14 juin 2006

Constantine : l'hypothèque des structures d'accueil

Le mouvement est encore relativement timide mais il est tout de même là. D'ailleurs, la direction de wilaya du tourisme relève une sensible augmentation du nombre de nuitées par étranger qui est passé, par exemple, de quelque dix mille en 2004 à un peu plus de dix-huit mille en 2005. Certes, cela comprend les séjours à caractère professionnel, notamment ceux liés aux activités scientifiques des deux universités constantinoises, mais il n'empêche que ces frémissements sont observés avec d'autant plus d'intérêt par les opérateurs du tourisme local qu'ils paraissent confortés par les effets d'une nostalgie qui ramène de plus en plus de vieux Constantinois sur le site de leur enfance. Récemment encore, plusieurs groupes avaient ainsi effectué le déplacement et il faut signaler, à ce propos, le rôle du site Internet «Les amis de Constantine» qui s'attache à renouer les contacts et à valoriser le passé et le patrimoine culturel de la ville.
Les arguments touristiques de Constantine sont suffisamment attractifs et reconnus de longue date -le ravin, bien sûr, les ponts, le chemin des touristes aujourd'hui bien mal nommé, les sites numides, comme le tombeau de Massinissa, ou romain, comme Tiddis- et leur rappel ne peut qu'accuser encore plus le décalage frappant entre les réelles ressources en matière touristique et leur mise en valeur économique et culturelle. Faut-il aussi y ajouter les atouts architecturaux dont le palais du bey est l'une des plus belles vitrines aux côtés d'édifices comme le théâtre, la mosquée Emir Abdelkader sans compter la fascination toujours intacte qu'exerce la médina ancestrale. Il y a eu suffisamment de polémiques autour, justement, des opérations de réhabilitation de la vieille ville constantinoise pour qu'il soit nécessaire d'y revenir mais il est difficile, y compris en termes de stratégie touristique, de ne pas tenir compte du souci de préservation de la dimension patrimoniale de la cité et particulièrement de quelques-unes de ses bâtisses -à l'image des mosquées comme Djamaa El Kebir- qui constituent ordinairement des éléments de cartes de visite des vieilles cités. On retrouve sans surprise toutes ces données dans le discours des responsables du tourisme constantinois qui mesurent aussi la complexité de la mission de relance à laquelle ils s'attaquent et qu'ils veulent délibérément placer sous le signe de «2006, année des investissements». A très court terme, il s'agit d'investissements dans la formation, puisque, en cours de semaine, devra être examiné par l'APW un projet de prise en charge de la formation de guides touristiques spécialisés et on ne se cache pas de tenir que le plus gros problème du tourisme local réside dans le sempiternel déficit en matière de structures d'accueil que deux ou trois réalisations privées auront à peine allégé. Cinq nouveaux hôtels sont au programme qui devraient mettre à la disposition de la clientèle quelque mille trois cents lits, dont le premier, situé dans la nouvelle ville, verra les travaux engagés début septembre. Ce sont les projets du groupe «Accor», en association avec l'homme d'affaires Mehri, situés en plein centre-ville, lesquels avaient suscité, on s'en souvient, polémiques et contestations de la part des défenseurs du site, qui semblent connaître des difficultés techniques en raison des divers obstacles liés à la densité des activités en ce point de la ville et qui appelle encore des aménagements. En principe, le projet porte sur la réalisation d'un «Novotel» classé cinq étoiles et d'un «Ibis» classé trois étoiles. L'investissement public ne sera pas non plus absent qui assurera la réalisation d'un grand aqua-parc avec hôtel du côté de Zarzara sur les hauteurs de Aïn El Bey. En attendant, l'ambition ne peut se limiter à la seule gestion des déficits -y compris d'image- de la ville en matière touristique et il reste sans doute à mettre en valeur de manière crédible les remarquables ressources de la ville et il est à cet égard désolant qu'un site aussi important sur le plan archéologique que Tiddis ne bénéficie pas de toute l'attention qu'il mériterait. Signe des temps ? Une jeune équipe de cinéma, conduite par l'artiste Roubeche, travaille actuellement à la finition d'un documentaire sur les arguments touristiques de Constantine, alors que le succès, notamment en France, du premier beau livre consacré à la ville -la Citadelle des vertiges de Abdelmadjid Merdaci- confirme au moins l'existence d'un réel gisement touristique dans la ville des Ponts.

Meriem Merdaci

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