19 mars 2005
Le wali mal conseillé
Les fantômes de Constantine volent au secours du wali et ajoutent
un zest de comique à la tragédie de démolition
de la vieille ville, Souika.
En effet, les cerveaux de la destruction qui entourent le wali n’ont
rien trouvé de mieux, pour sauver les meubles du cabinet, que
d’instrumentaliser un mouvement associatif fantoche pour apporter
son soutien à Tahar Sekrane. Comment interpréter sinon
ce communiqué signé par une vingtaine d’associations
de quartier prenant à contresens la dynamique citoyenne qui a
permis de stopper l’innommable entreprise de destruction ? Décidément,
le ridicule ne tue pas, surtout quand le RND est derrière. Le
communiqué qui a été adressé aux hautes
instances de l’Etat ne se limite pas en plus au soutien apporté
à l’opération démolition et pousse l’outrecuidance
jusqu’à tirer à boulets rouges sur les organisations
et les personnalités qui ont agi contre, en les qualifiant de
« marchands du malheur ». La parade, qui tente visiblement
d’influencer le travail des commissions ministérielles
venues enquêter sur l’affaire, emprunte le mensonge en reprenant
les arguments de la démolition développés par les
autorités locales. Ces dernières voulaient faire croire
que les bâtisses visées étaient devenues des nids
de brigands squattés par les alcooliques et les prostituées,
ou encore que certaines d’entre elles menaçaient de s’effondrer
sur la tête des occupants. Mais les 39 maisons démolies
sur un total de 185 étaient-elles toutes fragiles ou affiliées
à la délinquance ? Non bien entendu, et les spécialistes
sont les mieux placés pour nous le dire. Les architectes urbanistes,
dont ceux de la cellule de réhabilitation de la vieille ville,
ont d’ailleurs réagi de leur côté et adressé
une correspondance à la direction de l’urbanisme et la
construction pour déclarer leur opposition à la démolition
que rien ne peut justifier selon eux. En outre, Souika est classée
depuis 1992 patrimoine national et le nouveau dossier de classement
en application de la nouvelle loi sur le patrimoine est sur le bureau
du secrétariat du gouvernement, ce qui interdit toute opération
de destruction. Il y a eu donc violation d’une loi et une atteinte
incompréhensible contre un monument qui a bénéficié
du soutien du président de la République avant de décrocher
une étude de réhabilitation appelée Master Plan,
conduite par les Italiens. Ces derniers étaient d’ailleurs
à Constantine quelques jours avant le déclenchement de
l’opération ; l’encre de leur rapport n’avait
pas encore séché que la démolition a commencé.
La responsabilité dans la mort de Souika est partagée,
certes, y compris par les propriétaires des maisons, mais le
coup porté récemment par l’administration dépasse
de loin toute autre entreprise de destruction. Le premier responsable
semble avoir été induit en erreur mais les méchants
loups sont bien connus dans notre bergerie et semblent avoir réussi
une nouvelle fois à se tirer d’affaire en détournant
les commissions d’enquête de leurs objectifs. A défaut
donc de comprendre les visées cachées de la démolition,
nous attendrons la naissance d’une nouvelle commission pilote
composée de ceux-là même qui ont conduit l’opération.
Le poisson est plus que jamais noyé.
N. Nesrouche
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