnin).
Les odeurs, bien sûr, avec les nombreuses épices quon retrouve dans
tout le monde arabe et de lorient : cannelle, cosbor (persil chinois),
nanaa (menthe), clou de girofle, .le zaar, liquide de
la fleur doranger.
Le folklore (au sens sociologique), avec les fameux boussaadia, évoqués
par 2 ou 3 personnes. Cétaient des sortes de saltimbanques, troubadours,
gens de cirque ambulants, avec leurs singes, chèvres (un peu Notre Dame
de Paris),qui nous faisaient gentiment peur avec leurs grimaces, mais
qui nous fascinaient.
La bouffe (géniale bien sûr), le Khsess et la Kesraa, délicieux
pains ronds, de blé, cuits au charbon sur le Khannoun (réchaud en terre
ou en métal,je ne sais plus).
Les moments « chauds » : une fois seulement,
le soir, un échange de coups de feu (cétait
la guerre), extinction des feux ..et tout le monde à plat ventre, attendant
la fin du film.( !!) Ambiance !!!.
Un détail scolaire, les « lendits »,
sortes de spectacles, figures gymniques de groupes, en bon ordre, encore
pratiqués dans les pays asiatiques, tout cela au fameux stade Turpin.
Un autre évènement marquant pour moi, à 9 ou 10 ans, et dont les parents
ne possédaient pas de voiture : la découverte de la mer!, direction Stora
(la plage de Philipeville, maintenant Skikda),...grâce à la 2 CV du prof
dhistoire, logé chez nous,et qui venait de la Métropole (de France),
de la Loire. A cet age,on était innocents, on ne voyait pas le mal (qui
était pourtant autour de nous). En 5ème, la 1èrede la classe était une jolie
algérienne, qui portait, je crois, le nom dun studio de photographe
de Constantine (et dont jai oublié le nom)..et moi, jétais
3e..Pas mal
Je termine avec les fameux créponets (pourquoi ce nom bizarre !)
sur la Place de la Brêche .Je cherchais vainement une brêche,
rien nétait ébrêché, pas même le créponet. Mais je connais enfin
lorigine de ce nom, merci Serge de tes explications (page dhistoire
à voir dans le site).
Bon, je sens que je fais long, jabrège en évoquant le « Tabarin »,
café de la rue de France, qui appartenait à mon oncle, la maison que nous
avions fini par vendre (tous navaient pas eu cette chance ),
le départ en train Inox pour Skikda ..et le bateau « Sidi Okba »
pour Marseille (quest ce que javais vomi pendant la traversée !).
Mais je nétais pas triste.
Et voilà, la France, avec les collines autour du port de Marseille, Aubagne début
dune autre aventure qui continue puisque je vis dans un autre
océan, lIndien. A bientôt, et faites nous partager vos émotions,
çà réchauffe !
Ca y est! J'ai 56 ans...et toutes mes dents.
Coucou,
c'est encore moi.!!
Je sentais qu'il manquait quelques
touches au tableau... Alors je récidive. C'est contagieux. Donc,
je continue ma pérégrination à l'envers.
A 5 ou 6 ans, je découvre
Djebel Oua'ch (je pense que c'est la Montagne Déserte,
en arabe : corrigez moi si nécessaire!).C'est un site
sauvage et beau où le
vent nous sussurait des chants étranges et puissants...
Rassurez vous, je n'y buvais que de l'eau! On y pique-niquait
en famille. Passer sous le tunnel de la route de Sidi M'Cid,
avec son odeur humide, procurait une sensation étrange
et agréable à la
fois. Le Square Vallée (centre ville, près des
terminus de bus) était un jardin public assez grand,
bien entretenu. On tournait le volant de ses fontaines pour
abreuver nos petits gosiers : j'avais un petit gobelet en étain,
gris, . Mais où donc
est il passé ? Sidi M'brouk Supérieur m'accueillit
ensuite et son plateau du Mansourah. On y jouait au foot dans
ses champs de blé.
Les grains de blé vert, murissants étaient mon
délice.
Il y avait aussi une certaine Synagogue, pas loin du Square,
et devenue Mosquée. Je revois encore ses colonnes à pilastre,
décorées
de stuc blanc, ses vitraux azur, grenat et vert. Les chants
de Kippour, du Shabbat et de Pessah résonnent encore
après 50 ans.
Rue Zouiche Amar (Ex Léon Addida) : Salut à toi
! et Salut à vous, ses habitants, qui ont dû connaître
mes parents, et moi. Le collège Ferdinand Buisson (1958-61) était
déjà le
prototype du collège "multiple", où les 3 peuples étaient
mêlés. Il forgeait nos intellects mais aussi nos
coeurs .Ceux qui n'ont pas connu cette époque pourraient
penser "pure
propagande, baratin politiquement correct,..." Et pourtant,
je l'ai vécu
ainsi, comme l'ont vécu, je pense, tous les jeunes coeurs
et esprits rassemblés sous ces toits où le savoir
libère et
rend possible la tolérance et l'ouverture d'esprit,
l'esprit d'ouverture.. J'arrête là mon envolée
et reviens vers le concret. Avril 1961 : J'entends la radio
annoncer le "putsch
des généraux" qui a duré 4 jours. C'est
alors que bien
des "pieds-noirs", mais aussi des "autochtones", enracinés
depuis 2000 ans à cette terre, sentent que c'est le" début
de la fin ". Ils fuient, craignant l'embrasement général,
qui finalement eut lieu, 1 an après. Tragique incompréhension
disent certains, qui voulaient voir rester ces "fils d'Algérie", gagnés
par la peur de la mort et de l'anarchie. Ceux qui n'ont pas
vécu
ces instants ne peuvent comprendre. MAI 1961: Finale de la
Coupe de France de Foot: Juché dans "mon" cerisier,
j'entends la Radio ...et Bianchéri
marquer pour Monaco. Juillet 1961: Défilé FLN
dans Constantine (et Sidi Mabrouk), pacifique et digne.Suis
assis sur les escaliers de ma maison et contemple ce flot humain...et
commence à comprendre.
Octobre 61: C'est LA FIN. On prend le train INOX, beau train
rutilant, flambant neuf (que certains ont cité dans
le forum d'ADC). Direction Skikda /Philippeville ...On quitte
le plancher des vaches pour la Grande Bleue, aux bons soins
du bateau Sidi Okba. Avec lui flotteront les espoirs, souvenirs,
regrets d'un pays magnifique, ...où une
moitié de
nous est encore présente. Pour les aînés,
(et pour ceux qui n'ont aucune attache en Métropole) c'est
quand même
l'inquiétude devant l'inconnu. Moi, c'était l'insouciance
...et l'optimisme de l'enfance. Une expérience d'exil,
comparable à tant
d'autres.... FIN
"Des
souvenis, j'en ai tellement que je ne sais par lequel commencer... Et
pourtant, je suis retourné à Constantine... 2 fois...
(même
si je n'y
suis pas né puisque je suis arrivé d'Indochine à 4
ans) en 1988 et 1989.
Alors, la place des Galettes tout près de l'école Jean-Jacque
Rousseau
où nous habitions, le muezzin du la mosquée juste à côté,
le lycée
d'Aumale puis le collège moderne au Koudiat; le pain frais et
les
gâteaux que mon père allait chercher chqaue dimanche en
bas de la rue
Cardinal Lavigerie, ce pain qui contenait autant de microbes (mais frits
et donc inoffensifs) que ceux racontés dans un des messages au
sujet des
zlabia... les fêtes dans les maisons juives du quartier... les
cris, les
odeurs, le bruit... les jeux, nos jeux d'enfant ou d'adolescent à courir
et grimper partout... le tremblement de terre juste après la guerre
(entre 44 et 46, je crois) qui nous obligea à coucher dans la
forêt de
pins tant le danger semblait important... Des souvenirs ? je vous dis,
j'en ai à la pelle... et puis le cours de danse de Colette de
Neef...
pour lequel j'étais pianiste... et les cours de piano de Madame
Bugelli"
"
J'ai vécu à Constantine jusqu'à l'age de 11 ans, c'est à dire 1954. J'habitais
en face du stade TURPIN qui était le stade Municipal, dans un petit
immeuble de 3 ou 4 étages qu'on pouvait qualifier de bourgeois pour
l'époque. Je
me souviens que nous allions au marché de la Place de la Brèche en descendant
la rue Rohault de Fleury dont les arcades abritaient toutes sortes de
commerces et notamment un laitier algérien chez qui on achetait le "petit
lait". Nous arrivions à hauteur du Casino Municipal et remontions
le long du square Valée pour aboutir au Marché de la Place de la Brèche.
Jolie trotte...
En sortant du marché (ah ! ces petites grenouilles fraîches qui étaient
présentées sur des feuilles de vignes) ma marraine faisait une halte au
Café Excelsior, en haut de la Place pour déguster un Martini alors que
je prenais l'escalier intérieur de la brasserie pour rejoindre une rue
en contrebas où se trouvait la meilleure pâtisserie de Constantine et
acheter une "crêpe fourrée" à la crème au beurre.
Ensuite, il fallait remonter souvent à pied, parfois en trolley ou luxe
suprême en... calèche...
Je vous passerai les fêtes de Pâques avec le défilé à l'Église du Sacré
Cur au Coudiat portant fièrement à bout de bras nos rameaux où pendaient
cloches, poissons, canards... en chocolat tout enrubanné de papier doré.
Avez-vous connu cela ? Je ne rappelle plus de leur nom.
C'est une coutume que je n'ai plus retrouver nulle part ailleurs. Si vous
avez une idée??? "
"
Évidement que je me rappelle la brasserie Excelsior avec sa terrasse en
triangle donnant sur la place de la Brèche avec la poste et le théâtre
en face. Mais je préférais la brasserie Alex tout à côté, qui était plus
moderne et un peu surélevée et que fréquentaient les jours de sortie les
potaches que nous étions. La pâtisserie évoquée par votre correspondant
était la pâtisserie Coutayar, fameuse, mais dans la rue Caraman entre
les deux brasseries se trouvait la brasserie Le Poussin Bleu tout aussi
bonne. Dans la rue Rohault de Fleury il y avait dans le début des années
50 les premiers football de table que nous appelions ping foot dans un
des cafés, puis plus tard dans cette rue il y avait une très bonne librairie.
Je revois avidement le magasin de musique à coté de la cathédrale.
Au stade Turpin j'ai assisté à de fameux matches de foot scolaires notamment
les matchs Lycée École -Normale. Je me rappelle également en 1953 la finale
du championnat d'Afrique du Nord de volley avec les équipes d'Hydra-Alger,
l'Alliance de Tunis et l'ASPTTC de Constantine au stade des Platanes en
dehors de la ville à coté du Tennis Club où j'ai joué quelquefois.
