15 avril 2015
Vieille
ville de Constantine : Une carte postale des plus saisissantes
Les quartiers pittoresques de la vieille ville de Constantine,
avec leurs Souikas, représentent sans conteste une carte postale des
plus saisissantes de la cité du Vieux Rocher. Découvrir
la ville des ponts sans effectuer une flânerie le long des venelles
de la Souika ne peut que donner un petit goût d'inachevé à toute
virée constantinoise. Rémanence de la période
ottomane, la Souika (terme voulant dire petit marché puisque
c'est le diminutif de Souk) est située dans un triangle limité à l'est
par les gorges du Rhumel, au sud-ouest par le prolongement du pont
de Sidi Rached et au nord par l'ex-rue Nationale (aujourd'hui
rue Larbi Ben-M'hidi). Dédiées exclusivement aux piétons,
ses ruelles étroites ont gardé toute leur authenticité avec
leurs petits commerces et leurs demeures traditionnelles construites
autour d'une cour intérieure. Dans une partie de la Souika, "Rahbet
El Djemal" en l'occurrence, le passant est plongé, en
zigzaguant pour se frayer un passage, dans les effluves de café fraîchement
moulu, les exhalaisons de "frik" à peine sorti du moulin ou
encore les senteurs d'"El-Hommos", cette soupe de pois-chiches si prisée ici.
Un lieu chargé d'histoire
Chargée d'histoire, la Souika ne cesse de révéler ses
secrets et le passage de différents peuples et civilisations,
témoins du cheminement d'une cité deux fois millénaire,
raconte des moments de gloire d'autres de souffrances et de déchéances.
En ce mois d'avril, le cœur de la vieille ville se remet à palpiter dès
les premières heures de la matinée. Un nouveau jour se dessine.
A 9 h 30, la ruelle est déjà animée, tous
les commerces sont ouverts et l'activité commerciale bat son plein.
L'odeur du "Frik" s'élève depuis le fameux moulin de Chatt. En
se dirigeant vers la maison Gaïd Errahba, une demeure concernée
par les travaux pilotes de réhabilitation, le regard est toutefois
attiré par des signes de vétusté très visibles
sur tout un pâté de maisons. Certaines, inoccupées, sont
carrément effondrées de l'intérieur, alors que leurs façades
résistent encore. Dans certaines maisons, les canalisations disloquées
font abondamment suinter de l'eau sur un site fragilisé. Tout
cela, ajouté au travail de sape du temps, n'a pas laissé d'inquiéter,
et la population, et les autorités, donnant lieu à une
succession de "programmes" et de "plans de sauvegarde" qui ont souvent été inopérants
ou, tout au moins pas aussi efficaces que souhaité. Il y eut, entre
autres, le Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs
sauvegardés. Un dispositif porteur d'espoir et qui aura eu le
mérite de baliser l'action de restauration d'un site en péril.
Les travaux de sauvegarde de déroulent dans un secteur délimité de
plus de 85 hectares localisé dans un périmètre comprenant
le pont de Sidi-Rached, les gorges du Rhumel, la Souika, Rahbet Essouf, Sidi
Djeliss, RÆcif, Bab El-Kantara, Mellah-Slimane, le pont suspendu
de Sidi M'cid et la Casbah.
Un patrimoine riche et tellement diversifié
Un site plein de réminiscences dont la richesse pourrait être
symbolisée par ces demeures anciennes sur lesquelles plane toujours
une atmosphère indicible, comme si l'on y sentait encore une présence.
À El-Batha, émerge Dar Qaroun (pharaon). Une demeure appartenant à un riche
notable de la ville et qui reste une autre illustration d'un patrimoine riche
et tellement diversifié. En dépit de sa défiguration, la
bâtisse a gardé les traces d'une maison de maître distinguée
et raffinée, avec un rez-de-chaussée de style ottoman et
une aile ressemblant aux appartements de luxe des immeubles du 19e siècle.
Les balustrades en bois torsadé sont uniques dans leur genre à Constantine. Elles
sont une copie de celles du palais du Dey d'Alger. En 1922, une aile a été ajoutée à la
maison : un appartement à grand couloir d'où toutes les chambres sont
visibles. Les pièces sont spacieuses avec leurs cheminées de marbre
et leurs riches décors au plafond. Unique dans son genre, la maison
a été squattée pendant des années et les derniers
indus occupants, aujourd'hui évacués, ont failli faire écrouler
la demeure. Il y a aussi Dar Bahri et, surtout, Dar Daïkha, la fille
d'Ahmed Bey. Cette dernière construction est aujourd'hui proche de la "délivrance".
Donnant l'impression d'être sortie d'une scène de Mille et
Une nuits, cette demeure, très spacieuse, comprend des pièces
où l'empreinte de demeures nobles est omniprésente. L'espace est étudié et
partagé avec goût et délicatesse, avec des petits réduits
de rangement que l'on appelait "Doukana", et des colonnades en voûte séparant
le salon du reste de la chambre.
Les murs sont décorés avec raffinement, donnant à admirer
de riches motifs et des versets du Saint Coran. La restauration de Dar Daïkha,
aujourd'hui menée avec détermination, écarte la
hantise dont avait fait part le propriétaire des lieux, il y a quelques années,
de voir un jour la maison effondrer. Cette restauration supervisée par des
spécialistes garantit, quelque part, la volonté des pouvoirs
publics de redonner vie à la vieille ville de Constantine, pan
sans doute le plus important de la mémoire du "Caillou" qui s'apprête à vivre
l'évènement culturel le plus important de son histoire.
Moza Daghiche (APS)
Retour à
la revue de presse