26 janvier 2006
Des sites sont abandonnés à leur
sort
Qui
se soucie de la préservation
des vestiges à Constantine ?
Pousser des cris d'orfraie parce que des ossements datant
de la préhistoire se trouveraient «indûment» dans
un pays où ils ne devraient pas être. Et, comble de l'ironie,
impossible à faire revenir dans le giron national suffirait-il
en réalité à convaincre le citoyen lambda que,
quelque part, «ON» s'intéresse réellement
au patrimoine national. Si peu évident ! C'est très certainement
le reproche qui ne pourra jamais être fait aux responsables locaux à Constantine
dès qu'il s'agit de parler de patrimoine historique, culturel,
voire tout simplement de patrimoine même s'il s'agit d'un bac à fleurs
dans un jardin public.
Des vestiges dans la ville de Constantine, numide par excellence, qui a connu
toutes les tentatives d'annexion possibles qu'elles soient romaine, byzantine,
vandale, il doit s'en trouver, et les citoyens en trouvent d'ailleurs. L'intérêt
réservé à ces découvertes, c'est en général
l'indifférence pour la majorité des habitants. Mathématiquement,
ce rapport de force négatif ne peut qu'être «favorable» à une
sorte de consensus : ne pas aller à la recherche de vestiges si les
vestiges ne viennent pas à qui de .devoir.
Il arrive pourtant que des citoyens, à la limite, paumés., il
s'en trouve considérés en tant que tels, parce qu'Indiana Jones
d'occasion, qu'ils passent le plus clair de leur temps à flâner
dans des endroits où ils leur arrive, comble du hasard, de découvrir
des vestiges. C'est un peu le cas de A. Djamel, homme simple, qui a appris à lire
sur le tard, pour se consacrer à ce violon d'Ingres. Sa première
lecture ayant été un ouvrage sur Massinissa.
A. D. a ainsi dressé sa propre cartographie historique, traçant
l'itinéraire de ses pérégrinations quotidiennes au gré de
recoupements personnels aussi approximatifs soient-ils. Et c'est sur cette
propension à y croire, qu'il découvre une colonne vraisemblablement
romaine dans un endroit indubitablement hanté par l'histoire en ce sens
qu'à sa périphérie immédiate (deux cent mètres à vol
d'oiseau), un événement naturel (éboulement) avait mis
au jour, au début des années soixante dix, des bains romains
(route de Sidi M'cid). La nature a, par ailleurs, repris ses droits, le même
bain romain après avoir suscité et la curiosité et le
déplacement des habitants est, à l'heure actuelle, partiellement
englouti. Et c'est très certainement le meilleur des sorts dans la mesure
où, passé l'intérêt ponctuel, comme dans un apparentement
terrible avec l'apogée ou le déclin de Rome, les lieux accueillaient
libations et pratiques bacchanales de marginaux. Les vestiges de l'histoire
en accueillant d'autres moins glorieux :
bouteilles de boissons alcoolisées, sachets de plastique, restes de
nourriture, etc.
A. D., avec qui nous avons été sur les lieux s'est confié à nous,
au lieu de s'adresser à la circonscription archéologique de la
ville. Il nous dira «qu'en d'autres circonstances, il avait été à plusieurs
reprises rabroué par les responsables» au motif qu'il «ne
lui appartenait pas de s'occuper de ce qui le dépassait» et «qu'il
fallait laisser cette tache à des gens qualifiés». La colonne était
effectivement disponible au milieu d'ordures et à proximité d'un égout
(voir photos ci-dessous).
Dans les méandres de l'administration locale, les attributions autour
de ce sujet sont entourées d'une forme d'ésotérisme. Au-delà du
fait qu'en raison d'impératifs professionnels partagés, nous
ne sommes jamais parvenus à rencontrer la responsable de la circonscription
archéologique, nous avons tout de même compris, qu'aborder le
sujet d'une manière officielle n'était pas aisé en raison
d'une «complexité» dans la répartition des attributions
entre représentants des pouvoirs publics (le maire lui-même nous
a-t-il été conseillé), le directeur de la culture, le
musée, la responsable de la circonscription archéologique. Seuls «Les
amis du musée» (une association d'amateurs férus) essayent,
selon leur possibilité, de faire bouger les choses. Mme Benkhellil,
la présidente, nous confirmera le parcours du combattant, sus évoqué par
A. D., pour susciter l'intérêt des parties concernées.
A. Lemili
Retour à
la revue de presse