Il faut aussi mentionner entre autres lieux publics les Cinémas tels le
Colisée près du casino municipal sur l'esplanade, qui était équipé de
fauteuils de velours rouge et d'un toit ouvrant. L'entrée de la salle
était majestueuse de marbre noir et blanc donnant soit sur le cinéma soit
sur une immense salle de brasserie mais peu fréquentée déjà à mon époque.
La magie venait le soir de l'éclairage fourni par des tubes de néon de
couleurs rouge ou bleu peu fréquents à l'époque et qui nous préparaient
à l'illusion cinématographique. L'ABC à Bellevue était une salle plus
récente à l'américaine avec rideau de satin et lustres en pâte de verre,
escalier à fer forgé, marbre et dorures partout où j'ai vu en 1953 "Autant
en emporte le vent" quand il est sorti pour la première fois en France
et j'avais payé 500 anciens francs ma place.
Maintenant la nostalgie doit être générale : il y avait aussi Constantine
de la communauté musulmane et celle de la communauté juive qu'il ne faut
pas oublier et qui étaient à elle deux la majorité de la population. Il
faut bien dire que à quelques exceptions près les communautés ne vivaient
pas vraiment ensemble mais à coté les unes des autres.
De Constantine Arabe je me rappelle le marché de la place des galettes
et celui de la place Negrier à coté de la fameuse Medersa El Kettania
fondée par Benbadis et d'où est sorti tout le mouvement du renouveau culturel
arabo-musulman en Algérie qui fut une des sources du nationalisme. Elle
se trouve tout à coté du Lycée où je faisais mes études mais à l'époque
personne ne m'en parlais. Constantine est une immense ville culturelle
du point de vue des Algériens. Il y avait également rue Nationale la Medersa
puis Lycée Franco musulman, dans un très beau bâtiment de style mauresque.
De cet établissement sont sorti des dizaines d'intellectuels bilingues
qui ont formé les cadres de l'Algérie Indépendante. Ils sortaient ces
potaches tout autant que nous et fréquentaient certains cafés entre la
rue Caraman et la rue Nationale où l'on entendait les musiques égyptiennes
de Farid el Atrache et Mohamed Abdel Wahab avant celles de Oum Kaltoum.
A ce propos il faut signaler la splendide musique arabo-andalouse que
je découvre seulement maintenant : Cheikh Raymond et Fergani entre autres,
que l'on entendait dans les mariages.
De même le quartier juif de Constantine se trouve tout autour du lycée
d'Aumale, la grande synagogue était sur la même place que la Medersa de
Benbadis, nous autres potaches les soirs de sabbats nous avions vue par
les fenêtres de nos dortoirs sur ces cérémonies de prières avec ces châles
blancs et bleus et ces prières qui semblaient faire écho aux appels des
muezzins voisins. De même par les fenêtres de certaines classes de seconde
B et C nous voyons les habitants de ces quartiers accompagner à leur dernière
demeure leurs défunts en toute simplicité à pied en cheminant et devisant
le long du précipice qui borde le quartier et qui a bien la profondeur
des gorges du Verdon. Les jours de sortie nous traversions le quartier
avec les femmes âgées en tenue encore traditionnelle et chéchia féminine
coquettement inclinée sur le coté qui façonnaient au doigt les petites
pâtes "tlitli" de type langue d'oiseaux, tandis que de joyeux
buveurs trinquaient dans les bars d'alentour leur verre d'anisette dans
l'odeur des kmias et de celle des merguez de "lili".
Mais je crois qu'il faut surtout insister sur le cadre stupéfiant dans
lequel tout ceci se passait : Un rocher à pic sur trois coté : au nord
sur une plaine et à l'est et au sud sur des gorges. La ville s'étalant
de part et d'autre des gorges ; j'entends encore les klaxons des autocars
au fond des gorges quand ils s'engageaient sur la route de Philippeville,
maintenant ou depuis toujours comme vous voulez : Skikda. "
"
Pour ceux qui suivaient le sport, je faisais de l'escrime à la Constantinoise,
dans les escaliers en face de la pharmacie Franquet. Oh, je n'étais pas
trop mauvais puisque je peux m'enorgueillir d'avoir remporté en l'espace
de quinze jours, en Mai 1962, les championnats d'Algérie d'abord au Fleuret
et la semaine suivante, à l'Epée. J'ai gagné 27 coupes dans ma carrière
Constantinoise d' Escrimeur, mais ces deux dernières représentent pour
moi, un trésor inestimable."
" Pour celui qui faisait
de l'escrime dans la salle en
bas à gauche des escaliers en face de la pharmacie Franquet et
qui en Mai 1962 a remporté le championnat d'Algérie, je
lui envoie ces deux photos où dans ce lieu , le judo, la danse
et l'escrime faisaient bon ménage. De mon enfance passée
dans ce lieu, j'ai le souvenir d'un grand panneau pendu à l'un
des murs des armoiries de Constantine."
"
En 1960 j'étais interne en médecine à l'hôpital civil de Constantine dans
les services des docteurs Gozlan , puis Marill, puis Lebozec. Mais quand
j'étais plus petit vers 1946 et 1947 alors que j'étais pensionnaire au
lycée d'Aumale, où j'ai fait toutes mes études, je sortais le dimanche
et j'étais reçu par la famille B-F au faubourg Lamy de votre enfance que
j'ai donc bien connu. A l'époque c'était un quartier bien excentrique
de Constantine et assez lointain mais d'une tranquillité presque campagnarde
et de fait les bois étaient tout proches pour de magnifiques promenades
dominicales et les terrains de foot improvisés un peu partout avec pleins
d'enfants qui pouvaient sortir très sûrement et très librement dehors.
Je me rappelle les odeurs de rôtis du dimanche associées au cri des marchands
d'habits "ya rien à veeeeendre !!!". Par la suite je suis resté
assez longtemps comme médecin en Algérie (je suis issu d'un couple mixte).
Mais j'ai du rentrer pour l'éducation de mes enfants. Je vous signale
qu'un grand écrivain algérien de langue française Malek Haddad est du
faubourg Lamy où il a passé son enfance, et qu'il a toujours chanté cette
ville qu'il adorait un peu mythiquement à la manière des poètes."
"
En lisant tous les témoignages que vous avez compilé j'ai eu l'impression
de refaire une visite guidée de cette ville au charme, c'est vrai, si
envoûtant. J'y ai retrouvé aussi mon lycée si bien décrit avec cette cour
carrée aux arcades délimitant autant de buts où se livraient à chaque
récré des parties de sou acharnées auxquelles le "francaoui"
que j'étais tentait de participer.
C'est au réfectoire du lycée d'Aumale que j'ai découvert des mets bizarres
qui avaient nom couscous ou salade de pois chiches ! Et sur le trajet
du retour, dans la rue Caraman, on pouvait moyennant 5 F la clope, se
payer le luxe sulfureux d'une Pall Mall ou d'une Luky Strike !
Quel bonheur aussi de retrouver la saveur douceâtre des Zlabias chauds
et sirupeux à souhait du marchand de beignets de la rue Rohault de Fleury
...et ses beignets au sucre !!! "
"
J'ai quelques souvenirs de balades moi aussi avec mes parents au Monument
aux Morts, le Bd de l'Abîme, Djebel Ouach, la piscine, et le centre ville,
la Brèche, le faubourg St Jean... Mon père avait un atelier juste à côté
de la préfecture. "
"
Tant de souvenirs personnels : la place de la Brèche où nous allions les
soirs d'été déguster un créponné, la place Lamoricière et son monument
devant le garage Citroën, le Pont Suspendu et en contrebas la route de
Philippeville, le Pont Sidi Rached, la Medersa et la Passerelle Perrégaux,
le Monument aux Morts, le Chettaba... "
"Mais
un fait m'étonne particulièrement. Personne, je crois, n'a mentionné la
rue Caraman. Pourtant cette rue, étroite et sans particularité, était
notre terrain de chasse favori. C'est là que, dès que nous avions une
sortie, nous nous précipitions pour arpenter sans fin les quelques mètres
de bitume. Tous les jeunes s'y retrouvaient pour zieuter les filles, échanger
des sourires entendus et chahuter. Quelquefois il y avait des bagarres
entre clans adverses, par exemple Lycéens contre Normaliens. Lorsque les
finances étaient au beau fixe nous allions à la brasserie Alex ,qui se
trouvait au début de la rue, pour y déguster un café.
Pourtant la Place de la Brèche, beaucoup plus vaste, nous attirait moins.
Peut-être préférions-nous la rue Caraman, car nous pouvions être plus
près des filles."
"Pour
nous d'El Kantara, la rue Caraman,c'était surtout la rue du Monoprix et
la rue Rohault de Fleury, c'était la rue qui symbolisait la partie bourgeoise
de notre ville. Eh oui!! Et comme tout un chacun, nous y allions de temps
en temps pour essayer de nouer quelques relations avec les petites du
coin et parfois notre côté voyou connaissait un succès assez flatteur,
mais aussi des prises de bec (et autres) avec "ceux d'en ville".C'était
un peu la guerre des boutons revisitée à la mode de chez nous."
"
La photo montrant l'avenue Liagre, m'a fait chaud au cur. Les "trams"
(comme l'on disait) le garage Citroën (devenue une agence d'Air Algérie),
autant de souvenirs qui en appellent bien d'autres : les balades avec
mes parents, les nombreux et spectaculaires défilés militaires (certes,
dans un contexte politique que je ne pouvais appréhender à l'époque, mais
j'y allais surtout pour la musique, la seule qu'il m'était donné d'entendre
en "live" à l'époque, la musique fait d'ailleurs toujours partie
de mes passions). "
"
Ayant vécu à la caserne du quartier Genay, je n'ai pas eu beaucoup "d'ouverture"
sur l'extérieur. Donc, je retrouve dans vos souvenirs ceux de mes frangins,
le stade Turpin où mon père était arbitre, le passage du vendeur de fromage
blanc vers midi, la place Sidi Djellis, l'esplanade, la place des galettes,
le bazar du Globe près de la Casbah. la Doctrine Chrétienne, j'en avais
oublié le nom et pourtant j'ai les photos de classe de ces petites années.
Je voulais donc vous dire que je suis ravie de vous lire, émue de partager
des lieux en commun (et non pas des lieux communs!!!) avec vous, une enfance
heureuse et pourtant si difficilement descriptible pour nos enfants.
Je m'emploie à reproduire les coutumes de Noël, les oreillettes, les fruits
secs à la pâte d'amande..."
