13 avril 2006
L'indifférence, dénominateur commun
pour le patrimoine à Constantine
Le projet du tramway de Constantine a le mérite
d'avoir suscité une sorte de fièvre au sein du mouvement
associatif si tant est que peuvent être qualifiés un ou
deux personnages forts en gueule qui se sont d'emblée et d'autorité imposés
comme éléments essentiels d'une guerre de tranchées,
des plus virtuelles en réalité, entre la société civile
dont ils s'autoproclament représentants et ceux parmi les responsables
autant désignés qu'élus au sein des institutions
publiques.
La pomme de discorde, nous ne le dirons jamais assez, est la démolition
de la prison civile de Constantine et, à un degré moindre, le
bâtiment abritant une brigade de gendarmerie, aujourd'hui deux anachronismes.
Ces monuments, datant du début du siècle dernier, ne constituent
pourtant que d'ordinaires structures architecturales qui gagneraient à disparaître
en ce sens que l'espace libéré n'en sera que bénéfique
pour la population et l'agora prévue en projet de remplacement, une
idée géniale d'accompagnement de la ligne de tramway, donnerait
une tout autre physionomie aux lieux que l'on compare à la place du
cours de la Révolution (Annaba) en mieux agencé grâce au
concours de grands paysagistes.
Si la prison devait demeurer, compte tenu de l'argumentaire de ses «défenseurs» parce
qu'elle «abrite» la cellule dans laquelle a séjourné Mustapha
Ben Boulaïd, raison d'une levée (virtuelle) de boucliers, il n'y
a plus de raison à ce que le bâtiment de la gendarmerie, à son
tour, ait à subir les coups de bélier.
Toutes ces gesticulations ponctuelles ne sont pas sans rappeler celles qui
ont eu lieu avec un retard bien étrange (plusieurs jours) au cours de
l'été dernier. A cette époque, une entreprise privée,
sur sollicitation de l'APC, avait entrepris la démolition sans désemparer
de vieilles bâtisses menaçant ruine depuis bien longtemps. Ces
reliques n'avaient, auparavant, presque jamais suscité le moindre intérêt
du mouvement associatif (à l'exception des propriétaires), à commencer
par l'omnipotente association les Amis du Vieux Rocher et un nouveau-né dans
le paysage associatif, en l'occurrence le CRI (ça ne s'invente pas)
ou le Club de réflexion et d'initiative, un bidule bon chic bon genre
extrêmement porté sur les manifestations ostentatoires, genre
réception, petits-fours et dont les membres ont cette particularité d'être
cooptés à l'image d'une loge maçonnique.
Sauf qu'entre-temps bien des violences avaient été faites, ces
quinze dernières années, à des sites autrement plus importants
sur tous les plans, véhiculant des millénaires d'histoire, très
souvent joyau architectural, pictural et partie intégrée de l'environnement
et du cadre de vie. Ainsi ont été découverts fortuitement
bien des vestiges romains mais qui, passé la surprise, retombent dans
un oubli assassin. Des endroits profanés et transformés en lieux
de libations, ce qui est par ailleurs un moindre mal comparé au dépôt
d'ordures et de gravats qu'ils deviennent ensuite.
Quant à la démolition de bâtisses à hauteur de la
vieille ville, les cris de vestales poussés par les uns et les autres
sont trompeurs tant bien de pâtés de maisons s'en allaient à vau-l'eau
depuis plus de 20 ans pour devenir également d'immenses réceptacles
d'immondices de tous genres, royaume des rats et autres rampants et, à aucun
moment de leur existence, les associations ès qualité n'ont tenté,
ne serait-ce qu'une fois, une opération de volontariat de nature à endiguer
la dérive et donner un exemple de préservation d'un pan symbolique,
historique et culturel de la cité. Il en est de même pour la réhabilitation
du palais du bey, en chantier maintenant depuis plus de 15 ans à telle
enseigne qu'il est fort à parier que les Américains rebâtiront
leurs Twin Towers avant que ce témoin de la présence de l'envahisseur
turc ne soit réceptionné.
En conclusion, croire ou tenter de faire croire qu'il y a une implication des
associations dans la protection des patrimoines serait prendre des vessies
pour des lanternes. Il en est de même pour des institutions publiques
plus promptes à faire démarrer le marteau à air comprimé,
les béliers et autres engins qu'à différer les travaux
face à de ponctuels cris d'orfraie et malheureusement une fois le mal
fait.
Par conséquent, une cohabitation harmonieuse ou un antagonisme entre
les deux parties reposant sur la question ne demeure qu'une simple vue de l'esprit.
La démolition entamée de la vieille ville a bien occupé une
actualité, difficile à combler, en plein été. Qu'en
est-il aujourd'hui ?
A. Lemili
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