15 juin 2000
La "citadelle" déchue...
De son statut de "citadelle imprenable", entre les XVe et
XVIIIe siècle, la médina constantinoise est désormais
noyée au cœur d’une ville européenne qui a
pris ses aises au détriment de son "aînée"
quasiment livrée à elle-même...
A part peut-être la reconnaissance de ses habitants et la nostalgie
qu’ils ressentent pour elle à leurs moments perdus, la
vieille ville accuse une profonde détérioration du fait
de l’indifférence, a priori, des anciens gestionnaires
de la ville. Cela dit, il y a également l’écueil
de la méconnaissance des moyens spécifiques permettant
de préserver de vieilles habitations conçues pendant le
règne ottoman. La Casbah, le quartier Tabia occupé à
l’époque par les officiels de la médina ; El Kantara,
quartier résidentiel réservé à la bourgeoisie
ou encore Harat lihoud et Souika résisteront-ils encore longtemps
aux caprices de la nature et du temps ? Avant la réalisation
des premières extensions par les Français en 1944 —
en débutant la construction de la gare ferroviaire instamment
—, Constantine était concentrée sur le rocher, entourée
et bien gardée par quatre portes : Bab el gharbi, Bab el oued,
Bab el kantara et Bab el djabia dont il ne subsiste, hélas, plus
aucune trace aujourd’hui. C’est d’ailleurs au cours
de l’occupation de la ville par les Turcs que la médina
a pris un cachet spécifique et a connu un développement
important. A l’époque, nous dit-on, il y avait environ
28 souks, 27 moulins à blé, 3 fours et une multitude de
métiers artisanaux comme la dinanderie, très présente
aujourd’hui encore. Les lieu Rahbat essouf et Rahbat ledjmal accueillaient
chaque semaine les vendeurs de laine et de chameaux ; Ils sont à
présent "squattés" par de nombreux trabendistes.
Construite par Salah Bey au profit des arabes, les séparant des
juifs, qu’il a casés au niveau de la rue Tiers, Souika
a vu naître et défiler plusieurs générations
de Constantinois qui l’affectionnent particulièrement.
Attachés à ce patrimoine historique qui est la vieille
ville, ses habitants en parlent avec fierté et émotion
avec toutefois un soupçon d’inquiétude. Ils craignent
de la voir s’effondrer à la suite de violentes pluies d’autant
que sur les 1 301 maisons recensées, environ 78% d’entre
elles menacent ruine. Ces dernières années, il était
même question de la démolir, du moins, c’est le souhait
exprimé par certains urbanistes qui ambitionnaient de reloger
ses habitants et de la raser ! D’autres, à savoir les "conservateurs",
se sont fermement opposés à eux, œuvrant plutôt
à faire admettre la nécessité de restaurer la médina
et pourquoi pas la transformer en... musée. Un véritable
bras de fer avait opposé les deux "clans" jusqu’à
la décision prise en janvier 1999 par les autorités de
débloquer la somme de huit milliards de centimes pour la restauration
d’une partie de la vieille ville, à savoir les édifices
publics, le boulevard Zighoud Youcef et la rue Tiers, ce qu’une
certaine génération de Constantinois appellent encore
"Harat lihoud". Cela dit, d’aucuns estiment aujourd’hui
que la responsabilité de ses habitants dans son état de
délabrement n’est pas à écarter d’où
la nécessité de sensibiliser sa population. Une dizaine
d’associations regroupées en coordination s’est fixée,
à cet effet, l’objectif de faire contribuer les habitants
de la vieille ville à l’opération de restauration
et de préservation du site. Quant aux habitudes, aux traditions
et à "l’esprit" de la cité antique, Constantine
n’en garde qu’un vague souvenir appartenant à un
autre âge...
Lydia R.
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