"
Un autre souvenir a rejailli lors de la découverte de la carte postale
sur la Brèche : on aperçoit sur cette carte la guérite du policier qui
fait la circulation. La coutume à l'époque (avant 1960) consistait à venir
déposer, chaque année à la St Sylvestre, une bouteille d'apéro ou de vin,
autour de la guérite, pour "les uvres" de la police. Pendant
une journée ou deux, il y avait donc une "couronne" de bouteilles
autour et personne n'y touchait. "
" Cet
endroit de la ville (le Centre Culturel Français) je men
rappelle bien. Je ne connais pas le nom des rues ; cétait en haut
de Saint-Jean : au sommet dun côté la rue descendait à nouveau jusquà
lHôtel Cirta et de lautre côté elle partait en deux ou trois
directions ; une de ces directions était celle que parcourait le taxi
qui me ramenait à la cité universitaire quand je sortais en ville. A Saint
Jean il y avait un coin petit et sombre où lon achetait des cassettes
de musique et de 45 tours davant guerre. Le propriétaire était un
vieux monsieur, particulièrement louche mais doué dun esprit assez
vif. Si on remontait Saint Jean vers cinq heures de laprès midi,
du samedi au mercredi, on trouvait souvent nos enseignant dhistoire
ou de littérature traîner dun côté à lautre de la rue, en
groupes de deux ou trois.
Il mest arrivé de parcourir ces endroits au mois de juin assez tôt
le matin, vers six heures et demie ou sept heures, quand les rues nétaient
pas encore encombrées de monde et de voitures. A cette heure du jour où
la ville reprenait ses activités lair était encore vif et frais
; les commerçants ouvraient les rideaux des magasins en un fracas de tôle,
balayaient et lavaient le trottoir en face de lentrée en jetant
des seaux deau qui lavaient aussi ceux qui ne sécartaient
pas assez rapidement. Le parfum du pain tout juste défourné se confondait
avec larôme qui sortait des cafés, où des hommes lisaient le journal
ou bavardaient debout devant le trottoir.
Cétait beau.
Une des premières règles que mes copines mavaient appris était la
suivante : quand tu marches dans une rue et que tu passes devant des cafés,
lorsque tu rentres et que tu dois faire le même parcours, marche sur le
trottoir de lautre côté ???
Parce que de cette manière ceux qui se trouvent dans les cafés ne te remarquent
pas trop et surtout ils ne pensent pas que tu es en train de passer et
repasser par là dans un but précis.
but précis ? quel but précis ?
Toi et tes questions ! Marche sur lautre côté et stop !
Ah
Eh oui ; sortir au centre ville était toute une histoire "
" Je
ne me déplaçais que pour aller à l'école à Sidi Mabrouck et je me souviens
aussi de ces "fracas de tôle", des "seaux d'eau".
Même si ce n'était pas à Sidi Mabrouck que cela se passait, ces images
sont ainsi dans ma mémoire.
Le seul réel souvenir que je garde (en lien avec la ville) est l'immense
escalier que nous montions et descendions pour aller à la gare. Je dis
réel, car bien d'autres mémorisations se sont développées par les discours
des parents et amis et surtout par les photos.
Une autre image liée à la ville que pour le déplacement, est celle du
tram pour lequel je ne me souviens que des manuvres des perches
qui le liait aux câbles électriques aériens.
Voilà un petit bout de mémoire exprimée pour moi aussi, pour que cela
reste. "
" Les
souvenirs de cette jeunesse incroyable affluent pêle-mêle : ce sentiment
de liberté, le soleil, mes amis, l'école Diderot, le petit atelier de
réparation de pianos de mon père, à proximité de la préfecture (Wilaya),
la place de la Brèche, le boulevard de l'Abîme et ses tunnels, le Rummel
grossi par les pluies d'octobre, le marché derrière le théâtre et les
têtes de moutons alignées sur l'étal des bouchers, les odeurs de viande
grillée, les montagnes de pastèques Mais aussi, que d'heures passées
avec mes copains, assis sur la parapet du boulevard Joly Brésillon (Zighoud
Youcef maintenant) en face de la rue Sassy (El Kods aujourdhui)
sous les branches et les fleurs des immenses acacias et eucalyptus plantés
en contrebas. Je ne peux oublier ces arbres, car nous "dégustions"
les fleurs d'acacias et certains se roulaient des cigarettes d'eucalyptus
!! Notre lieu de rassemblement était situé juste en face d'un petit "café
maure" qui faisait l'angle de la rue Sassy et du boulevard. Ce petit
café, où mes parents m'envoyaient acheter parfois quelques tasses de café,
versées dans une casserole, a apparemment. Me reviennent également
les souvenirs de ce repaire de petits brigands que nous étions, que l'on
appelait "les pigeons" situé sous le boulevard, et qui se prolongeait
jusque devant la préfecture. Nous descendions quelquefois avec nos carabines
à plombs pour tirer sur les charognards qui tournoyaient dans le ravin.
C'est à cet endroit qu'un jour de mai ou juin 1962, si mes souvenirs sont
exacts, j'ai blessé, accidentellement mais heureusement très légèrement,
Mouloud, un de mes copains. Je suis certain qu'il ne m'en a pas voulu
et qu'il aimerait comme moi, que l'on évoque ce souvenir, et bien d'autres,
maintenant ensemble. Habite-t-il toujours au 1er étage de cet immeuble
du n° 1 de la rue El Kods ? Je ne me souviens malheureusement plus de
son nom, mais je n'ai pas oublié son visage. Mais Constantine, c'est également
le présent ! Et là, me vient l'envie, que j'espère concrétiser un jour,
de retrouver le Rocher, ses habitants, ses ponts, la luminosité de son
ciel pas seulement pour la mémoire, mais parce que laccent
du pays où lon est né, demeure dans lesprit et dans le cur,
comme dans le langage.(La Rochefoucault) "
"Ah
les promenades, est-ce que les gens continuent à faire ces promenades,
ou bien est-ce parce que la ville de Constantine s'y prêtait bien, il
faisait beau partout, il sentait bon partout, il y avait toujours un beau
décor à regarder.
J'ai quand même toujours eu un petit regret ? J'ai en effet toujours regretté
quand on se baladait sur le boulevard de l'abîme de ne pas voir une mer
en bas.... eh oui ! J'ai toujours rêvé qu'en bas de ce grand boulevard
quand on se penchait au-dessus de ce parapet, il y avait une mer bleue...
eh oui, nous passions toutes nos vacances à Skikda (Philippeville), c'est
marrant tout de même ... quand nous parlions français nous disions Philippeville,
mais quand nous parlions arabe nous disions Skida, sans hésitation dans
les deux langues !
Constantine au printemps me rappelle les grandes balades que nous faisions
quelques fois jusqu'à Djebel Ouahch ... nous y allions faire du patinage
sur patins à roulettes, et les picnics au bord du lac.... Je crois si
mes souvenirs sont exacts qu'ils y avaient 3 lacs...Ils étaient immenses
pour moi jusqu'au jour où j'y suis retournée en 1987.... La grande surprise
! en 15 minutes nous avions fait le tour, ils étaient plutôt petits, je
ne cessais de répéter à mon cousin qui nous y avait emmenées, t'es sûr
qu'il n'y a pas un autre lac, de l'autre côté, t'es sûr qu'il n'existe
pas un autre lac bien plus grand???? non c'est tout, t'as vu tout le djebel
Ouahch....qu'il me disait... incroyable !
Ma mère étant originaire du village d'El Harrouch avait toute sa famille
à Skikda, et c'est toujours à Skikda que nous passions nos vacances à
la mer, même quand nous habitions à Alger !!! Notre plage préférée était
Stora, bien que nous avions passé pas mal d'été à Jeanne d'Arc, deuxième
fontaine... que de souvenirs. Certains de nos voisins - à la cité Guaillard
- allaient à Djidjelli (Jijel) ou à Collo ou même à Annaba, la Calle....
pour passer leurs vacances à la mer. Ah les belles soirées à se raconter
comment s'étaient passées nos vacances à la mer, car les garçons avaient
de la chance, eux ils pouvaient aller se tremper à la piscine mais pas
nous les filles. Je n'ai jamais mis les pieds dans cette piscine.... J'adorais
la regarder - il fallait faire en sorte de ne pas la rater, quand le train
sur la route de Skikda sortait du tunnel, encore un peu et il était trop
tard, on ne la voyait plus..."
"Il
y a certaines odeurs qu'on n'oublie pas !
L'odeur du printemps à Constantine est très particulière. Je ne sais pas
si vous vous rappelez tous, le printemps et les fleurs qui viennent avec.
C'était la période pour nos mères de recueillir le nectar des fleurs d'oranger
et des roses pour en faire plus tard de l'eau de fleurs d'oranger (ma
zhar) ou de l'eau de fleur de roses (ma ward).
Tous les marchés étaient jonchés de fleurs, j'en ai un souvenir très vivace,
toute la ville était embaumée de l'odeur de ces fleurs...Une de ces choses
qui nous manquent, que je n'ai retrouvée nulle part ailleurs, même pas
à Alger - peut-être parce qu'à Alger j'étais un peu plus âgée et que j'y
vivais plus comme une étrangère !
Dommage que cette belle occasion se perde, c'était l'occasion des femmes
de la famille de se réunir pour trier les roses, les fleurs d'orangers,
monter le KATTAR (ALAMBIC, un mot d'origine arabe : pour distiller) c'était
immense, il fallait le monter quelle opération. La maison "puait"
de l'odeur très forte des fleurs d'orangers, toute la maison en était
imprégnée, bien après l'opération qui consistait à recueillir ce liquide
précieux goutte à goutte... tout cela prenait quelques jours, quelques
fois semaines, avant que toutes ces belles fleurs ne passent à la vapeur???
et que toutes ces bouteilles ne soient remplies... "
"
Constantine au printemps me rappelle aussi les gâteaux aux dattes que
préparaient nos mères pour célébrer le printemps, et que nous mangions
avec du lait caillé.... on appelait cela les "Braj" qui s'en
souvient ?
Je me souviens aussi du pain dur que nous mangions pendant les Pâques
Juives, avec les filles de nos voisins Naccache, Darmon, Attali... J'ai
retrouvé ce pain ici aux USA, mais il n'a pas le même goût, et il n'est
pas fait maison.
Je parle du printemps, c'était ma saison préférée à Constantine... mais
j'aimais bien la neige en hiver, les batailles rangées de boules de neiges,
l'école fermée pendant plusieurs jours, le pont Sidi M'Cid fermé, et l'été
qui se souvient des étés très chauds... l'heure de la sieste... les rues
vides pendant l'heure de la sieste....le soir nous montions sur la terrasse
de notre immeuble et toutes les voisines s'y retrouvaient pour prendre
un café au lait, ou un café noir... ah les voisines...
