Légende de Sidi-Mhammed-el-Ghrab Dans
la mechta Gourzi du douar Méïda de la commune mixte de Sédrata, se trouve
une grande famille arabe, ne comportant pas moins de cent cinquante personnes,
qui est connue sous le nom de Haddadine ( forgerons). Presque tous les
membres de cette famille sont cultivateurs; cependant, il en est quelques
uns qui exercent encore la profession de leurs ancêtres. Indépendamment
de la tradition relative au métier de forgeron exercé par Sidi-Mhammed-el-Ghrab,
de qui descendraient tous les Haddadine du douar Méïda, on raconte à
ce sujet une légende dont il fut le héros et qui lui valut le surnom
dEl-Ghrab
( le corbeau). Sidi-MHammed-el-Ghrab
exerçait le métier de forgeron sous le fameux Salah-bey, qui régna sur
Constantine de 1771 à 1825. Ce
bey était un musulman très pratiquant et doué en outre de grandes
qualités ;
il apporta de sérieuses réformes dans ladministration et construisit
de nombreuses mosquées et zaouïas pour servir de refuges aux pèlerins.
Aussi est-il encore très populaire chez tous les musulmans du département
de Constantine, et une certaine quantité de faits plus ou moins extraordinaires
lui sont attribués. Sidi
MHammed-el-Ghrab était donc un forgeron qui ne manquait pas dhabileté.
Un jour, ayant réussi à se procurer de la poudre dor, il en vendit
un peu à un juif de sa connaissance. Le
juif ayant avisé le bey Salah de son acquisition, ce dernier désira aussitôt
sapproprier à bon compte le précieux métal possédé par Sidi-MHammed-el-Ghrab.
Pour cela il résolut simplement de faire disparaître Sidi MHammed
en lenfermant dans un sac et en le précipitant, tout comme les femmes
adultères, du Kef Chekara (Rocher du Sac) dans le Rummel. Sidi-MHammed
qui avait pris le titre de marabout et jouissait déjà dune certaine
notoriété, demanda au bey de lui laisser au moins une main libre dans
laquelle il tiendrait son bâton. Cette demande accueillie favorablement
par le bey, Sidi MHammed fut alors introduit dans un sac, ayant
seulement au dehors une main tenant un bâton. Les bourreaux turcs le projetèrent
du haut du Kef Chekara dans le vide; mais à ce moment on aperçut, sortant
du sac, un corbeau qui senfuit dun vol rapide: cétait
Sidi-MHammed qui, par son pouvoir de magicien, avait réussi à se
transformer en corbeau. Le
corbeau, après avoir franchi une distance de six kilomètres, sarrêta,
et Sidi-MHammed reprit alors sa première forme. Il frappa ensuite
le sol de son bâton et un palmier poussa subitement. Salah-bey,
ayant appris la transformation de Sidi MHammed et le miracle du
palmier, voulut voir le fameux marabout. Il le fit venir dans son palais
et lui demanda de lui démontrer sa puissance magique. Sidi-MHammed
ne se fit pas prier et ayant touché le bey de sa baguette, ce dernier
fut immédiatement transformé en femme et, quelques instants après, il
reprenait son état primitif. Salah-bey enthousiasmé, reconnut alors le
pouvoir, la sagesse, la science de Sidi-MHammed et lui demanda ce
quil désirait obtenir. Sidi MHammed ne lui formula quun
seul désir: celui de ne plus payer dimpôt et détendre la mesure
à ses descendants. Salah-bey accorda ce qui lui était demandé et construisit, en outre, à ses frais, une mosquée près de Constantine, en lhonneur de Sid MHammed. Cette mosquée est encore le but dun pèlerinage queffectuent annuellement à lautomne, les habitants de fraction Haddadine de Méïda.
Achille
Robert |