Jeudi 28 avril 2005 Constantine espère la finalisation d’un chantier
vieux de près de vingt ans Les seules images que l’on conserve du palais de Hadj Ahmed, dernier bey de Constantine, sont celles d’enregistrements de concerts musicaux par la télévision régionale et il est vrai que le cadre s’y prêtait ; depuis, l’accès y est réservé pour ne pas dire interdit au public en raison précisément des travaux de restauration du site engagés voilà bien deux décennies. A Constantine, cette restauration a presque joué l’arlésienne puisque, d’une manière ou d’une autre et à un moment ou à un autre, tout le monde en parle et l’idée commune est que l’on ne voit rien de précis venir. Le chantier, pourtant, tourne et il le fait avec toutes les contraintes d’une exigence de restauration pas forcément évidente eu égard à la complexité des tâches qu’elle requiert. Situé au cœur même de l’ancienne médina, le palais du bey Ahmed est l’une des dernières et des plus précieuses traces que conserve Constantine de son lointain passé et il faut savoir qu’elle fut depuis l’arrivée des Ottomans en 1557 la capitale du grand beylik de l’Est. C’est en 1828 que s’engagent effectivement les travaux de construction du palais qui allaient s’appuyer sur des compétences étrangères –Ahmed Bey fera appel à un ingénieur italien Schiaffino tout comme Salah Bey avait, en son temps, sollicité Bartoloméo- et sur les ressources humaines et matérielles de la ville et de la région. Le palais renferme trois corps de logis principaux à un étage séparés par deux jardins, le jardin des orangers et le jardin des palmiers, les arcades, portées par des colonnes en marbre au nombre de deux cent soixante-six, les planchers pavés de marbre blanc et les murs revêtus de faïence. Après l’entrée des armées françaises à Constantine, le palais avait été réquisitionné par l’état-major des troupes d’occupation et devait connaître des modifications significatives. La restauration du palais Ahmed Bey, si elle s’imposait pour diverses raisons, s’inscrit aussi d’une certaine manière dans la volonté des pouvoirs publics de récupérer ce qui avait été détourné de sa vocation, comme ce fut le cas de la grande mosquée attenante au palais. La ligne fondamentale du projet tient en ce qu’il s’agit d’«une restauration authentique» et il faut entendre par là qui vise à reconstituer aussi près que possible l’identique et cette ligne s’appuie sur les études réalisées entre 1981 et 1986 par des experts polonais du bureau d’études PKZ. Ce choix s’explique sans doute par l’autorité acquise par les architectes et les plasticiens polonais avec la restauration exemplaire de la capitale Varsovie largement détruite par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. Les travaux engagés en 1991 devaient porter sur la consolidation des structures, particulièrement du côté est plus fragilisé, et allaient connaître un premier arrêt en 1998, consécutif à la liquidation de l’entreprise publique de la DNC en charge du projet. Aujourd’hui, une seule entreprise a pris la suite des douze qui se partageaient la charge de la restauration dont le financement, un temps assuré à hauteur de 60% par une enveloppe centrale, est depuis 2003 décentralisé et mobilise les capacités de la wilaya. Concrètement, les opérations de restauration concernent 121 chambres, 249 colonnes, 550 portes et fenêtres, 23 galeries, quelque quatre cents motifs historiques en plus, évidemment, des deux jardins et occupent de manière régulière quarante-cinq ouvriers. La consolidation et le confortement du palais sont, selon nos sources, réalisés à quatre vingt-dix pour cent et les efforts se concentreront, à partir d’octobre prochain, sur le travail, plus fin, du bois, du marbre, de la céramique et de la polychromie. Pour celui qui y pénètre, il est clair que c’est un chantier en pleine activité et, même si ceux qui en suivent les travaux ont une idée de l’avancement réel du projet, ils se refusent à indiquer une date de finalisation de cette ambitieuse restauration. C’est la direction de l’archéologie et des sites historiques –qui compte dans son personnel des architectes, des sociologues et qui assure, en sus, la protection de sites comme ceux de la ville romaine de Tiddis ou du mausolée de Massinissa- qui est en charge du suivi de cette restauration et la question qui se pose d’ores et déjà est celle du destin du palais restauré. Il serait, en fait, question d’y installer un centre de recherche en ethnologie, un musée d’ethnographie, d’y ouvrir une bibliothèque spécialisée et une galerie d’exposition permanente. Une manière de concilier la valorisation et la connaissance du passé culturel et les exigences modernes de savoir. Meriem Merdaci |