Les jeunes filles parlaient de garçons et nous les gamines nous ne perdions
pas un mot de ce qu'elles se racontaient... elles faisaient notre éducation
sans s'en douter. "
Constantine
en 1984 - 1985 " Constantine pour moi c'est le grand monument aux
morts, monument que nous avons visité, puis le monument des martyrs de
la guerre d'indépendance c'est ainsi qu'ils nomment leur monument aux
morts algériens de la guerre.
C'est aussi les ponts, la peur que j'ai eu en traversant le pont à pied
avec le précipice en dessous... Je me souviens surtout de la foule sans
cesse sur les trottoirs, sur les places, les gens qui conduisent sans
respecter les feux rouges ni les piétons, les gosses qui jouent au ballon
avec des boîtes de conserves sur les trottoirs ou dans les terrains vagues,
les multiples bijouteries ouvertes tard le soir la poste ouverte 24h sur
24 et où on faisait la chaîne assis sur un banc pour attendre une cabine
pour appeler la France...
Je me souviens aussi du mal pour trouver un fleuriste : nous étions invités
chez un directeur de cité universitaire et j'ai voulu emmener des fleurs...
Avec Brahim on a du faire des kilomètres en ville pour finir par trouver
un énorme bouquet que l'on m'a enveloppé dans un papier marron à l'aspect
douteux qui fichait tout en l'air j'ai retiré le papier et j'ai noué le
bouquet avec une partie d'un nud d'un paquet cadeau que j'avais
amené...
Constantine pour moi ce sont les odeurs : épices, fleur d'oranger, poussière,
odeur âcre de la viande un peu longtemps sur les étals, cette odeur laissée
par la multitude de chats qui ne sont à personne mais qui vous grimpent
aux jambes dans les restaurants si on ne leur jette rien sous la table.
C'est un ensemble un peu écurant mais que l'on oublie pas.
Ce sont toutes les voitures avec des immatriculations pseudo françaises
du genre 3333 WWD 280, le 2 on se demande pourquoi et on vous explique
qu'elles viennent de la Somme (80) et qu'elles seront dédouanées un jour
mais vu leur ancienneté c'est peu probable.
Le passage dans les allées où se trouvent plein de garages transformés
en boutiques, ici un coiffeur, ici un mécanicien super ingénieux qui d'une
aile de Mercedes vous fait une aile de 4L rutilante, ici une pièce carrelée
du haut en bas et où on vous cuit des poignées de brochettes de foie délicieuses
avec des tasses de café au lait.
Je me souviens que chez le boucher on ne choisit pas on dit 1kg de viande
et on prend ce qu'il donne au fur et à mesure qu'il débite la bête pas
toujours évident d'être bien servi ! ! !
En 1985 lors de mon deuxième séjour, c'était en septembre, les enfants
jetaient par les fenêtres leurs cours de l'année d'avant ce qui faisait
un joli tapis dans la poussière et la glaise autour des barres d'immeubles
Toutes les nuits on remplissait la baignoire, les bidons, les bouteilles,
les réservoirs sur la terrasse car il y avait de l'eau 2 heures par jour
et on stockait pour 24 heures tantôt c'était la nuit que l'eau coulait
tantôt le jour. Je pense que c'était par quartiers à tour de rôle que
l'eau était distribuée.
Parlons des grands bureaux d'Air Algérie vers la place de l'Indépendance,
peut être l'ancienne place de la Brèche, impossible d'avoir des renseignements
précis si on ne venait pas de la part de L'O N A T (office national algérien
du tourisme). Visite également du Bardo et de son musée où je pense avoir
vu des meubles qui, nul doute, venaient de maisons d'anciens colons (salle
à manger Henri II par exemple).
Pas triste la fouille des bagages à l'aéroport d'AIN EL BEY sur une longue
table en bois. Les jours d'affluence je suis certaine que des vêtements
ont du être rangés dans des valises de voisins. "
"
Mais où sont les Constantinois d'El Kantara ? Comme on disait alors en
parlant des autres quartiers "d'en haut", il n'y en a que pour
les Constantinois "d'en ville"!! Amis, ne le prenez pas mal
mais il y avait vraiment une rivalité de quartiers.. C'était notre folklore,
notre Clochemerle... Une autre culture aussi. A El Kantara, gamins, on
était dans la rue, dans la forêt de pins du côté du Parc des PTT et du
Collège Technique. On posait des pièges pour attraper les oiseaux, ou
on les chassait au "taouat" et certains d'entre nous étaient
de vrais champions dans cet exercice. On était des enfants heureux et
libres!! "
"
En ce qui concerne la rivalité entre quartiers je ne m'en souviens guère..
par contre quand tu parles de la "ville", pour moi il me semble
qu'à Saint Jean ou à Bellevue ce qu'on appelait la ville c'était la rue
Caraman la rue de France etc.. Nous étions aussi des banlieusards.. du
côté du boulevard Victor Hugo ... Je me souviens cependant de pas mal
de choses a El Kantara... La gare bien sûr où mon père m'amenait souvent
... Au delà de la gare, à droite il y avait aussi une salle patronale
qui faisait cinéma le dimanche après-midi J'y allais avec mes amis
du faubourg Lamy... L'usine à gaz... Un petit bois "les pins"
si je me souviens bien, etc "
"
J'ignorais que pour les gens "d'en ville", la ville c'était
le principal centre commercial, avec le Monoprix, le Globe, etc...
Mais puisque tu me parles de la salle patronale, sache que le curé de
la paroisse, le curé Loro avait mis des locaux à notre disposition où
nous nous retrouvions tous les jours et pendant les évènements, nous y
étions à l'abri. Nous avions d'ailleurs modestement baptisé cet endroit
"Le Cercle" et c'était devenu notre second domicile. Notre bande
s'est peu à peu étoffée et c'est dans cette bande que j'ai trouvé la femme
de ma vie. "
"
Ya zahma! Comment y nous parle celui d'en bas, tian veux des cours de
taouat, ques tu crois, y en avait pas des oiseaux dans les quartiers "d'en
haut"? Et les carrioles, fabriquées avec des roulements à billes,
avec des semelles de vieilles chaussures pour servir de freins, c'étaient
pas des DS 19, bon allez, je t'excuse pour cette fois, mais c'est vrai
qu'on était un peu plus civilisés que ceux d'en bas. Au fait peux-tu me
dire d'où vient le nom d'El-Kantara, et Sidi Mabrouk, ce "Sidi"
sans rancune. "
"
J'ai reçu en héritage le taouat de mon père, fait dans de bois d'olivier
durci au feu et il trône en bonne place à la maison. Il aura besoin d'une
petite réparation mais j'ai du mal à trouver de l'élastique noir carré
comme en en trouvait là-bas. C'est un engin qui doit avoir 50 ans. Une
vraie pièce de musée. Quant aux carrioles, j'ai le souvenir d'une réalisation
du père d'un de nos copains qui avait confectionné le bolide avec des
roues de landau de bébé. Nous pouvions y monter à trois et nous dévalions
la route depuis le Centre d'Apprentissage à toute vitesse et un jour nous
avons même doublé, en plein virage un taxi qui roulait pépère...ce qui
nous a valu de nous retrouver au commissariat. Je passe sur l'engueulade
qui s'en est suivie!!
Le Lycée nous a un peu "civilisés", c'est vrai et j'ai eu de
très bons copains au bahut originaires "d'en ville". Mais il
est vrai que nous n'allions pas souvent dans vos quartiers, sauf pour
..y draguer les filles!!! "
"
J'ai habité un pays magnifique, dans ce pays, il y avait une ville qui
était extraordinaire et typique, mais aucune autre ville ne pouvait l'égaler.
Cette ville Constantine sortait vraiment de l'ordinaire, on ne pouvait
l'oublier si on y passait, mais dans cette ville, il y avait plusieurs
quartiers: Fg Lamy, El Kantara, Quartier arabe, quartier juif, le centre
ville, Saint Jean, Bellevue etc...Mais le plus beau de tous, savez vous
lequel c'était? C'était le mien, le Quartier Saint Jean, n'est ce pas
amis de ce quartier ? Mais dans ce beau quartier, il y avait une rue la
plus belle de toutes. C'était une rue comme on en voit peu, pour moi,
et c'était la rue Pinget. Et dans cette rue ou il y avait la cave à Vins
sous le Coudiat, il y avait le marchand de beignets, le poissonnier, mais
il y avait une maison avec des mosaïques dans l'entrée, et c'était la
plus belle, et il y avait un appartement mais le plus beau c'était le
mien, bref... "
" Jhabitais
en bas du Koudihat, à côté de lécole Victor Hugo. Alors vous pensez
bien que le garage Citroën était pour moi un lieu un peu particulier avec
les DS qui entaient et sortaient, le casino et le Colisée où mes parents
memmenaient régulièrement au Cinéma.
Ce quartier avait quelque chose de magique. Dans la rue où jhabitais
il y avait des compagnies de cars de voyageurs qui faisaient la liaison
avec Sétif. Tous les matins la rue était remplie de monde qui prenait
ces cars. De ma fenêtre je voyais des hommes charger sur les impériales
toutes sortes de choses depuis les valises, les cages avec des poules,
des meubles. Dans cette rue il y avait plein de marchands ambulants qui
vendaient des brochettes, des merguez, des boissons, des cacahuètes, des
bonbons, des figues de barbarie... Et puis dès que les cars partaient
vers midi. Tout ce monde sen allait. La rue était animée vers 13H30
avec les cris des enfants, dont je faisais parti, qui allaient à lécole
V.H. Plus tard en début de soirée, cétait les enfants du quartier,
mes copains, qui occupaient les lieux... Et ça recommençait tous les jours
surtout lété quant il ny avait pas décole."
"Je
suis né en 1952 à la clinique des apôtres de Sidi Mabrouk. J'ai été conçu
neuf mois avant ça impasse Prud'hom, aussi appelée Chara' Lihoud.
La famille de mon grand-père était la seule famille musulmane de cette
rue juive. Feu mon papa était interprète à la préfecture, et début 52
on nous a donné un F5 dans la flambant neuve cité Gaillard où nous avons
rejoint un groupe hétéroclite et joyeux de familles musulmanes, juives,
français de France et pieds noirs, et nous avons vécu une bonne dizaine
d'années dans une atmosphère de rigolade ubuesque, même et surtout à cause
des événements, en toile de fond irréelle. Nous avons grandi ensemble,
tous les enfants de toutes religions confondue sur des airs de malouf,
de zendali, de chachacha, de Dalida et Marcel Amont, Raymond et Fergani.
J'ai fréquenté l'école Michelet et ensuite l 'école Jean Jaurès à Bellevue,
et après le collège moderne à la Koudia, qu'on a renommé lycée Jugurtha
après l'indépendance."
