La M'laya

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La M'laya en cartes postales

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Si la m’laya m’était contée

Son histoire est intimement liée au destin tragique de Salah bey qui gouverna Constantine durant 21 ans dans le dernier tiers du XVIIIe siècle.

Depuis quelques années, le port du fameux voile noir par les femmes dit m’laya est un fait rarissime aussi bien à Constantine que dans les principales villes de l’Est algérien.Troquée contre le hidjab, par commodité pour certaines, par modernité pour d’autres, la m’laya est le dernier effet vestimentaire à avoir résisté aux tentations de la modernité après la disparition, depuis fort longtemps, de nombreux habits traditionnels masculins et féminins. L’apparition de la m’laya dans le vécu des femmes de l’Est algérien, particulièrement à Constantine, remonte à plus de deux siècles. Son histoire a toujours été intimement liée au destin tragique d’un homme exceptionnel qui marquera pour l’éternité la mémoire collective constantinoise. Il s’agit de Salah bey qui gouverna Constantine durant 21 ans dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. Connu pour ses ambitions politiques illimitées, il vécut une fin brutale et tragique. « Le 8 août 1792, le dey Husayn, nouvellement nommé, proclame la destitution de Salah bey et envoie pour le remplacer un certain Ibrahim Bousbaa, ancien caïd du Sébaou, dans l’Ouest. Quatre jours après son arrivée à Constantine, les partisans de Salah bey mettent à mort Ibrahim Bousbaa et Salah bey reprend les rênes du beylik et entre, de fait, en dissidence contre la régence à Alger qui n’hésitera pas à lui envoyer une armée renforcée. Dans la ville, à la faveur d’une insurrection, Salah bey perd ses derniers appuis. Sa tentative d’insoumission se termine dans le sang. Il est arrêté et étranglé le 1er septembre 1792. »(1). Les conséquences de cet événement et l’origine de la m’laya se trouvent expliquées par H’sen Derdour dans son volumineux ouvrage Annaba, 25 siècles de vie quotidienne et de luttes. Il évoque ainsi que « les Constantinois, qui étaient passionnés par son drame et dans lequel tout leur paraissait invraisemblable, les femmes, plus particulièrement, n’hésitèrent pas à accuser “le destin” de l’énormité, de l’horreur du crime. Aussi “banoutète”, “fkèrète” et “nadabète”, après chants lugubres et pleurs, se donnèrent-elles la mission de prononcer un deuil qui dure encore de nos jours : le port d’un voile noir aux plis lourds, qui enveloppe la femme de la tête aux pieds avec pour accessoire une désagréable chebrella (savate sans talon) »(2). Faut-il savoir d’après le même ouvrage que les femmes de l’Est algérien avaient porté avec élégance, modestie et dignité le haïk blanc, bien qu’à cette époque ce voile noir et encombrant ne fut pas une nouveauté.
Une tradition perpétuée
Depuis 1792, le port de la m’laya, obligation faite à la fille qui atteint la puberté, n’a guère changé. Un rituel qui se transmet de génération en génération avec les mêmes gestes, même si les accessoires d’accompagnement ont changé avec le temps. Mme Houria F., qui se rappelle bien l’époque des années 1950 quand elle a vu ses tantes porter la m’laya pour la première fois, remonte au premier jour où elle a mis le fameux voile noir une année après l’indépendance. « A l’époque, la chebrella connaissait déjà ses derniers jours. Les jeunes femmes préféraient les babouches par temps froid et les sandales en été. Certains hommes parmi les plus conservateurs n’admettaient pas encore que leur femme se découvre les pieds. Ils leur imposaient de porter des chaussures avec des “sockets”, une sorte de chaussettes en laine. C’était un peu dur à supporter », nous dira-t-elle. Selon toujours Mme Houria F., « la confection de la m’laya se faisait toujours à partir d’un tissu noir long de 12 bras, confié aux soins d’un couturier. Avec le morceau de tissu blanc appelé aâjar mis sur le visage, l’ensemble nous coûtait environ vingt dinars dans les années 1960, soit le prix d’une pièce de louis d’or de l’époque. Cette dernière vaut aujourd’hui près de 4000 DA. La façon de mettre la m’laya a toujours été simple et rapide. Après avoir serré la partie supérieure autour de la tête, on balance d’un mouvement bref du bras, appelé “ramia”, l’aile droite puis l’aile gauche derrière l’épaule en les tenant avec deux épingles. Une large fente maintenue au centre permettra une liberté du mouvement pour les bras. » La m’laya, son histoire, sa simplicité et son charme font désormais partie du passé. Pour les nostalgiques, il ne faut pas rater une occasion d’admirer pour les rares fois une m’laya furtive dans la rue. Ce sera comme assister au passage d’une comète inconnue dans le ciel.

Arslan S.
El Watan - 11 novembre 2004

(1) D’après le livre d’Isabelle Grangaud La ville imprenable-une histoire sociale de Constantine au XVIIIe siècle Editions Média - Plus -Constantine - 2004.
(2) D’après le livre de H’sen Derdour Annaba - 25 siècles de vie quotidienne et de luttes Tome 2 Editions SNED - Alger 1983

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Edition d'un timbre en 2014

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Le deuil du Bey Salah de Constantine couvrit tout le beylik de l'Est, dont les limites étaient la Méditerranée au nord, la Tunisie à l'est, le Sahara au sud jusqu'à Ouargla et à l'ouest la chaîne des Bibans.
Il est de loin le plus important et le plus peuplé des trois beyliks de la régence avec 1.300.000 habitants. Cela dura jusqu'à l'aube du 21ème siècle et des générations de femmes de l'Est algérien demeurent tout ce temps-là, par mimétisme reproductif et effet d'entraînement, des endeuillées qui s'ignorent. Il aurait fallu que l'homme, son envergure, ses actions et sa popularité en soient dignes.

LA DISCRÈTE ÉCLIPSE DE LA M'LAYA, OU L'ULTIME ADIEU À SALAH BEY
L'histoire du voile noir des femmes de l'Est

Par ABDELKADER KELKEL  

En signe de deuil ostentatoire et défiant les hommes, les femmes du beylik de l'Est décidèrent par choix en 1792 de porter un habit de sortie fait d'une toile noire sans couture au début - clin d'œil au linceul - dont elles se couvrirent tout le corps : la m'laya.
De leur côté, par provocation et bravade à l'ordre du Dey d'Alger d'alors, les hommes composèrent et chantèrent. Ils ont dit, les Arabes :
- Ils ont dit :
- Nous ne donnerons ni Salah ni sa fortune
- Nous ne le combattrons point non plus
- Dussent les têtes tomber sur les têtes, etc.

