25 avril 2001

CONNAÎTRE ET VALORISER LE PATRIMOINE

« On ne présente pas Constantine. Elle se présente et l'on salue. Elle se découvre et nous nous découvrons. Elle éclate comme un regard à l'aurore et court sur l'horizon qu'elle étonne et soulève. Puis, satisfaite de son effet, elle se fige dans sa gravité, se regroupe dans sa légende, se renferme dans son éternité »
Malek Haddad

Le site unique de Constantine est tellement émouvant qu'on ne finira jamais de parler de l'histoire de cette ville
Mme Daho : Bien évidemment car toutes les étapes préhistoriques et historiques sont représentées à Constantine. Le fait que près de 20 % des découvertes archéologiques faites en Algérie du Nord concernent la région comprise entre Sétif, Souk Ahras et Constantine est une belle illustration de la situation privilégiée de notre ville. Des ossements de bubale, vieux de deux millions d'années, remontant donc à la préhistoire ont été mis au jour dans la grotte dite des Ours et des Mouflons. Jusqu'à présent, les habitants l'appellent El kehf ez zaher (la grotte qui rugit).
La poterie du site de Tidis, la grotte des Pigeons, -détruite par les Français lors de la construction du boulevard de l'Abîme - et les nombreux dolmens attestent de la présence humaine dès la protohistoire il y a sept mille années.
Des textes grecs et latins, datés du IVe siècle av. J.-C. mentionnent la « ville des Massyles ». Au IIIe siècle, Cirta fut élevée au rang de capitale du royaume numide. Nous disposons d'une pièce de monnaie, spécimen unique, frappée à l'effigie de Massinissa. Il y est inscrit : Massinissa roi. Cirta restera capitale numide pendant cent cinquante-sept ans. Puis la colonisation romaine fait de Cirta le chef-lieu d'une confédération qui regroupait autour d'elle Rusicade (Skikda) Chulu (Collo) et Milev (Mila). En 311, la ville est détruite suite à la guerre entre César et Maxence. L'empereur Constantin décide de la restaurer en 313. La ville porte jusqu'à présent son nom.

Retrouve-t-on l'ensemble de ces civilisations dans Souika par exemple ?
Constantine, celle bâtie sur le rocher, a tout au long de son histoire connu quatre-vingts sièges. C'est dire l'importance de la cité et son corollaire la convoitise que cela suscite.
La moindre couche de terre est en fait une page d'histoire. Chaque fois qu'une maison est détruite, on fait des découvertes inattendues ; dalles taillées que les musulmans ont réutilisées, chapiteaux et même des mosaïques romaines. C'est la partie la plus basse qui est la plus intéressante. Jusqu'à présent, peu de sondages y ont été effectués. Souika est en fait un brassage d'architectures : numide, romaine, arabo-musulmane, turque

Pourtant, Souika semble mal se porter. Beaucoup de maisons ne sont plus qu'un tas de ruines. Pourquoi, à l'image d'autres sites, elle n'a pas été classée patrimoine national ?
Le site a été classé patrimoine national en 1992. Cette décision pour être exécutoire doit être suivie d'un affichage. Ce dernier consiste à établir dans les deux mois qui suivent la décision de classement la liste des propriétaires des maisons, à identifier chaque bâtisse. Cela n'a jamais été fait. La vieille ville de Constantine n'est donc plus considérée comme patrimoine national. Je parlais de pages d'histoire. Si nous ne les lisons pas, nous risquons de perdre notre identité.

Samir Benmalek

Retour à la revue de presse