"J'ai
quitté Constantine jeune, mais je dois dire que nous y retournions pendant
les vacances d'hiver et de printemps, et pourtant j'ai oublié pas mal
de noms... la rue Brunache par exemple, est une rue que je ne prenais
pas souvent, mais ils me semble qu 'il y avait une librairie et que c'est
là que nous achetions nos affaires scolaires.... Je me souviens plus de
la rue Danremont que nous prenions pour éviter la foule qu'on aurait trouvée
à la rue Caraman (la rue de la drague le samedi soir), ou la rue de France...
Je me souviens bien de la rue Rohault de Fleury, de la Brêche, de l'esplanade
où nous mangions des glaces (des créponnés) sous le regard des passants
sur le boulevard de l'Abîme, la pyramide, le stade, le Coudiat, le boulevard
Victor Hugo, mais je suis incapable de me souvenir du nom des pâtisseries...
Je me souviens de la foire de Constantine, et du Radio Crochet, Gaston
Guenassia (notre Enrico que j'ai rencontré il y a deux ans ici à Washington,
j'ai une belle photo avec lui!), avait chanté sa fameuse chanson "Oh
Guitare guitare"."
"Dans
mon coin de la Cité Gaillard, où je grandissais dans une communauté exemplaire
- les trois communautés juive, chrétienne et arabo/berbero/musulmane étaient
réunies - était plutôt un autre monde, je le réalise à présent.
Oui j'ai grandi dans cette communauté où le samedi cétait nos petits
voisins qui allaient à la synagogue, le dimanche cétait l'église
et nous, nous ne partions nulle part, car tout dabord le vendredi
nétait pas férié, nous n'allions pas à la mosquée, d'une part parce
que les femmes et les filles n'y allaient pas, et d'autre part le peu
que nous connaissions de notre religion s'apprenait à la maison ou alors
en secret à la medersa (école coranique). Le jeudi après-midi nous n'avions
pas classe, mais pour nous il y avait classe, nous allions à l'école arabe,
apprendre un peu d'arabe et un peu de religion, j'étais bien jeune en
ce temps-là et ces classes étaient pour moi surtout un jeu... d'abord
promettre à ma mère de ne pas répéter que j'allais à école arabe, cétait
notre secret - notre vie en dépendait me disait-elle, ensuite c
était la recréation pour moi, le maître nous parlait en derja (arabe parlé),
récitait quelques versets coraniques que nous répétions à tue tête, et
le reste cétait vraiment la récré... il y avait toujours quelque
chose à manger...
Toujours est-il que notre vie a été différente des jeunes des autres quartiers
surtout les quartiers arabes, nous parlions français dans la rue/école
et arabe/kabyle à la maison, mais nos jeux étaient en français - qui se
souvient du baccalauréat ??? "
Notre
classe de sciences, donnait sur la cour de l'école Poincarré, l'école
de garçons.
Notre centre commercial
était le quartier d'El-Kantara, c'est là où l'on allait acheter la mercerie,
etc. C'est quand j'ai commencé à aller au collège du Coudiat, que j'ai
découvert la rue Brunache, on achetait les livres dans la librairie qui
se trouvait dans cette rue.
Qui se souvient du
concours de la meilleure vitrine ? Sur la place de la Brèche du côté de
l'Opéra, il y avait une vitrine qui avait reproduit le pont suspendu,
c'était magnifique.
J'adorais faire le
lèche vitrine avec ma mère dans sa m'leya, j'adorais surtout le magasin
" le Globe ", quelle élégance, dans ma mémoire d'enfant, je
revois toutes les lumières et le rayon des poupées, poupées que me ma
mère ne pouvait pas se permettre d'acheter, trop chères pour nous.
Mon père est mort
dans un accident de chemins de fer à Ouled Rahmoune, mais toute ma vie
a continué à tourner autour des chemins de fer, les colonies de vacances
des chemins de fer, les visites médicales aux chemins de fer, les voyages
sur Skikda en chemins de fer - c'était gratuit.
Je suis allée jusqu'a
Tlemcen en chemins de fer, en passant par toute la zone, El Khroub, Télerma,
Chateaudum du Rummel (maintenant Chelghoum el Laid), Saint-Arnaud (maintenant
el-Eulma), Sétif, BBA (Bordj Bou Areridj), Alger, Orléanville (depuis
El-Asnam maintenant Chlef depuis le tremblement de terre), Oran, Tlemcen,
la découverte de l'Algérie en train. Sur le cote Est c'était Hamma, Smendou,
St Charles, St Antoine, Philippeville (maintenant Skikda).
J'adorais la gare de Skikda, Magnifique, et surtout la mer, la mer, la
mer, aussi bien du côté de Jeanne d'Arc que du côté de Stora..."
"Nous
sommes arrivés au Faubourg Lamy par une belle journée d'été « fin
juin 1952 ». J'avais 6 ans 1/2.Je me souviens d'une belle maison
à étage avec un joli jardin où un gros bougainvillier dont les fleurs
de couleurs rouges explosaient par-dessus la clôture. Sur le côté gauche
de la porte d'entrée, les rayons du soleil filtraient à travers le treillage
d'une vigne vierge qui formait une tonnelle (elle a abrité tous mes jeux
de petite fille « goûters dînettes avec les copines », de l'autre
côté, des fleurs étalaient leur palette de couleurs : des glycines s'agrippaient
au mur, des belles de nuit, des rosiers et des capucines grimpaient le
long d'un grillage mitoyen avec le voisin. Derrière la maisonse nichait un pigeonnier, le propriétaire était colombophile. Il
habitait à l'étage, nous nous occupions le rez-de-chaussée.
La maison se trouvait dans un angle rue du Sergent Marcel Gurriet et ?
(je ne me souviens plus du nom de la rue, ni de notre numéro)Je sais qu'en face se trouvait une petite impasse avec un grand
portail en fer d'où partait un grand mur d'enceinte. Je me rappelle l'avoir
vu ouvert parfois et l'on voyait une grande bâtisse.
Le car qui redescendait sur d'ElKantara s'arrêtait juste en face de la maison .Mon école primaire
était située en bas de ma rue. Cette rue où je me souviens des enfants
la descendaient à toute vitesse sur une plate forme en planches avec quatre
roues (roulement à billes) et ils la dirigeaient par un jeu de cordes
attachées à une barre directionnelle sur les roues avant. Le bruit et
leurs cris attiraient toujours beaucoup de spectateurs.
Il y avait aussi ce personnage : un homme de peau basanée affublé
de peaux de lapins et de boubous autour de sa taille il tapait sur un
tambour et chantait des mélopées tout en gesticulant. Nous lentourions
et nous limitions , mais il suffisait quil fasse un pas vers
nous en levant son bâton, pour que nous nous éparpillions comme des oiseaux.
Dans ma rue passait aussi vers midi un homme, qui tirait avec son vieux
vélo, une carriole où reposait une meule et qui criait « aiguiseur
de couteaux de ciseaux ». Il avait toujours beaucoup de succès.
Le matin une clochette annonçait le laitier et son âne. Il proposait du
fromage blanc qui ségouttait dans une mousseline accompagné dune
crème onctueuse. Oh ! Que cétait bon !
Nous sommes partis du Faubourg Lamy en 1954 pour le quartier Genay."
"
Un autre souvenir aussi, c'est les fortes neiges en hiver et les descentes
en luge sur nos cartables. J'allais à l'école, derrière le stade, il fallait,
autant que je m'en souvienne, marcher un bon 1/4 d'heure pour y arriver
et sans traîner...
Je me souviens que si on voulait aller plus vite, il fallait dévaler un
espèce de bois très pentu, assez dangereux. "
"
Toute ma scolarité en primaire s'est déroulée à l'école Diderot, derrière
le mur d'enceinte du Palais, sans que je ne sache ce qu'il représentait
tant au plan historique qu'architectural. "
"
La place de Lamoricière, c'est mon passé de collégien ; je la traversais
4 fois par jour... J'ai appris, il y a quelques temps, que la statue du
Général Lamoricière se trouvait maintenant dans un village de Loire-Atlantique,
à 50 km environ de mon domicile. " [1]
"
Ancien élève interne du lycée d'Aumale puis interne en médecine de l'hôpital
civil (baccalauréat 1953, thèse Alger 1961), j'aimerais rappeler l'atmosphère
du lycée à cette époque. Il s'agissait d'un lycée type Napoléon III avec
sa cour carrée entourée de galeries sous arcades avec balustres dans les
étages. Petit lycée et grand lycée, cour des petits et cour des grands,
avec les "mouvements" rythmés par les coups de sonnette. Les
réfectoires à tables de marbre et "carrés" de six élèves avec
l'élève chef de table qui servait. Les dortoirs dans les étages, avec
obligation de défaire le lit le matin pour le refaire le soir, montée
en rang des 3 étages pour aller se coucher, douche une fois par semaine,
aller et retour toujours en rang. Sortie les dimanche et jeudi avec émargement
de la feuille de sortie au parloir sous le regard des anciens proviseurs
portraiturés dans leurs cadres.
Mais pendant les recréations il y avait les parties endiablées de pelote
(foot Ball de rue) ou de sou : petite bourse de sable que l'on faisait
sauter sur le dos de son pied à angle droit sur une jambe au genou fléchi
et que l'on se passait de joueurs en joueurs, et il y avait la tolérance
du coin où les grands élèves fumaient en discutant soit de philo ou de
maths ou de leurs amours.
L'enseignement y était peut être sévère, je ne sais pas et je ne me suis
jamais posé la question, mais il fallait étudier cela allait de soit.
Maintenant je m'aperçois de la valeur de tout ce qu'on m'a transmis. Les
professeurs n'étaient que des hommes avec leurs bons et leurs mauvais
cotés, mais ce ne sont pas les plus brillants ni les plus réputés qui
m'ont apporté ce que je valorise maintenant. J'ai eu un professeur d'histoire
géographie qui passait pour ennuyeux et qui débitait son cours pendant
une heure sa main sous son menton en parlant d'un ton monocorde et en
masquant presque sa bouche (ceux qui l'ont eu le reconnaîtront). Eh bien
j'ai toujours dans ma tête toutes les descriptions de pays qu'il nous
a faites et notamment celle de la France métropolitaine. Un autre, qui
passait pour farfelu, est celui de qui je tiens un certain intérêt pour
la littérature."
"
A partir de ce moment, je me suis mis à visiter un peu toutes les écoles
constantinoises ! J'ai toujours eu un peu l'âme d'un collectionneur et
d'un voyageur impénitent !... Dans l'ordre, je crois qu'après Gambetta,
j'ai du aller à Victor Hugo du temps du père Cachot, un nom prédestiné
pour un directeur d'école !... Ensuite j'ai du aller à l' École Jeanne
d'Arc "présidée" par l'Abbé Coulome, une vraie "peau de
vache", dieu ait son âme. Les méchants diront que j'avais mérité
les fesses qu'il m'avait fait rougir avec sa règle, mais 50 ans plus tard,
je m'en souviens encore. Je me souviens d'être rentré chez moi un samedi
à midi, en me frottant les fesses sur le parapet du Boulevard Joly de
Brésillon qui dominait l'esplanade du marché couvert...