Salah Bey de Constantine, ce Turc né à Smyrne, l'actuel Izmir, alors janissaire, impressionna par sa bravoure au combat le Bey Ahmed Bey El Colli en 1756 durant la campagne contre Tunis, qui le nomma au retour Caïd des Harractas. Il en fit par la suite son gendre en lui faisant épouser sa propre fille. Pour enfin le désigner en qualité de Khalifa, son successeur à la tête du Beylik. A la mort d'Ahmed Bey El-Colli en 1771 et pour juguler les soulèvements tribaux dans le Constantinois, le Dey Pacha Mehemet Ben Osmane - 1766-1791 -, qui avait un sens aigu de l'Etat et des affaires publiques, donna à la régence d'Alger un rang considérablement prépondérant et un large rayon d'emprise sur tout le trafic maritime du Bassin méditerranéen. Il nomma l'énergique et résolu Salah au poste de Bey de l'Est.
Selon ce qui nous est parvenu, Salah Bey rendit le Beylik prospère et le peuple vécut heureux sous son règne. De par sa stature, il était respecté et écouté par le Dey d'Alger. Il avait aussi une grande influence sur les beys de la dynastie des Husseinides de Tunisie de son époque. Bâtisseur, il créa dans la banlieue de Constantine, à El-Hama, des vergers et des maraîchages. Il fonça des puits et construisit des norias - na'ouras -pour encourager la culture du riz . A Annaba, il fit creuser des canaux pour drainer les eaux saumâtres et stagnantes qui firent place à d'immenses plaines cultivables. Des concessions furent alors accordées pour la construction de moulins à grains.
Au sud de Constantine, sur la route de Batna, les plaines de Aïn M'lila furent également concédées et chaque famille eut son terrain à cultiver. Il fit venir un architecte minorquin mahonais nommé Bartholoméo, qu'il chargea d'étudier, de concevoir et de superviser les travaux de construction du pont d'El-Kantara. Il ordonna l'édification des mosquées de Sidi El-Kettani en 1775 et de Sidi Lakhdar. Tolérant, il permit aux juifs de Constantine de former sur leur demande un quartier en leur concédant des terrains sous condition d'y construire des maisons sans se ghettoïser.

Il organisa l'enseignement à travers tout le Beylik, qu'il fit financer par les revenus des biens habous dont il avait réalisé un recensement exhaustif. Le fonctionnement des médersas fut sous son règne réglementé de la sorte :
La structure d'une médersa se composait :
1- du Mesjed, comportant une salle de prière et une salle de cours.
2- de cinq salles : une affectée au logement du cheikh-professeur et quatre salles réservées à l'internat des tolba-étudiants à raison de deux étudiants par salle. Tous les étudiants percevaient une bourse d'étude. La connaissance parfaite et par cœur du Coran était prérequise à l'admission des tolba dans les médersas. Aucune distinction n'était faite entre citadins et ruraux, de rite malékite ou de rite hanafite. Les étudiants devaient aussi être célibataires. Les cours étaient organisés en trois séances quotidiennes :
- La première du lever du jour, après la prière du Fajr, jusqu'à onze heures.
- La seconde dispensée de la prière du Dohr à la prière du Acer.
- La dernière, après une courte pause, jusqu'à la prière du Maghreb.
Les congés durant une année d'étude ne devaient en aucun cas dépasser 30 jours : généralement à l'Aïd El-Fitr et à l'Aïd El-Adha. Les tolba dont la progression scolaire était lente sur une période de 10 ans étaient exclus et remplacés par d'autres.
3- d'une meidha pour les ablutions.
Chaque médersa était gérée financièrement par un oukil-économe et entretenue par un portier-factotum, chargé également des lustres de la salle des prières.

Cet excellent organisateur était aussi un fin stratège de guerre et un valeureux combattant. Il avait souvent accordé asile et fait accueil honorable aux tribus de l'Ouest tunisien qui se soustrayaient à l'autorité du Bey de Tunis, telles les Hemmama et les Ouled Ayar, dont des familles devenues depuis algériennes sont installées aujourd'hui dans l'est et au sud de la wilaya de Souk-Ahras. Il régla et pour longtemps, lors d'une expédition dans le Sahara, le sempiternel conflit de leadership qui opposait les Bengana et les Bouakkaz dans les Ziban. Lors de cette campagne, il mit en place un système équitable de répartition des eaux d'irrigation entre les palmeraies.
En 1775, et face à la menace espagnole sur Alger, il leva une armée de 20.000 hommes qu'il mena après une longue marche jusqu'entre les oueds El-Harrach et El-Hamiz . A partir de cette position, il protégea le flanc est de l'armée levée par le Dey-Pacha Mehemet Ben Osmane. Au moment le plus ardent de la bataille, il fit avancer ses hommes derrière des dromadaires qui leur servaient de protection. Par cette tactique, il contraignit ses ennemis à battre en retraite et à rejoindre, vaincus, leurs galères avec d'importantes pertes, pour cingler vers le large jusqu'à Alicante.
Le Dey-Pacha Mehemet Ben Osmane, qui mourut en 1791, selon Ahmed Tewfiq El-Madani, n'eut jamais recours aux médecins durant toute sa vie et ne prit aucun médicament, se contentant de s'abstenir de manger, ne prenant que de l'eau jusqu'à la guérison. Et parce que, rapporte-t-on, Salah Bey faisait face à l'opposition de nombreux chefs religieux qu'il avait réprimés, avant de s'attaquer à la riche zaouïa de Sidi-Abid des Hannencha. Il fut, disait-on, par eux maudit. Parce qu'il fut atteint par leur malédiction, le nouveau Dey-Pacha Hassan (1791-1798) le destitua et nomma pour le remplacer un de ses proches : Ibrahim Bey Bou-Seba'a. Ne l'entendant pas de cette oreille et encouragé par le peuple du Beylik, Salah-Bey se rebella et mit à mort son successeur en la faisant étrangler. Ibrahim Bey Bou-Seba'a régna trois jours : ce fut le règne le plus court de l'histoire du Beylik de l'Est. Il ne se laissa guère démonter ni par cette désobéissance brutale ni par la mobilisation insurrectionnelle du peuple de Constantine qui chantait déjà : «Nous ne donnerons ni Salah ni sa fortune».
Hassan Dey Pacha nomma et fit escorter jusqu'à Constantine un autre de ses proches : Hossein Bey Ben-Hossein Bey Bou-H'nak. Devant une pression intenable et probablement trahi par certains des siens achetés ou corrompus, Salah Bey fut capturé et mis à mort par strangulation par son successeur. La fin tragique et tumultueuse de Salah Bey affligea les hommes et les femmes qui, elles, choisirent librement de porter désormais la m'laya en signe de deuil tenace, ferme et obstiné. Depuis lors, cet habit couleur de deuil est porté beaucoup plus par les citadines de l'Est que par les rurales, qui, elles, ne l'utilisaient que rarement, quand elles se rendent en ville justement. Sinon, elles mettent la melehfa, en tissu de coton fleuri, dont elles s'enveloppent le corps. Plusieurs tableaux de Nasr -Eddine-Etienne Dinet les représentent en cet habit, notamment «Femmes algériennes» et «La nuit du Mouloud».

