22 Août 2004

Constantine pleure ses fontaines taries. Elle gémit de son patrimoine brisé. Il n’y a pas si longtemps, le visiteur de passage pouvait contempler dans les quartiers de la médina, des fontaines d’où jaillissait une eau pure et limpide aux vertus clairement revigorantes.

A Saeda, en amont de Kouchet Ezzayet, à Sidi Djellis, mais aussi au niveau des contreforts du Rummel rive droite, Aïn Mizeb et en aval du plateau du Mansourah, Aïn Berda, prodiguaient sans relâche leur précieux liquide aux passants qui pouvaient étancher une soif tenace. La fontaine publique de Sidi Djellis entre hier (1936) et aujourd’hui, la fontaine Desmarets du square de la Brèche (1938) et le monument de Notre-Dame de la Paix (cote 638), que reste-t-il de ces véritables monuments miniatures, de ces ouvrages d’art, de ces mini-édifices à l’allant fort enviable (n’ayons pas peur d’user de grandes sentences) que les artisans en leur temps ont façonné avec amour et passion ? Rien, une bagatelle, si ce n’est que ruine et désolation, ou bien encore, une nébuleuse réminiscence que l’outrage du temps ne fait qu’enfoncer davantage dans l’oubli et la carence du devoir de mémoire. Jadis, dans le point central de l’agréable square de la Brèche, édifié en plein centre-ville, trônait fièrement une fontaine unique de par sa conception, un joyau de l’architecture romantique qui halait son eau d’une source elle-même captant son essence d’une nappe phréatique souterraine qui s’est, depuis, bel et bien évaporée (cf. image d’accompagnement).

Monuments de l’indifférence

Actuellement, le jardin Bennacer (nouvelle appellation de cet espace vert intramuros) est fermé par décision communale pour cause de mauvaises fréquentations, étant devenu le lieu de toutes les débauches et que la misère sociale n’a fait qu’exacerber. Des deux autres fontaines publiques, l’une est nichée à l’entrée de Souika par la porte nord, l’autre est incrustée dans le roc face au pont majestueux de Sidi Rached, il ne subsiste que la carcasse en fonte siglée Desmarets du nom du concepteur français qui a fécondé les mêmes geysers dans certains quartiers du vieux Paris à une époque où l’on savait encore apprécier le concept immanent des commodités et de la bienséance en milieu urbain. Plus haut encore, au point culminant du Vieux Rocher qui surplombe tel un aigle déployant ses imposantes ailes magistrales, à la cote 638, siège toujours Notre-Dame de la Paix, digne mais néanmoins décatie, flétrie et abandonnée depuis des décades à son triste sort de sacrée patronne d’une notion qui ne veut plus dire grand-chose de nos jours. Constantine dispose de sites exceptionnels qui ne demandent qu’à être revalorisés, réactualisés pour une exploitation dont tout le monde (pouvoirs publics, collectivités locales et simples citoyens) pourra bénéficier à juste titre. Au lieu d’être soumis à un tel abandon, considéré sous d’autres cieux plus cléments avec la notion atemporelle du patrimoine historique et culturel comme un crime purement et simplement.


Par Nasser Foura

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