Après Jeanne d'Arc, j'ai du faire une très courte apparition au Lycée
d'Aumale, une 7ème je crois. Mais je ne crois pas que cet intermède se
soit bien terminé pour moi, il y a du avoir une petite incompatibilité
d'humeur entre le proviseur, censeur et consort et moi !... Conclusion,
je me suis retrouvé en classe du Certificat d'Études à l'École Jules Ferry,
Place Sidi Djellis en plein milieu du quartier arabe. Je me souviens que
nous étions 38 élèves et que nous étions seulement 2 français. Je partageais
ce privilège avec Gilbert Laurac. Tu t'en souviens Gilbert !... De grâce,
si tu lis ce message, prends contact avec moi, j'aimerais tellement te
retrouver...
Après Jules Ferry j'ai passé directement en 5ème et après, j'ai continué
normalement mes études jusqu'aux l'examen d'entrée bacs au Collège Moderne
du Koudiat. "
"En
1944 j’accédai en 6ème au Collège Moderne du
Coudiat que menait d’une main de fer le Principal, Monsieur D. un
malabar blond à mèche rebelle et voix de stentor que les
élèves surnommaient Oscar. Une figure que cet homme là
! A chaque récréation il se campait sur la galerie du premier
étage, donnant d'énergiques coups de sifflet jusqu'à
ce que toutes les classes se soient rangées en silence dans la
cour. Tant qu’une parcelle du territoire français fut encore
sous la botte nazie il en profitait pour nous lire, demi-lunes sur le
bout du nez, les lettres déchirantes que des résistants
de vingt ans avaient écrites à leurs parents avant d’être
fusillés par l’occupant. Mes premières leçons
de patriotisme. Ces jours là, point n’était besoin
de ses coups de gueule pour nous faire entrer en cours.
En fin de trimestre il passait dans les classes commenter le classement,
félicitant l’élite avec des mots choisis, accablant
les derniers dans un vide sidéral. Il piquait de terribles colères
qui résonnaient par-delà les portes capitonnées de
son bureau. Les élèves rasaient les murs et baissaient les
yeux lorsqu’ils venaient à le croiser dans les couloirs,
craignant ses algarades inopinées. Il avait l’oeil à
tout; je l'ai vu forcer un interne à lécher son propre crachat
dans les escaliers pour lui apprendre les bonnes manières !
Croquer le plus petit carré de chocolat, écorner un croissant
en catimini pour se consoler des rigueurs de la cantine avait valeur d’exploit
aux yeux des pensionnaires dont il inspectait les casiers à l’impromptu,
par crainte de la vermine et des moisissures. Quiconque était pris
à y dissimuler une denrée périssable en conservait
un souvenir qui ne l’était assurément pas. Quant aux
infortunés qu’il pinçait à téter un
mégot à l’abri illusoire des piliers du préau,
ils n’avaient aucun mal à se convaincre des méfaits
du tabac.
Vengeance impuissante de ceux qu'il terrorisait, son sobriquet s'étalait
à la craie sur les trolleys de la ville et c'est en toute innocence
qu'une parente d'élève, venue plaider la cause de son fils,
coupable d’entorse à la discipline, l'avait candidement appelé
“monsieur Oscar”, croyant de bonne foi que c'était
là son nom. L’entretien s’en était trouvé
écourté de beaucoup.
Nous savourions les plaisanteries rituelles de monsieur Poggi qui appelait
au tableau, pour la résolution d’un problème, l'un
des quatre Attali de la classe en hésitant longuement avant de
livrer son prénom, Claude, Hervé, Pierre ou Edmond, pour
faire durer le suspense. L’intéressé butait-il sur
la solution, il se faisait aussitôt traiter de deb, de brèle
ou de djmel, qualificatifs dont il ne s’offusquait guère
car ils nous étaient promis à tour de rôle. Il arrivait
pourtant que les démonstrations s’éternisent et que
nous nous laissions distraire par des messages qui circulaient sous le
manteau, de table en table. Faites passer.
Un matin que B., mon âme damnée, me titillait sur un de ces
libelles à l’orthographe approximative dont il était
coutumier, j’assaisonne ma réponse de noms d’oiseaux
impossibles à transcrire ici sans porter un coup funeste à
ma réputation de garçon bien élevé. Mais le
professeur veillait :
-“Toi, là-bas, porte moi donc ce que tu es en train d’écrire”
A ces mots je tressaille, comme piqué par un aspic, ne trouve d’autre
subterfuge que de plonger sous le pupitre pour fourrer dans ma bouche
le billet compromettant et marcher au supplice les joues en feu, prêt
au pire, bredouillant des explications d’autant moins crédibles
que les mouvements précipités de ma pomme d’Adam montraient
assez que je m’efforçais d’avaler au plus vite la maudite
boulette. A ma grande surprise la scène s’était terminée
par un éclat de rire général et j’en avais
été quitte pour regagner ma place tout piteux, partagé
entre l’humiliation et le soulagement. Merci monsieur Poggi !
Nous aurions mieux fait de repasser nos leçons d’Histoire.
Depuis que Napoléon, vaincu par sa conquête, était
revenu à pas lents des steppes glacées de l’hiver
russe au bras de Victor Hugo, laissant derrière lui brûler
Moscou fumant en plein deuxième trimestre, son abdication présageait
le retour de l’île d’Elbe et du devoir de contrôle.
Quatre cancres patentés avaient entrepris illico de se partager
l’Empire en rubans de papier couverts d’une écriture
en pattes de mouche et pliés en accordéon de manière
à loger le Directoire, le Consulat, le sacre, la gloire et le déclin
de l’Aigle par ordre décroissant entre les boutons de leur
braguette, à l’abri de toute investigation bienséante.
On n’insistera jamais assez sur le tort considérable qu’a
causé depuis, aux collégiens paresseux, la généralisation
de la fermeture à glissière.
Il était convenu que, sitôt le sujet dévoilé,
celui des lascars qui couvait l’anti-sèche idoine se hâterait
d’en faire usage et de la faire passer à ses compères,
à charge pour eux d’escamoter les autres. Pas vu, pas pris.
Pour leur malheur, le professeur poussa le mauvais goût jusqu’à
lorgner de leur côté avec tant d’insistance, au jour
de la composition, que le Congrès de Vienne se délita prématurément,
sans profit pour personne, dans le gosier fébrile du plus jeune
des conspirateurs, lâché par ses nerfs. Quatre copies blanches,
une explication orageuse en récréation, quelques horions
et la fin d’une amitié de longue date, nos manuels n’avaient
pas menti : Waterloo s’achevait sur un authentique désastre."
[1]
La statue du général Lamoricière
se trouve maintenant sur la place de l'église de Saint-Philbert de Grand
Lieu (Loire-Atlantique) à une vingtaine de kilomètres au sud de Nantes.
"
Je suis sûr que comme moi vous penserez aux magnifiques 25 décembre que
nous avons vécu à Constantine et que certains souvenirs vous reviendront.
En ce qui me concerne j'ai une image en tête : les dattes fourrées que
préparait ma grand-mère et les messes de minuit au Sacré-Cur
ou peut être à la Doctrine Chrétienne au Coudiat... "
"
La gourmande que je suis va vous avouer qu'un autre endroit reste dans
mes souvenirs, moins précis cependant, le dimanche nous achetions les
"millefeuilles" dans une boutique qui devait être tout prés
du Sacré Cur , au début d'une rue qui partait de la place où il
y avait un marché je crois , j'étais fascinée par les monticules d'alva
aux différentes couleurs où on y découpait des morceaux, c'était (aussi)
un de mes délices (et ça l'est toujours).
Je n'ai, de même, pas encore trouvé une recette de makroud, donc je les
achète bien sûr et je ne manque pas de revenir avec du pain " à la
semoule " qui a un goût si particulier cher à mon enfance. "
"
Je m'adresse surtout aux garçons, Vous souvenez-vous les parties de billes
et d'agates (encore un mot de chez nous ça..) (avec tout le cérémonial
des mots...) les parties de noyaux d'abricots dans la cour de Victor Hugo
au printemps (les tas, le carré loterie etc. Le sou.. ça vous
dit quelque chose ...cette poche de chiffon remplie de sable (pas n'importe
lequel) avec laquelle on rêvait tous qu'on était Just Fontaine (un pied
noir). C'étaient nos ordinateurs, nos Playstations...et on était heureux
"
"
Dans un message adressé surtout aux garçons , Guy demande si nous nous
souvenons des noyaux d'abricots, des billes et du sou , j'avais posé la
question à Jean-Paul et ce dernier m'avait répondu texto : " tu vieuconnise
ou quoi ? "
"
Eh comment qu'on s'en rappelle !!! Pour les billes voici quelques expressions
qui accompagnaient la partie : " bon pied " ( on mettait les
pieds à angle droit environ un mettre après la bille à atteindre ) "
au vent tout c'qui m'arrête " ( annulait la précédente ) " tu
bourres ! " (on accusait par la l'adversaire d'avancer un peu trop
sa main pour mieux atteindre sa cible ).
Quant aux noyaux, ma mère en avait marre de recoudre les poches de mes
pantalons qui se trouaient sans cesse à cause des noyaux, et elle m'avait
confectionné une bourse spéciale .
Avec le sous, certains d'entre nous étaient de vrais virtuoses , ils jonglaient
sans fin avec l'intérieur du pied , le genou , l'extérieur du pied, et
on faisait même des matches avec un goal, deux arrières et trois attaquants.
Voilà , ne nous en veuillez pas les filles d'évoquer ces souvenirs de
garçons , mais je suis sûr que la plupart d'entre vous nous regardaient
de leur fenêtre avec une certaine envie, mais Maman et Papa n'étaient
pas d'accord !!! "
"
Oui on vieuxconnise un peu ..mais c'est si bon de se repenser à tout ça
Super tes expressions...bon pied !,au vent, etc... Je ne m'en souvenais
plus tu es vraiment notre mémoire Bien sur que les filles nous regardaient
(qu'en penses tu Claude).... on était si bons au sou. Je me souviens de
ces parties au Coudiat...on était au CM2..l'annexe de VH...c'était un
musée non, avec un petit square qui nous servait de cour de récré (en
face de la Doctrine Chrétienne)...si je me souviens bien je devais jouer
à ce jeu avec Albert et Bernard."