Pour les nouvelles mariées, il est de mauvais augure de mettre une m'laya dans le trousseau (Choura) de la mariée que forment les plus fins tissus, les plus beaux vêtements, les plus chics habits et les plus belles parures glanées une à une et conservées jalousement par toutes les mères jusqu'au mariage de leurs filles. La m'laya n'est achetée que bien tard après le mariage.
Elle est remplacée dans le trousseau de la future mariée par le haïk, ou sefsari, fait de laine très fine ou de fils de soie écrus pour les meilleurs et les plus chers. D'ailleurs, dans les villes de l'Est, jusqu'à récemment, quand les femmes allaient au hammam en haïk de sortie, cela dénotait leur état de nouvelle mariée (aroussa). Notamment par deux fois : la première est dite celle du hammam el-khaloua : c'est-à-dire le bain en solitaire, où la future mariée est seule dans une cabine à l'intérieur même de la salle chaude du hammam, pour sa toilette intime.
Ces cabines existent encore de nos jours dans les hammams. Ce bain a lieu entre 2 à 3 journées avant la nuit de noces. Certaines y retournent la veille de la nuit de noces pour un hammam dénommé tachlila, mot à mot : se doucher rapidement d'eau en cascade. Ce qui l'oppose au hammam complet qui, lui, consiste en un lavement entier du corps. D'abord deux à trois fois au savon et au khzam : une filasse obtenue à partir de chanvre textile traité, ou à partir d'une sorte de calebasse également séchée et traitée, pour dégraisser la peau et libérer les pores.
Ensuite, vient la phase du frottement du corps avec la kassa, faite d'une toile de laine tissée très serrée, généralement de couleur noire. Présentement, les kassas sont faites en divers tissus synthétiques, surtout en nylon, pour désencrasser la peau et la préparer à recevoir le dernier lavement au savon parfumé et le massage. C'était avant l'apparition du gel douche. Les cheveux, eux, subissent un traitement particulier : après un lavement anciennement au savon, et depuis au shampoing, (soit au tfal : une argile diluée en boue, traitante et adoucissante employée en masque sur la peau et les cheveux). Sinon, ces derniers sont traités au henné.
La seconde fois, c'est celle du hammam El-Atria : c'est le bain de l'imprégnation d'odeurs agréables et de bonnes senteurs. Ce hammam a lieu pareillement en haïk blanc, mais 20 jours après la nuit de noces. C'est la première sortie de la nouvelle mariée du domicile conjugal. C'est surtout l'occasion pour la famille de la mariée d'inviter à déjeuner avec leur fille la nouvelle belle famille, pour faire plus ample connaissance et renforcer l'alliance naissante.

A son avènement, la m'laya ne comportait aucune couture. Mais par commodité et nécessité, elle fut cousue en son bas en forme de jupe. En son haut, furent aussi cousus deux rubans de la même toile qui servent à nouer la m'laya autour de la tête.
A l'adoption de cet habit noir de sortie par les femmes de l'Est - cela ne s'est pas fait en un jour -, le visage fut couvert d'un foulard en tissu léger de couleur sombre, terne, noir, marron foncé mais diaphane. Ce foulard – maharma - fut conservé par les femmes rurales de l'Est jusqu'à l'indépendance. Alors que les citadines avaient adopté, pour se couvrir le visage, une voilette blanche ou écrue faite en tissu de percale, ou percaline, sinon en soie de Tussor pour celles de qualité, les plus élégantes et les plus chères aussi. Elle peut être finement brodée ou simplement ornée de guipure : le adjar. Il peut être court, comme il peut être long, renseignant alors que celle qui le porte est une femme âgée. Mais cette règle n'est pas toujours respectée. Mais dans les deux cas, il laisse apparaître les yeux, souvent avec habileté et délicatement cernés de k'hol à l'aide d'un stylet - le meroued -, fait de bois noble, de cuivre, d'os ou d'ivoire pour les plus distinguées. Les sourcils sont, eux, esthétiquement épilés en forme de noune, le N de la langue arabe. Celles parmi les femmes de l'Est qui veulent faire les coquettes laissent prendre des deux côtés une mèche de cheveux sortant de dessous le haut de la m'laya, qui parcourt la partie du cou qui descend de l'oreille jusqu'à la clavicule. Cet espace est appelé en arabe Salef, ou Soualef au pluriel, que décrivent et chantent les qaçaïd du malouf et du chaabi. Les coquettes laissent parfois voir également par provocation gestuelle codée, quand elles sortent, leurs chevilles de dessous la m'laya.
Elles sont alors l'objet de fantasmes tus ou déclinés en poèmes et chansons. Qui ne se souvient du regretté cheïkh Hassen Aouchal El-Annabi chanter : «Bonjour et bonsoir à toi, O, celle à la jambe gracieuse. Dieu te ramènera à lui» («S'bah el-kheir alik, ems elkheir alik, ya moulette essak edhrif. Allah itoub alik»).

Les sorties de femmes n'étaient pas courantes avant l'indépendance. D'ailleurs, un adage machiste bien de chez nous dit que la femme sort deux fois de chez elle : la première, du domicile paternel à celui de son mari, et la deuxième fois, de ce dernier au cimetière. Donc, la m'laya se conservait une vie durant, puisque peu utilisée. Et quand il arrivait qu'elle perde de sa couleur, le teinturier, entendu au sens premier, lui redonnait son éclat en plongeant la toile, préalablement identifiée par un jeton de bronze numéroté, dans un chaudron de cuivre encastré dans un socle construit en dur, sous lequel brûle un foyer de bois de pin d'Alep ou de genévrier, dans un mélange d'eau et de poudre de teinte noire dont lui seul connaît le dosage : un secret de métier.

