L´éditorial du 17 avril 2006

Cirta : mémoire et identité

La grande métropole de l'Est occupe en vérité une place particulière dans l'historiographie nationale. En réalité, Constantine est un état d'âme, on l'aime ou on ne l'aime pas, mais elle ne laisse jamais indifférent. Et le temps, sinon les hommes- c'est le moins de le dire- n'ont pas été cléments pour l'antique Cirta, aujourd'hui l'une des plus vieilles villes du monde, inscrite au patrimoine universel de l'Unesco. Délabrée, mais toujours debout, gardant un charme qui lui est propre, Constantine n'a jamais été une ville quelconque, elle qui marqua le pays de son empreinte indélébile. Déjà, le poète envoûté par le sortilège constantinois pouvait assurer qu'«on ne quitte jamais» Constantine. Et quand Constantine «se découvre, on s'incline (devant elle) et on salue».
De fait, lorsque l'on a vu Constantine pour la première fois, l'on a une seule impatience : la revoir. C'est sans doute cet appel qui vient du fond des âges qui explique que le président Bouteflika -qui était hier en visite dans l'antique Cirta- n'a eu de cesse - depuis son élection à la présidence de la République - de revenir continûment dans une ville qui ne peut être oubliée, car inoubliable.
Comment pouvait-il en être autrement lorsque la capitale de Massinissa, le nid d'aigle d'où s'envola Jugurtha, la dernière fortification algérienne qui donna à Ahmed Bey de contenir et de retarder les conquérants français, a toujours été là sur son Rocher défiant les temps et les hommes. Ville rebelle de toujours - comme elle l'a été dans le passé, durant la guerre de Libération ou encore aujourd'hui - Cirta-Constantine n'est pas seulement la gardienne d'une mémoire nationale, elle est en fait la mémoire vivante et identitaire de l'Algérie par son amazighité, comme en témoigne la longue théorie d'Aguelids (rois) numides qui l'ont gouvernée, par son arabité et son islam assumés en toute circonstance donnant naissance à quelques-uns des créateurs et artistes les plus féconds et innovateurs dans une Algérie alors en panne de renouveau. Mais il y a le revers de la médaille, c'est cette Constantine laissée à l'abandon mais n'en restait pas moins l'irremplaçable Constantine comme en atteste sa longue traversée de l'Histoire.
Pourtant, c'est cette Constantine historique qui s'effrite chaque jour un peu plus sous nos yeux, sous les yeux d'édiles locaux et nationaux indifférents, qui n'ont pas toujours été à la hauteur des ambitions qui devaient être celles d'une ville, aujourd'hui, le rare témoin authentique de la légitimité d'un pays qui n'a pas toujours su assumer son (ses) passé (s) ni donner à son Histoire, la place qu'elle mérite dans les pages de l'Histoire universelle.

N.KRIM

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