"A
l'époque, je gardais les noyaux pour les Martincourt donc je suivais un
peu ce qui se passait La dépêche d'Annecy n'est pas terminée, je n'ai
pas d'aventure de Nimbus non plus. J'habitais donc rue Pinget, au dessus
de la bijouterie Lauzel, face au café Pouvreau, face à Youb, et on les
voyait tous les soirs dormir sur leur balcon, de peur que leur magasin
ne soit plastiqué. Par contre, j'avais eu la peur de ma vie, le jour ou
le Dr Manoni avait sauté, car j'étais à la fenêtre la nuit, et mes parents
s'étaient absentés. Et le jardin Gambetta? vous en souvenez vous? près
de l'école où j'ai passé ma primaire?"
" Et
la piscine Sidi M'Cid; Quand j'étais gamin, je me baignais dans le petit
bassin qui était alimenté par une petite cascade. "
" Quant
à la piscine, je confirme qu'il y avait bien un petit bassin alimenté
par une cascade d'eau chaude (c'est d'ailleurs dans ce bassin que mon
père m'a appris à nager). Ce bassin alimentait ensuite un autre bassin
qu'on appelait "la moyenne" pour le différencier du magnifique
bassin olympique où nous passions, avec mes copains du quartier, tous
les mercredis dès son ouverture. Nous partions à pied en suivant le route
de Philippeville et nous descendions le talus. La remontée, en fin de
journée, était difficile mais nous étions heureux. Nous tentions alors
toutes sortes de plongeons acrobatiques du 5m et certains d'entre nous
en ont gardé des souvenirs cuisants !! "
" Moi
aussi.... j'ai descendu , et c'était assez dangereux , à pied le sentier
qui s'accrochait aux parois escarpées des Gorges pour aller a la piscine
, la petite , la moyenne et l'olympique. "
" Concernant
la piscine, j'y allais par l'ascenseur qui descendait dans le rocher et
nous évitait un sacré détour sous le soleil brûlant. Mais il a vite été
supprimé , je crois pas mesure de sécurité. "
" Mon
terrain de jeu favori : le ravin. Nous enjambions souvent le parapet avec
les copains pour accéder à cet endroit magique, mais dangereux, en contrebas
du boulevard; parfois avec nos carabines à plombs ou nos taouats pour
tirer sur les charognards qui planaient à proximité. Sous le bd Joly de
Brésillon, il y avait un passage surplombant le ravin, qui se prolongeait
pratiquement après la préfecture et que l'on appelait "les Pigeons".
On y accédait par le jeu de boules "la tricolore". Or j'ai lu
récemment qu'il y avait une grotte des Pigeons, mais sous le Bd de l'Abîme,
qui aurait servi d'abri au néolithique. Troublant non ? "
[ ]
" cette photo me rappelle ma défunte mère qui portait bien ce voile
qu'on ne porte qu'à l'Est de l'Algérie.... jusqu'à Sétif à l 'ouest et
jusqu'à Annaba à l'Est. C'était un art à chaque fois de le porter. Il
n'était pas aussi simple tel le voile blanc porté à Alger et à l'Ouest
du pays. Le voile noir qu'elle portait pour aller au marché était fait
de toile, mais celui qu'elle portait pour d'autres occasions était très
léger et très fin, je ne saurai dire si c'était de la soie.
Il fallait le porter devant un miroir. Il fallait que les deux pans soient
bien symétriques et bien rabattus sur les côtés, je ne cessais jamais
de l'observer quand elle se préparait à le porter. Après avoir rabattu
le premier pan, elle le tenait sur le côté de la tête par une épingle
souvent sertie d'une perle blanche, puis le second pan rabattu, c'était
une seconde épingle qui venait le fixer de très près afin qu'il ne tombe
pas. Bien sûr les femmes constantinoises avaient la main, et une fois
habitant déjà Alger, je l'avais porté moi-même un jour de marché, tout
le monde me prenait pour une Sétifienne, il est vrai qu'il est très rare
de voir des voiles noirs à Alger, de moins en moins d'ailleurs...
La première fois que j'avais vu un voile blanc à Constantine j'en avais
été émerveillée.... un groupe de femmes de la région d'Alger étaient venues
en visite chez des voisins à nous, et elles portaient le voile blanc,
cela m'avait fait le même effet que cela me faisait chaque fois que je
voyais des communiantes... tous les ans à cette époque, les communiantes
se baladaient en ville, et c'était un plaisir de les voir au sortir de
l'église, il y avait d'ailleurs - si je ne me trompe pas - une église
non loin de la place du palais???? "
"
Ce matin je suis parti à Constantine par un coup de téléportation, et,
comme toujours une foule de souvenirs me reviennent. Si vous le permettez
je vais vous en raconter un (lire avec l'accent pied-noir).
Vous rappelez-vous du marchand de beignets arabe de la rue Rohault de
Fleury ? Un jour je lui achète un zlabia, tout en le mangeant je rencontre
mon oncle Henri qui me dit : " ques tu manges, un beignet ? Eh ben
! tia pas peur d'attraper une maladie ? Non tonton pourquoi ? C'est facile,
tu te caches derrière un pilier des arcades et tu le regardes faire. Quand
ya personne il est assis en tailleur, et tout d'un coup ya un pou qui
lui pique à la tête, alors y passe la main sous la chéchia et vas -y qui
se gratte, après, la moquilla (c'est comme ca que mon oncle il appelait
la morve ) elle lui coule, alors y s'mouche avec les doigts, y secoue
la main et le reste y l'essuie avec son torchon, et c'est pas fini, mainant
c'est dans le froc que ca le démange, alors il enfourne la main dans le
pantalon réservoir et y commence par les claouis, après c'est le trou
de balle, et vazy que je te gratte, et toi t'iarrive à ce moment et tu
commandes !!! et avec la même main il attrape la pâte !! Moi je l'écoute
et l'envie elle me passe, même plus je mords dans le zlabia, alors l'oncle
Henri il part dans un grand éclat de rire, il me tire une petite calotte
et dit : mais c'est pas vrai bourricot !!! et même, de toute façon la
pâte y la jette dans l'huile bouillante, alors les microbes y sont tous
ratatinés !!! Pendant quelques temps j'ai plus mangé de beignets, j'ai
même essayé de temps en temps de voir si c'était quand même vrai ce que
tonton Riri m'avait décrit, et puis le temps a passé et la gourmandise
a reprit le dessus. "
"
Pour ton histoire des beignets, j'en ai une petite réelle aussi, c'est
l'arabe qui passait, le matin, qui tapait aux portes pour vendre les fromages
frais avec le petit lait. Vous en souvenez vous, on se régalait au dessert,
jusqu'au jour ou Maman a regardé par son Judas (il porte bien son nom
celui-la) et elle a vu notre arabe, qui léchait la louche pour ne pas
en perdre une goutte. On n'a même pas mangé ses fromages ce jour là. Et
quand j'en vois au Prisunic, je ne peux m'empêcher d'y repenser. "
"
Je devais avoir aux environs de 4 ans et je m'en souviens encore ! J'étais
allé faire les commissions avec ma grand-mère chez les marchands ambulants
du Boulevard Victor Hugo et je n'avais bien compris pourquoi, en passant
devant chez Trougnou, le marchand de jouets bien connu de nous tous, ma
grand-mère avait refusé de m'acheter la toute dernière Dinky-Toys ! La
pauvre mamy a eu droit à la plus comédie et au plus beau des caprices
que j'étais le seul a pour voir accomplir avec autant de maestria ! Arrivée
presque chez elle, rue Famelard près du stade Turpin, il y avait là, une
Garguèche, vous vous en souvenez, c'était ces vieilles femmes arabes qui
venait vous dire une prétendue "bonne aventure" en échange de
quelques vêtements usagés et quelques croûtons de pain... Pour mettre
ce qu'elles avaient récolté dans la journée, elles portaient sur le dos
en permanence, un vieux sac en jute qui avait du servir jadis à transporter
des patates. Pour tenter de calmer mes cris délirants, ma grand-mère a
eu l'idée de e dire : " Tu vois Chacha (c'est comme çà que l'on m'appelait
quand j'étais môme) si tu continues de pleurer, je vais le dire à la Garguèche
qui va t'emporter dans son sac qu'elle a sur le dos et où elle met les
enfants méchants... Ouh là !! L'effet fut saisissant, j'ai stoppé net
mes braillements mais... mon esprit "Zorrotiste" ou "Robindesboitiste"
comme vous voudrez, a repris le dessus. Dès que nous sommes arrivés à
destination, j'ai pris un balai et, sur la pointe des pieds, je suis allé
rosser cette pauvre et innocente vieille pour aller délivrer tous ces
pauvres enfants enfermés dans ce sac étriqué ! Heureusement que ma grand-mère
a entendu les cris de la Garguèche, elle est venue la délivrer de mon
inexorable esprit vengeur !... Évidemment, elle s'est crue obligée de
raconter cette histoire à mon père ... Qu'est ce que j'ai pris à midi
quand il est rentré !...
C'était
à peu près à la même époque, peut être un peu plus tard ! Tous les matins
rue Martin Bidourée, il y avait un arabe qui passait le matin de bonne
heure et qui vendait... je n'en savais trop rien, il a fallu que je me
lève un jour, plus tôt que d'habitude pour comprendre enfin !... Il criait
: " Ha li bassan chou, Ha li bassan chou, li ban Bariou Barièèèèèèèènne
! " Çà a duré des semaines et un jour, avec mon frère Maurice, nous
nous sommes levés et avons enfin découvert que ce "vendeur à la criée"
vendait des "Croissants chauds et des bonnes brioches Parisiennes"...
Depuis ce jour, le matin, nous faisions avec mon frère, marcher son petit
commerce ....
Ma
troisième anecdote se passe dans les toutes premières années 50, tous
les jours, à l'heure de la sieste, il y avait un arabe qui passait dans
la rue Martin Bidourée et ailleurs, Fernand doit s'en souvenir et, le
brave homme déchirait alors le silence lourd de la siesta et criait :
" Aaaaaaarinafon on on on on on on on on on de "..... que nous
avons fini par traduire par : " Y a rien à vendre "...
Vous
l'avez certainement tous vu avec sa petite charrette à bras, c'était un
vieux bonhomme qui était devenu l'une des figures emblématiques du quartier
Saint Jean... "
"
L'histoire sur La Garguèche a ravivé chez moi celle du "bousadïa"
(ce n'est probablement pas l'orthographe exacte). Est-ce que cela vous
dit quelque chose ? C'était un personnage qui m'impressionnait beaucoup
quand j'étais gosse ; Il était accoutré de peaux de bêtes et de breloques,
frappait sur un tambour, généralement en criant, en montrant ses dents
pour impressionner les badauds qui s'approchaient un peu trop près de
lui. Les arabes lui jetaient des pièces de monnaie. Mes parents disaient
qu'il venait de la montagne et que lui jeter des pièces portait bonheur
(!); Je me souviens qu'un jour où je freinais des 4 fers devant un plat
de courgettes, le tambour du Bousadïa s'est fait entendre au loin. J'étais
chez ma tante qui habitait Bd de Roumanie : tu vas les manger ces courgettes
ou j'appelle le Bousadïa ? Quel souvenir ! Ne me parlez plus de courgettes
désormais, mais enfin le bousadïa, j'aimerais bien en savoir plus ! "
"Celles
qui venaient échanger de la vaisselle contre de vieux vêtements étaient
des gitanes dans notre quartier. Elles étaient belles, je les revois encore...
dans leurs belles jupes de toutes les couleurs, et leurs beaux cheveux
quelques fois lâchés en mèches folles, quelques fois tressés...