La m'laya exhale aussi les fragrances du corps de sa propriétaire, que les initiés devinent au détour d'une rencontre furtive, imprévue et inattendue. Pour ceux qui ne sont pas avertis, la beauté, le charme, la grâce et l'attrait fuyants d'une telle rencontre demeurent énigmes et mystères. Ces effluves évanescentes ont pour origine la combinaison experte et habile d'arômes, d'essences, de pigments, donnant au final un bouquet paisible, suave et exaltant. Ces mixtures odoriférantes de graines, de plantes, de feuilles, de racines et de minéraux font aussi des cosmétiques, des médications et des bijoux. Le k'hol, ce cosmétique qui cerne, rehausse les yeux et en fait un point de fixation au-dessus du adjar, est fait à base de sulfates de cuivre - toutia -, d'alun, de carbonates de cuivre, de clous de girofle et de sulfates naturels d'antimoine savamment dosés.
Le skhab, ce bijou qui ceint le cou et pend sur la poitrine des femmes, est un collier de grains ouvrés en forme pyramidale faits à base de pâte grasse de clous de girofle, ou tib : c'est le bouton floral séché du giroflier, un arbre originaire de l'Insulinde et surtout de l'île de Zanzibar, dont les propriétés de l'essence sont aromatiques, antiseptiques et particulièrement antalgiques dentaires. Toute cette préparation est mélangée à de l'ambre. Cette autre substance merveilleuse et singulière parce que provenant de la concrétion intestinale du cachalot, mais aussi fameuse car elle peut provenir de résines fossilisées d'origine végétale. Et enfin, et c'est dommage pour le mystère, la légende et le romanesque, puisqu'elle peut être produite en parfums synthétiques.
Mélangées à d'autres épices selon les goûts et à de l'alun qui sert de liant et de durcisseur, les graines sont alors montées en rangées de trois ou quatre tresses sur un fil en coton cordonné et durci à la cire d'abeille, avant que le fil de nylon fin de pêche ne soit utilisé. Après le montage de chaque graine, un nœud simple est pratiqué pour la fixer et rendre souple le bijou. Des broches en or, finement ciselées en filigrane, de forme oblongue, sont placées pour l'élégance et la richesse, en alternance régulière, sur les tresses de graines, appelées haska, par comparaison au fruit séché du chardon chausse-trape - bounaggar -, qui s'attaque à la laine des moutons et aux habits.
Le skhab est une parure de cérémonie agrémentée d'un pendentif en forme de poire, «l'anzassa», fait d'or fin et d'ivoire, dont s'ornent et s'embellissent les femmes lors des fêtes, des mariages surtout. L'odeur du bijou se répand, s'étale et déteint alors sur les habits et sur la m'laya d'une façon quasi indélébile. Plusieurs femmes reconnaissent leur m'laya à l'odeur laissée par leur skhab. La manifestation de l'appartenance se fait par l'olfaction.

Au fil du temps, plusieurs événements ont interféré dans l'histoire du port de la mlaya. Particulièrement deux :
1- On attribue le recours au port de la mlaya par les femmes de l'Est à l'occupation du Beylik de l'Est par l'armée coloniale française, et la défaite de Hadj Ahmed Bey, dernier bey de Constantine - 1826-1837 - mais aussi le plus connu. Il combattit les armées colonialistes françaises jusqu'à 1837, à partir de Constantine et de Annaba. Et jusqu'à 1849, il leur mena la vie dure, des Aurès aux portes du Sud. C'était un kouroughli, sa mère, El-Hadj Raqia, était une Bengana de Biskra. Il se proclama pacha et se considéra dey après la capitulation de Hussein Dey le 3 juillet 1830. Il se choisit un drapeau et frappa une monnaie. Son aura de dernier chef de guerre, résistant dans l'Est à l'occupation française, le fit se confondre dans l'imaginaire populaire collectif avec Salah Bey. Au-delà des vérités historiques immuables, cela donne plus de saveur à l'histoire de la mlaya.
2- Le deuxième événement auquel le port de la mlaya est rattaché a trait au deuil des assassinats et tueries perpétrés par les colons, l'armée et la police françaises à partir du 8 mai 1945, sur des civils algériens à Sétif, Kherrata, Guelma et ailleurs dans l'Est. Néanmoins si, pour ce dernier événement, l'anachronisme historique entre les faits de 1945 et le port de la mlaya est caractérisé, ces massacres renforcèrent le recours au port de cet habit de sortie. D'ailleurs à toutes les époques, il y a eu dans l'Est du pays des événements beaucoup plus à tort qu'à raison, qui ont entretenu le retour à la mode du port de la mlaya.
Mais ces événements historiques, intervenus bien après la mort de Salah Bey et n'ayant aucun rapport avec le personnage, ont-ils vraiment un lien direct avec le port de cet habit de sortie ? Ou bien ont-ils été prétextés par les hommes comme support d'exacerbation du deuil et de ses prétendus signes, pour maintenir les femmes voilées, couvertes et soustraites aux regards des autres hommes ? Si au départ, la mlaya fut un choix de femmes qui se sont assumées, le temps et des préjugés firent que les hommes décident depuis pour elles. Dans l'absolu, l'être humain cache ce dont il a honte, par rapport aux canons du comportement établis par d'autres hommes. En couvrant les femmes, tout en prétextant les protéger, les hommes extériorisent et montrent en réalité leur impuissance, leur vulnérabilité et leur peur d'être frustrés. D'ailleurs, une pudeur non justifiée mais manifeste jusqu'à nos jours empêche certains d'entre eux de prononcer le nom de leur mère ou celui de leur femme, notamment en public.

Fortes de leur féminité et opiniâtres comme elles savent l'être, les femmes de l'Est laissèrent à un moment tomber la mlaya lors de leurs sorties. Comment cela est-il arrivé ?
L'urbanisation des villes de l'Est a nécessairement imposé l'urbanité de la vie qui s'y déroule. Par ailleurs, des apports de modes de vie externes, et des sujétions à des impératifs dictés par la conjoncture d'après colonisation avaient interféré. La colonisation en concours avec certains commandements des «temps modernes» avait également restructuré l'organisation sociale des Algériens.
Jusqu'au début du 20e siècle, la ville n'occupait pas une place importante dans la vie des Algériens. Le travail, l'activité et la force de travail se concentraient dans les campagnes. C'était la société agricole anté-industrielle : la campagne était le centre d'intérêt des populations. Après 1900 et malgré l'appauvrissement quasi général de la population algérienne, il y a eu dans les villes l'apparition d'une relative bourgeoisie autochtone et d'une élite locale. Et selon Charles Robert Ageron, «les H'dar, ou Beldyia, étaient les fidèles dépositaires des traditions de la vieille civilisation andalouse, ce sont les mainteneurs de l'Algérie du passé. Les laudateurs des temps révolus, profondément religieux, ils défendaient l'Islam et imposaient les strictes prescriptions coraniques, comme ils les comprenaient. Ils s'opposaient aux innovations modernes et à l'égalitarisme niveleur français à la politique d'assimilation et à l'instruction française».
Paradoxalement, c'est de cette matrice conservatrice que va naître une nouvelle génération peu regardante sur la pratique religieuse, s'instruisant et s' info rmant sur des supports en français, livres, journaux et périodiques. Cette génération va discrètement européaniser sa façon de vivre et particulièrement ses idées. Ce qui constituait au regard des membres de leurs propres familles, demeurées rigoristes, des innovations blâmables: des Bida'a. De cette bourgeoisie et de cette élite, vont émaner aghas, bachaghas, caïds, délégués financiers, officiers de l'armée française, interprètes, conseillers généraux, médecins, avocats, cadis ou muftis qui auront bon gré, mal gré, accepté de franciser leurs familles individualisées. Ce sont alors les premières filles allant à l'école française, au primaire, au lycée et jusqu'à la faculté. Ce seront les premières institutrices, les premières infirmières, et les premières secrétaires. A la moitié du 20e siècle, la plupart des familles citadines et certaines familles rurales avaient accepté, parfois sans avoir le choix, d'envoyer leurs filles à l'école française. Cette dernière institution étant considérée comme le cadre d'une éducation adaptée au temps ; un lieu de savoir, de formation, d'instruction, d'enseignement, de savoir-vivre, d'éducation physique et sportive et de discipline. L'école moderne, par opposition à l'école coranique qui n'avait pas beaucoup à offrir en matière d'échanges pour affronter la modernité et ses impératifs, était surtout regardée comme le passage obligé pour la promotion sociale de tous, et des filles en particulier. Et on n'allait pas à l'école moderne voilée. D'ailleurs les filles qui fréquentaient à partir des années 40 les medersas du Cheikh Abdelhamid Benbadis y allaient aussi non voilées.
D'un autre côté, la timide industrialisation de l'Algérie et la création d'activités de services allaient appeler l'emploi d'une main-d'oeuvre féminine. Les travailleuses étaient issues des milieux sociaux pauvres, ou appauvris par la colonisation. L'emploi de la main-d'oeuvre féminine débuta également avec le 20e siècle. Les femmes algériennes étaient 1.520 en 1902, 7.533 en 1905, 21.397 en 1911 et 25.811 en 1924 à sortir travailler, sur une population autochtone estimée en ces périodes à entre 4 et 6 millions d'habitants. Elles étaient chiffonnières, travaillant dans des ateliers de triage de chiffons, elles étaient aussi femmes de ménage ou domestiques sinon ouvrières d'industries. Même si les ouvrières allaient, au début, au travail voilées, elles n'allaient pas tarder à ôter la mlaya à l'Est, du moins, cet habit de sortie ne véhiculait plus les valeurs dont les hommes l'avaient chargé.

A partir des années 1930, les Algériennes des villes découvrent les films, les journaux et les revues des pays arabes du Moyen-Orient, notamment égyptiens. Elles y voient des femmes arabes, et toutes considérées peut-être à tort comme musulmanes, habillées à l'européenne, et les cheveux libres. Oum Kaltoum - Fatima Ibrahim de son vrai nom - pour ne prendre que la plus célèbre d'entre elles, apparaît habillée à l'occidentale, cheveux libres et bien coiffés, dans Widad, l'esclave chanteuse, film de 1936, également en 1937 dans Nachid Al Amal. Comme se présentera devant le public l'autre star en 1938, Leïla Mourad, dans le film Yahia El-Hob. Et pour les Maghrébins en général et les Algériens en particulier, tout ce qui vient de l'Orient arabe est indûment sacralisé, et est censé être plus proche de la source et de l'originel. Ceci est valable pour tous les domaines. Les Algériennes firent aussi comme les femmes arabes orientales, elles occidentalisèrent leurs tenues de sortie, et abandonnèrent mlaya, haïk, etc. Durant la guerre de libération, les femmes combattantes de la liberté qui se sont battues à l'Est, comme toutes les héroïnes de la révolution, se sont habillées en treillis de combat, les cheveux soigneusement coupés sinon proprement noués en queue de cheval. Elles étaient fières, ces femmes. Dès 1970, la politique économique adoptée offrit beaucoup de postes de travail aux femmes, dans tous les secteurs, et celles-ci travaillaient dévoilées, elles étaient parfois plus efficaces, au même poste de travail, que leurs collègues masculins. Les années 1990 allaient voir l'importation, également d'Orient, d'autres façons de s'habiller pour les femmes, lors de leurs sorties. Et la gamme de choix de cette introduction est très variée. Les rues de nos villes grouillent, depuis, d'habits de sortie divers et hétéroclites : afghans, pakistanais, séoudiens, syriens, égyptiens, turcs, rarement algériens, et presque plus d'habits considérés comme universels.
Les facteurs de nuisance et de dangerosité à la cohésion d'une société, ainsi qu'à l'intelligence du vivre ensemble, sont la propagation d'idées qui altèrent la vérité et l'entretien volontaire d'amalgames fallacieux entre par exemple le domaine du confessionnel, d'une part, et d'une autre les acquis, les héritages, les traditions et les usages vestimentaires autochtones ou introduits, qui perturbent, désemparent et culpabilisent injustement des hommes et des femmes. Car depuis quand l'habit tout court, et l'habit de sortie en l'occurrence, décide-t-il de la volonté, de l'éthique, de la vertu et de la piété d'un être humain ?
Hommage est ici rendu à toutes les femmes qui l'avaient compris pour ne pas s'être encombrées, ni de vêtements de sortie prétendument normatifs, ni des préjugés qui leur servent de socle, dans leur combat de conquête de la liberté pour l'Algérie : de Fatma N'soumer à Hassiba Ben Bouali et toutes les héroïnes, célèbres ou inconnues. A Baggar Hadda, Ouarda El-Djazaïria, pour avoir dit et chanté l'espoir, et toutes les autres. A Hassiba Boulmerka et Nouria Benida Merrah et toutes les autres, pour avoir donné de la fierté aux Algériens. Et enfin à toutes les femmes algériennes anonymes qui ont défait le terrorisme. Et avec la nostalgie des senteurs d'antan qui ont déserté nos rues. Je cite, la traduction du 26e verset de la soura El A'araf, par Cheikh Hamza Boubakeur, ainsi faite : «O fils d'Adam ! nous vous avons dotés de vêtements pour couvrir votre sexe et de parures. (Mais) la piété est le meilleur vêtement. C'est là un des signes de Dieu. Peut-être s'en souviendront-ils».

Je terminai par dire que si toutes les confessions se veulent universelles, l'habit, lui, est géographiquement et historiquement communautaire. Comme la culture est, elle, locale. La mlaya est culturellement née dans l'Est de l'Algérie. C'est un habit de sortie lié à un événement historique précis et fixé par les usages pareillement au haïk, au sefsari ou à la melehfa, etc. Et comme tous les usages, ils sont évolutifs.
Avec le temps, ils se perdent et sont supplantés par d'autres. Mais alors pourquoi est-il infligé à nos femmes, sans questionnement aucun, d'adopter des vêtements de sortie nés culturellement ailleurs ?

ABDELKADER KELKEL

Le Quotidien d'Oran - 26 et 27 mars 2006

Bibliographie :
- Mahfoud Kaddache : L'Algérie Des Algériens - IDIF 2000.
- Charles Robert Ageron : Les Algériens Musulmans Et La France - Editions PUF.

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Un correspondant m'a fait part d'une autre origine de la m'laya, je vous la livre sans bien sûr trancher le débat.

"J'ai entendu une autre version et ceci de la bouche de pas mal d'intellectuels constantinois et d'autres que la M'Laya a été, et ce depuis la période des Fatimides, l'habit des Constantinoises.
Les Fatimides ont formé une dynastie arabo-berbère chiite musulmane originaire de Ikdjane dans l'actuelle wilaya de Sétif en Algérie qui fut sa première capitale (d'après Wikipédia...).
Donc la M'Laya était plus tôt une sorte de voile musulman mais chiite et si vous vous référez à la femme iranienne par exemple, il n'y a pas une grande différence entre les deux habits à part ce Adjar que les Constantinoises mettaient sur le visage pour ne montrer que leurs yeux ..."