Le Boussadia, il venait dans notre quartier, et il s'amusait à nous faire
peur.... c'est marrant je l'ai retrouvé à Alger, mais là-bas on l'appelle
Baba Salem... Je pense qu'il devait venir de Bou Saada, ville au sud d'Alger....d'où
son nom ??? c'était tout simplement je crois une sorte de griots... qui
allaient de ville en ville, dansant et chantant, ramassant de l'argent
quand on voulait bien leur en donner.... ils venaient certainement du
grand Sud Ouest."
La
Nechra
Étant
petite, j'entendais certaines dames parler de la Grotte du Corbeau -
Ghorab (Me corriger si je dis une bêtise), un endroit où certaines y
allaient pour un certain rituel, avec danses etc..., un peu comme dans
ce fameux film "Orphoe Negro", de la bouffe, etc... (encore
une fois me corriger si je dis des bêtises), certaines y allaient pour
en quelque sorte s'exorciser du diable qui les habitait, etc. Ma question
à ceux qui pourront me répondre, est-ce que cela existe toujours et
où peut-on trouver les détails de tels rituels ?
-
A ma connaissance cet endroit existe toujours, et effectivement les femmes
allaient s'exorciser (taichou ennachra) ...mais non pas du diable mais
des djennouns, et ils portent des noms belahmar (le rouge) ...belazrag
(le bleu) ...je connais que cela ... Le sujet est abordé par Amin Malouf
dans son roman Léon l'Africain ...mais il décrit la ville
de Grenade si mes souvenirs sont bons.
Je m'arrête là pour noter l'exportation de ces rituels de l'Andalousie
vers le Maghreb et principalement Constantine.
Ça c'est la version qui apparaît "publique".
Mais en fait ...le Ghorab est pour moi, jusqu'à il y a quelques années,
le secret le mieux gardé par les femmes et pour les femmes (il fût un
temps où c'était complètement tabou). A l'université et discutant avec
des collègues psychologues (femmes), elles m'ont donné une toute autre
version totalement différente de ce que l'on entend en ville ..hehehehehehe
...je le dirais pas. Concernant de la documentation, à l'université de
Constantine ..il existe une thèse la dessus, je n'ai aucune référence
à donner ..mais on peut trouver ...
-
J'aimerais rajouter, quelques éclaircissements concernant ce que vous
appelez le rituel de "la grotte du Ghorab" qui est précisément
la pratique de la Nechra.
La visite du tombeau de " Sidi M'Hamed El-Ghrab " (un Wali enterré
à Salah Bey) n'est qu'une étape du périple que les femmes doivent suivre
pour accomplir ce rituel . Il comporte entre autres la visite de la grotte
de " Freidja et Maymoune " ( une grotte située sur la route
qui relie Aouinet el Foul à Sidi M'Cid ). Ayant accompagné une parente
alors que j'étais très jeune, je ne conserve que des images embrouillées
de cette pratique, je revois les bougies allumées dans la pénombre de
la grotte, le sacrifice des coqs, la danse du Tahoual, l'odeur forte de
l'encens, etc... Ce rituel auquel s'adonnaient surtout les femmes de la
génération de ma grand-mère a pratiquement disparu vers la fin des années
80. Comme on l'a signalé, il existe un document vidéo au Centre Audiovisuel
de l'université de Constantine réalisé dans le cadre d'une thèse de psychologie
qui décrit tous les détails de la Nechra .
-
La Nechra faisait partie des croyances de certaines familles constantinoises
au même titre que la Ziara du Taleb (La visite d'un saint) pour solliciter
remèdes, conseils et bénédiction . Elle fût pratiquée par les femmes (surtout
d'un certain âge) dans le but de se préserver du mal en s'exorcisant (en
quelques sortes) pour s'assurer de la bienveillance des saints (Les Walis).
Après l'accomplissement de ce rituel, les femmes se retrouvaient dans
un meilleur état psychologique. La Nechra comporte un parcours en plusieurs
étapes se résumant surtout aux visites des tombeaux des saints et de leur
lieux de méditation. Chaque escale à son propre rituel. Cette pratique
devint anachronique et pure superstition suite à l'évolution des croyances
populaires. Elle s'estompa peu à peu avec la disparition progressive de
ses adeptes. Concernant les lieux où s'accomplissaient ces rituels, j'ai
pu visiter en 1996 le tombeau de Sidi M'hamed El-Ghrab à Salah Bey . Il
se trouve dans un mausolée (bien entretenu) à l'intérieur même de la source
thermale du village et est toujours visitable.
-
J'aimerais donner quelques détails concernant la légende de Sidi M'Hamed
El-Ghrab ( le corbeau). J'ai lu dernièrement le livre que Achille Robert
a écrit en 1900 et qu'il a intitulé ''L'Arabe tel qu'il est, Études Algériennes
et Tunisiennes''. Malgré le peu de sympathie qu'il manifeste à l'égard
des indigènes de ces 2 pays (c'est vraiment le moins que l'on puisse dire),
cet auteur a fait des descriptions très proches de la réalité, de certaines
coutumes et pratiques locales : mariages, circoncisions, Boussaadia,
chasse au lion, le montreur de lion... Entre autre, il raconte la naissance
de la légende de Sidi M'Hamed El-Ghrab, que personnellement je connaissais
sous cette forme.
Dès que je le pourrai, je mettrai à votre disposition la version intégrale
de l'histoire de Sidi M'Hamed El-Ghrab d'après les études de Achille Robert. Lire ce texte de
A. Robert
"
Je me souviens le jour de mon départ. Déchiré, dans le train qui partait
de Constantine, pour Philippeville prendre l'avion.
J'avais 12 ans et je savais qu'on m'arrachait quelque chose, que je ne
reviendrai jamais ici.
Il y a eu un arrêt entre les deux villes, je ne sais pas où, je ne me
souviens que des singes qui sautaient sur le train, et je pleurais.
..comme maintenant.
J'habitais près de Bellevue "
" Il
manquait peu de jours à la fin des cours à l'université et les résidentes
de la cité Nahas Nabil préparaient leurs valises, tout comme moi. C'était
les jours torrides de juillet 1990. La chaleur intense s'emparait de la
ville dès les premières heures du jour et seulement au coucher du soleil
un peu d'air se levait et accordait une trêve.
Le jour avant mon départ, vers cinq heures de l'après-midi je me trouvais
dans un taxi et je parcourais la rue qui de la place de la Brèche montait
vers la Poste pour continuer vers l'hôpital et le pont suspendu. Il y
avait beaucoup de monde et de voitures qui roulaient dans tous les sens,
du bruit et du mouvement comme tous les jours à Constantine.
Le chauffeur du taxi était un jeune homme qui devait avoir mon âge. Il
avait mit une cassette de musique châabi, le volume assez bas, une chanson
douce et paisible.
Par les vitres ouvertes entrait une chaleur épuisante et l'odeur lourde
de l'asphalte surchauffé. Si je ferme les yeux j'entends encore la musique,
je vois encore le bleu du ciel, les zones d'ombre sous les arcades, la
lumière que le soleil de fin d'après-midi posait sur les murs des maisons,
une lumière particulière que je n'ai retrouvé nulle part ailleurs.
J'entends les voix des gens et le bruit de la rue, des rumeurs un peu
ouatés comme s'ils venaient de loin. Je regardais tout ce qui défilait
devant mes yeux avidement, en silence, intensément, j'absorbais chaque
coin de rue, chaque détail, chaque mouvement. Le lendemain à l'aube j'aurais
quitté Constantine et je savais qu'elle continuerait à vivre de la même
façon, colorée, tantôt frénétique, tantôt flemmarde, insouciante de mon
absence. Je savais qu'elle me manquerait et qu'il ne passerait pas un
seul jour sans que mes pensées y retournent. "
Hubert
HANNOUN
Ancien professeur de philosophie
au Lycée ex-d'Aumale et aux
Ecoles normales de Constantine
QUELQUES ECHOS D'UN CHEZ NOUS VIVANT
Je suis né à Constantine qui a enveloppé mes trente premières
années de vie. J'en garde l'empreinte les couleurs et l'odeur. Les hasards
de ma profession ont fait que, depuis 1962, j'ai eu l'occasion d'y retourner
souvent pour enseigner.
Mon
premier retour a été marqué par une réaction émotive de ma part allant
jusqu'aux larmes. Mais ces premiers moments passés j'ai demandé à mes
yeux, mes oreilles et ma réflexion de noter ce qui leur paraissait important.
Et l'importance a pris le goût du jamais vu. Autour de moi, bien sûr,
une ville démesurément agrandie où j'ai retrouvé pourtant les maisons
que j'ai habitées, les écoles de ma première culture, les tunnels du boulevard
de l'Abîme qui abritaient nos amours naissantes Tout cela était
du souvenir non du jamais vu. Car j'ai vu aussi des regards. En 1961 les
regards croisés d'un "Européen" et d'un "Arabe" étaient
toujours (ou presque) des recherches de l'arme avec laquelle l'autre allait
agresser ! Société raciste à l'état pur !
Actuellement,
plus de la moitié de la population algérienne a moins de trente ans. Ce
qui signifie que la jeunesse algérienne n'a connu ni les temps de la colonisation
ni ceux de la guerre d'indépendance, ces sources de la haine parfois atroce
que nous avons connue alors. Les regards que je rencontre actuellement
dans la rue, à l'université, au café, au restaurant sont des mains tendues
et, le plus souvent souriantes.
Des
problèmes subsistent bien sûr ! Quel pays n'en a pas. Mais l'Algérie est
un pays où l'on peut vivre avec pourtant, pour le peuple, une élévation
du niveau de vie -. La presse y estplus libre que dans maints autre pays arabes. Il y a quelques mois
j'ai publié un article signé de moi dans "Le Quotidien d'Oran".
Mais,
rassurez-vous, les odeurs viennent piquer le nez "à la sauce de chez
nous", les couleurs flamboient comme un éclat de rire, le ciel semble
vouloir prendre dans ses bras tous les hommes de la terre et les rochers
du Rhumel regardent tout cela avec le même sourire qui le mène vers Sidi-M'cid
.