Fari Maou : fi_fifa_fa@hotmail.fr

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Algérie 360° - 12 juillet 2023

Vers le classement de l'habit traditionnel de l'est algérien au patrimoine de l'UNESCO ?

L'Algérie dépose une demande de classification du costume traditionnel de l'est algérien et de genres musicaux algériens auprès de l'UNESCO.

La ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, a annoncé que le dossier concernant le costume traditionnel de l'est algérien avait été déposé auprès de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Elle accueillera également d'autres dossiers visant à classer différents genres musicaux algériens dans le cadre du patrimoine musical national.

La demande de classification du costume traditionnel de l'est algérien vise à le faire reconnaître en tant que patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'UNESCO . Ce costume, riche en couleurs et en motifs, est porté lors de célébrations et d'événements traditionnels dans la région de l'est algérien. Il représente un élément important de l'identité culturelle de la région et témoigne des traditions et du savoir-faire artisanal locaux.

De plus, l'Algérie souhaite également promouvoir et préserver son patrimoine musical. La classification de certains genres musicaux algériens dans le patrimoine musical national permettra de les protéger et de les promouvoir à l'échelle internationale. Le malouf, musique traditionnelle de Constantine, est l'un de ces genres musicaux emblématiques de l'Algérie. Il est caractérisé par l'utilisation d'instruments traditionnels tels que le luth, le violon et le tambourin.

La valorisation du patrimoine culturel et immatériel, une responsabilité partagée

En outre, valoriser le patrimoine culturel et immatériel de l'Algérie est une responsabilité partagée entre le gouvernement, les institutions culturelles et la société dans son ensemble. Il est essentiel de sensibiliser la population à l'importance de préserver et de promouvoir ce patrimoine, tant sur le plan national qu'international. La classification par l'UNESCO est une reconnaissance internationale de la valeur de ces expressions culturelles et permettra de renforcer leur visibilité et leur protection.

Il est à noter que c'est lors d'une rencontre avec les journalistes après avoir présidé l'ouverture officielle du onzième Festival international du malouf à Constantine, Soraya Mouloudji a souligné l'importance de préserver les différentes expressions musicales algériennes et a considéré cela comme un devoir.

Elle a mentionné que, après six ans d'arrêt, « l'événement revient cette année pour animer la scène culturelle de Constantine », sous le thème « Le malouf, forteresse de Constantine et son éternelle école ». La ministre a ajouté que l'une des objectifs de l'organisation de ce festival est de « transmettre cet héritage musical ancestral aux jeunes générations », soulignant que le ministère de la Culture et des Arts vise, à travers cet événement, à « redonner sa valeur et valoriser le patrimoine culturel, matériel et immatériel ».

Ania Boumaza


El Watan - 14 avril 2023

Deuxième édition de la journée de la m'laya à Constantine : Un défilé de charme à la vieille ville

C'était juste charmant. Des femmes de toutes les catégories d'âge portant la célèbre m'laya ont sillonné avec grâce, fierté et élégance les artères de la vieille ville de Constantine par une belle journée du mois de mai. 

De nombreux passants et habitants de ces quartiers se sont arrêtés pour un moment, juste pour contempler avec nostalgie la magnificence d'une restitution de cet habit traditionnel de sortie des femmes constantinoises. «C'est une belle initiative à perpétuer et prendre comme exemple afin de faire connaitre nos traditions à la jeune génération», a confié un passant au quartier de La Casbah. «Cela me rappelle mon enfance et ma mère qui portait la mlaya quand elle va visiter sa famille, j'ai larmes aux yeux», avoue une dame à la rue du 19 juin 1965. 

Ce sont quelques témoignages recueillis auprès de femmes et d'hommes rencontrés lors de la sortie dédiée à ce fameux habit traditionnel féminin, intitulée «Journée de la mlaya», organisé dans l'après-midi de mercredi dernier, par le Musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles au  palais Ahmed Bey. Femmes âgées, jeunes filles et fillettes, la gent féminine était présente en force à ce rendez-vous pour célébrer l'une des belles particularités du patrimoine algérien. 

Durant les préparatifs entamés au Palais du Bey, juste avant la sortie, elles étaient toutes attentives aux explications, soit des connaisseurs ou des femmes de l'ancienne génération sur les techniques du port de la m'laya. 

«C'est de l'art, finalement ce n'est pas donné à tout le monde», a révélé une jeune fille venue pour la première fois y prendre part. La touche magique était la présence des hommes en habit traditionnel et surtout l'implication passionnante des fillettes dans cette ambiance. Elles aimaient se poser avec fierté en m'laya devant les appareils des caméramans et des journalistes. Des citoyens venus d'autres régions, dont des étudiants, ont également participé à cet apparat traversant des quartiers de la vieille ville, afin de donner plus de couleurs et de charme aux éléments traditionnels de ce merveilleux tableau. 

Des traditions à faire sortir de l'oubli  

Parti du Palais du bey, le convoi est passé par la rue El Qods, pour rejoindre la rue Si Abdellah Bouhroum, puis le boulevard Zighoud Youcef (ex-Boulevard de l'Abîme) pour revenir au quartier de la Casbah. «Nous avons voulu adopter un autre itinéraire pour faire connaitre tous les quartiers de la vieille ville de Constantine», a déclaré un des participants. A partir de La Casbah, les femmes en m'laya ont défilé sur la rue du 12 Mai 1956, puis la rue du 19 Juin 1965, pour entrer à Rahbet Essouf avant d'arriver à la placette Sidi Djeliss, sous les youyous des femmes. 

Sur les lieux, les photographes se sont donné le plaisir de prendre des souvenirs de ces femmes en m'laya devant la célèbre fontaine de Sidi Djeliss. Des riverains ont eu l'amabilité d'ouvrir les portes de leurs maisons pour des photos souvenir dans un décor convivial. «J'avais toujours porté la m'laya, pour certaines occasions nationales ou même lors des deuils. 

C'est une partie de notre histoire qu'il ne faut pas rejeter, mais plutôt admirer», a déclaré Fatima, une retraitée de la SNTF, ayant participé au défilé. Pour sa part, la directrice du Musée national des arts et des expressions culturelles traditionnelles - Palais Ahmed Bey, Meriem Guebaïlia, a insisté sur la nécessité de ressusciter ce costume aux dimensions patrimoniales, sociales, identitaires et surtout historiques. Selon ses dires, la m'laya ne peut être considérée comme un simple habit. 

C'est un symbole de résistance au colonialisme et surtout un moyen de militantisme. Les femmes algériennes avaient participé à la révolution en transportant des armes, des médicaments et des aides aux moudjahidine sous la m'laya. Cette dernière était une arme de lutte. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi le 8 mai pour célébrer cette journée à l'occasion du Mois du patrimoine et de la commémoration de la sanglante Journée de la mémoire. 

«Cela aussi pour rappeler les massacres de Kherrata, Sétif et Guelma, où les femmes sont sorties manifester en m'laya, et pour dire qu'il s'agit d'un patrimoine national qu'il faut préserver, protéger et transmettre d'une génération à une autre», a souligné Mme Guebaïlia. Et de poursuivre que des événements traditionnels ou autres seront organisés après le défilé dans les prochaines éditions. «L'année écoulée, nous avions projeté un documentaire sur ce costume et avions organisé des conférences animées par des chercheurs et des historiens algériens. J'appelle à chercher dans notre histoire, qui est très riche», a-t-elle ajouté. Pour l'édition de cette année, le défilé s'est achevé avec la tradition constantinoise «Qahwet El Asser» (le café de la fin d'après-midi). 

Le palais du bey a abrité la reconstitution de l'ambiance de ces femmes qui se rendaient chaque jour prendre le café chez une voisine et passer des moments de convivialité autour d'une table garnie de gâteaux.

Yousra Salem   


APS - 26 janvier 2022

Constantine: 1ère édition en mai prochain de "La Journée de la m'laya constantinoise"

CONSTANTINE - Le musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles palais Ahmed-Bey de Constantine a lancé un appel aux artisans, couturiers et photographes pour participer à la première édition de "La journée de la m'laya constantinoise" prévue le 7 mai prochain, a-t-on appris mardi de la directrice du musée Meriem Guebailia.

"La journée de la m'laya constantinoise" ambitionne de ressusciter un habit aux dimensions sociale, identitaire, sociologique, historique, symbole de résistance au colonialisme et de redécouvrir un pan de notre patrimoine immatériel, d'où l'appel aux artisans et artistes à participer pour présenter la m'laya sous toutes ses coutures", a précisé à l'APS la même responsable.

Un délai a été fixé entre le 23 janvier courant et le 20 mars prochain pour la remise des travaux concourant à la meilleure m'laya cousue et la meilleure photo de m'laya, a-t-elle souligné, relevant qu'artisans, couturiers, associations versés dans la culture et le patrimoine et photographes sont invités à participer à cette première édition de "La journée de la m'laya constantinoise".

Mme Guebailia a ajouté que "l'événement vise à attiser la curiosité des uns et des autres autour de la m'laya pour redécouvrir les techniques de couture de cette longue étoffe, la particularité de son tissu, ses genres et ses accessoires, tout en encourageant les jeunes à apprendre à la coudre, à la proposer sur le marché et à l'immortaliser à travers des photos et des scènes de vie captant la grâce de cette étoffe".

Le musée Ahmed-Bey de Constantine proposera, de son côté, un documentaire qui donnera la parole aux spécialistes, historiens, sociologues, artisans, artistes et aux femmes pour retracer l'histoire de la m'laya et la différence entre les m'layas de Constantine, Guelma, Annaba et Souk Ahras, a détaillé la directrice du musée palais Ahmed Bey, soulignant que des prix distingueront la meilleure m'laya cousue et la meilleure photo.

Placée sous le slogan "Constantine, la m'laya patrimoine et récit", la première édition de "La journée de la m'laya constantinoise" proposera un atelier sur l'art de porter cette étoffe incarnant l'identité et la séduction et qui se fait aujourd'hui très rare dans les rues de Constantine.

Au cours de cet évènement, la m'laya sera remise au goût du jour à travers un défilé de jeunes filles en m'laya depuis le musée vers la Placette Ahmed-Bey, au centre-ville, a-t-on relevé.

Pour rappel, le recours au port de la m'laya par les femmes dans l'Est algérien, particulièrement à Constantine, est nourri par divers récits et légendes.

Parmi ces faits, la m'laya serait portée en signe de deuil après la mort tragique de Salah Bey, surnommé "le Bey des Beys", qui régna à Constantine durant 21 ans.

Le port de la m'laya, selon certaines versions, est lié à l'occupation du Beylik de l'Est par l'armée coloniale française, et la défaite en 1837 de Hadj Ahmed Bey, dernier Bey de Constantine.

 


Algériepatriotique - 10 mai 2022

Constantine : la M'laya remise au goût du jour lors d'un défilé


La m'laya constantinoise fait partie du patrimoine algérien. D.R.

Des jeunes filles ont défilé en M'laya, lundi à Constantine, depuis le musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles, palais Ahmed-Bey, jusqu'à la Placette Sidi Djeliss, dans la vieille ville, sous le regard tantôt admiratif, tantôt amusé des passants, dont des jeunes qui ont vu, pour la première fois, cette étoffe que portaient les Constantinoises autrefois pour sortir.

Fières, gracieuses et élancées, les jeunes filles en M'laya, dont certaines portaient des petits drapeaux à la main, se sont prêtées volontiers à des séances photos devant la fontaine, à l'intérieur de Dar Haoussa et Bernou de la confrérie de Diwan, et devant les portes antiques des maisons de Sidi Djeliss, autrefois, une place animée et cœur de la vieille ville.

Présente sur les lieux, la chef et costumière Nassira Facih, qui a initié les jeunes filles à la façon de porter la M'laya, a relevé l'importance de ce genre de manifestations pour «répandre ce patrimoine et le préserver».

De son côté, Meriem Guebailia, directrice du musée public national, palais Ahmed-Bey qui était à la tête du défilé, a assuré que cette activité vise à ressusciter «un patrimoine immatériel aux dimensions sociales et identitaires», se félicitant de l'engouement et de l'adhésion des jeunes filles.

«Depuis l'annonce de ce défilé, beaucoup de jeunes filles ont exprimé leur désir de participer au défilé en faisant leur possible pour se procurer cet habit, tandis que des associations culturelles ont tenu à appuyer la démarche en fournissant la M'laya et laâjar», a-t-elle détaillé.

Elle a également rappelé que la meilleure photo de M'laya sera récompensée dans le cadre d'un concours initié lors de la première édition de «La journée de la M'laya constantinoise».

Inscrite dans le cadre du mois du patrimoine (18 avril-18 mai), la première édition de la M'laya qui devra s'étaler jusqu'à mardi prochain, a enchaîné avec l'ouverture d'une exposition d'habits et de bijoux traditionnels de «Dar Azzi», l'une des plus anciennes et des plus réputées maisons de confection de gandouras brodées de fil d'or, medjboud et fetla.

L'événement sera clôturé par la remise de prix aux vainqueurs du concours de la meilleure M'laya cousue et de la meilleure photo, initié par le musée public national pour encourager artisans, couturiers et photographes à s'intéresser à cette étoffe et à participer à sa préservation, rapporte l'APS .

R. C.


L'Expression - 10 mai 2022

Symbole de grâce et d'authenticité
Constantine célèbre la m'laya

La première édition de «La journée de la m'laya constantinoise» s'est ouverte, samedi soir, au Musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles palais Ahmed-Bey de Constantine avec une ode à la belle étoffe, déclamée par la poétesse, Radia Gouga. De son recueil «Dhikrayate Lala Z'haira» (Souvenirs de Lala Z'haira), la poétesse, également artiste plasticienne, a récité «Hikayate El M'laya», un poème populaire du dialecte constantinois à travers lequel elle a relaté l'histoire de cet habit, symbole de grâce et d'authenticité, la manière de le porter ainsi que ses accessoires. Maniant le verbe avec art et manière, la poétesse a «dépeint» laâjar, cette voilette blanche ou écrue délicatement brodée, ou encore «la chebrela», une sorte de ballerine autrefois l'ultime accessoire des élégantes femmes constantinoises à la m'laya. Dans son histoire sur la m'laya, Radia Gouga, cristallisant un langage poétique des plus captivants, a rappelé la m'laya, citée dans l'histoire de Nedjma et le poète Djaballah dont l'histoire d'amour a été immortalisée à travers la célébrissime «El Boughi», la qacida qui inspira plusieurs chanteurs de malouf. Le poème a donné lieu à un riche débat axé sur les origines de la m'laya, et la différence entre les m'layas de Constantine, Souk Ahras, Guelma et Annaba, animé par les présents entre universitaires et étudiants. Lancée sous le slogan «Constantine, la m'laya patrimoine et récit», la première édition de «La journée de la m'laya constantinoise» a été également marquée par l'organisation d'une séance sur l'art de porter cette étoffe, patrimoine immatériel, incarnant l'identité et la séduction et qui se fait aujourd'hui très rare dans les rues de Constantine. Aussi, une exposition de tableaux et de photos présentant la m'laya sous divers angles, signés par plusieurs artistes orne les galeries du palais Ahmed Bey. Inscrite dans le cadre du Mois du patrimoine (18 avril-18 mai), la première édition de la m'laya qui devra s'étaler jusqu'à mardi prochain enchaine avec l'ouverture d'une exposition d'habits et de bijoux traditionnels de «Dar Azzi», une des plus anciennes et des plus réputées maisons de confection de gandouras brodée de fil d'or, medjboud et fetla. Un défilé de jeunes filles en m'laya depuis le musée Ahmed Bey vers la fontaine de Sidi Djeliss, dans la vieille ville est également prévu ainsi que la projection d'un documentaire, réalisé par le musée Ahmed-Bey retraçant l'histoire de la m'laya. L'événement sera clôturé par la remise de prix aux vainqueurs du concours de la meilleure m'laya cousue et la meilleure photo, initié par le Musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles, palais Ahmed-Bey pour encourager artisans, couturiers et photographes à s'intéresser à cette étoffe et à participer à la préservation de ce patrimoine immatériel.


l'Expression - 11 mai 2022

Défilé à Constantine
La M'laya remise au goût du jour

Fières, gracieuses et élancées, les jeunes filles en M'laya, dont certaines portaient des petits drapeaux à la main, se sont prêtées volontiers à des séances photos devant des lieux phares de la ville …

Des jeunes filles ont défilé en M'laya, lundi à Constantine, depuis le musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles palais Ahmed-Bey jusqu'à la placette Sidi Djeliss, dans la vieille ville, sous le regard tantôt admiratif, tantôt amusé des passants, dont des jeunes qui ont vu, pour la première fois, cette étoffe que portaient les Constantinoises autrefois pour sortir.
Le défilé, inscrit dans le cadre de la première édition de «La journée de la M'laya constantinoise», s'est ébranlé de la place Si El Haouès, où se trouve le palais Ahmed Bey avant de descendre la rue du 19 Juin et prendre un raccourci vers El Djazarine, dans la vieille ville, pour atteindre Rahbet Essouf jusqu'à la fontaine de Sidi Djeliss, accompagné d'une foule de curieux. Fières, gracieuses et élancées, les jeunes filles en M'laya, dont certaines portaient des petits drapeaux à la main, se sont prêtées volontiers à des séances photo devant la fontaine, à l'intérieur de Dar Haoussa et Bernou de la confrérie de Diwan, et devant les portes antiques des maisons de Sidi Djeliss, autrefois, une place animée et coeur de la vieille ville.
Tradition et identité
Pour Leïla, qui faisait partie des filles en M'laya (étudiantes, membres d'associations culturelles et artisanes), le défilé «a permis de renouer avec des traditions faisant partie de notre identité et de rendre hommage aux Constantinoises tout en introduisant auprès des jeunes générations cet habit qui fait partie de notre patrimoine».
Concours de la meilleure photo
Présente sur les lieux, la chef et costumière Nassira Facih, qui a initié les jeunes filles à la façon de porter la M'laya, a relevé l'importance de ce genre de manifestations pour «répandre ce patrimoine et le préserver».
De son côté, Meriem GuebaïIia, directrice du Musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles, palais Ahmed-Bey qui était à la tête du défilé, a assuré que cette activité vise à ressusciter «un patrimoine immatériel aux dimensions sociales et identitaires», se félicitant de l'engouement et de l'adhésion des jeunes filles.
«Depuis l'annonce de ce défilé, beaucoup de jeunes filles ont exprimé leur désir de participer au défilé en faisant leur possible pour se procurer cet habit, tandis que des associations culturelles ont tenu à appuyer la démarche en fournissant la M'laya et laâjar», a-t-elle détaillé. Elle a, également, rappelé que la meilleure photo de M'laya sera récompensée dans le cadre d'un concours initié lors de la première édition de «La journée de la M'laya constantinoise».
Lancée sous le slogan «Constantine, la M'laya patrimoine et récit», la première édition de «La journée de la M'laya constantinoise» a été marquée par l'organisation d'une séance sur l'art de porter cette étoffe, un patrimoine immatériel incarnant l'identité, l'élégance et qui se fait aujourd'hui très rare dans les rues de Constantine. Aussi, une exposition de tableaux et de photos présentant la M'laya sous divers angles, signés par plusieurs artistes, orne les galeries du palais Ahmed Bey. Inscrite dans le cadre du Mois du patrimoine (18 avril-18 mai), la première édition de la M'laya qui devra s'étaler jusqu'à mardi prochain, a enchaîné avec l'ouverture d'une exposition d'habits et de bijoux traditionnels de «Dar Azizi», l'une des plus anciennes et des plus réputées maisons de confection de gandouras brodées de fil d'or, medjboud et fetla.
L'événement sera clôturé par la remise de prix aux vainqueurs du concours de la meilleure M'laya cousue et de la meilleure photo, initié par le Musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles, palais Ahmed-Bey pour encourager artisans, couturiers et photographes à s'intéresser à cette étoffe et à participer à sa préservation.

 

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