24 janvier 2007

La médina : Une réhabilitation qui ne vient pas

Avec l'effondrement sur une habitation d'un mur d'une bâtisse se trouvant en face, dans le quartier de Sidi Djeliss précisément au 11 rue Louhab Bachir, évacuée de ses habitants, il y a près de deux ans déjà, voilà que resurgit la question fort controversée de l'avenir de la vieille ville de Constantine.

Un effondrement qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques comme d'ailleurs tous ceux qui l'ont précédé, s'il n'y avait pas, comme disent les habitants de la médina, « la baraka de Sidi Rached ».

En tous cas, ce fâcheux événement est affreusement vécu d'autant mieux qu'il ne semble pas émouvoir outre mesure les responsables locaux. Des responsables locaux interpellés par une situation qui devient de plus en plus dramatique et qui risque d'effacer les précieux repères historiques de Constantine. Le dernier effondrement vient rappeler à ces responsables locaux leurs promesses sans lendemain qui mettent en gage la survivance de l'un des principaux repères historiques de Constantine. Le projet Roma III avec la caution présidentielle ouvrait de grandes perspectives à la médina de Constantine. Ses habitants rêvaient déjà aux splendeurs du passé pour entrevoir un futur prochain où Souika, Rahbat Souf, Djezarine renaîtraient de leurs cendres, pour réconcilier Constantine avec son histoire. Mais chaque pan de maison qui tombe transforme ce rêve en véritable cauchemar qui les dépossède au réveil de ce qu'ils ont de précieux. Autant dire un toit, où ils survivaient en attendant des jours meilleurs.

Ils sont nombreux à vivre dans la hantise, surtout quand la nature se déchaîne, de mourir sous les décombres des vieilles bâtisses promises à une réhabilitation qui ne vient toujours pas. Le comble, au niveau des instances locales, le débat est ailleurs que dans la réalité vécue par les gens de la médina. Quand l'urgence l'exige, les responsables s'arment de leurs plus beaux discours pour convaincre ces malheureux de tenir encore le temps que des solutions se dégagent. Et en guise de solutions, on préfère encore envisager l'avenir de la médina de Constantine à la faveur d'un questionnement qui ne trouvera pas de réponse appropriée comme qui dirait qui de l'oeuf ou de la poule est venu en premier.

Sinon comment comprendre ce débat stérile où l'on n'a pas encore tranché la question de savoir s'il faut démolir les bâtisses qui tombent en ruine ou bien au contraire tout tenter pour leur donner une seconde vie. Une stérilité d'un débat à la limite de l'académique, mais qui cache mal certaines velléités de donner une tout autre vocation à la médina de Constantine. Celle que l'on croit la plus salutaire pour le coeur d'une ville qu'on ambitionne de faire ressembler à ceux des fameuses métropoles occidentales qui se singularisent par une floraison de tours d'affaires. De tels soupçons qu'on balaie allègrement trouvent pourtant refuge dans une sorte de démarche officielle qui fait un pas en avant pour en faire deux en arrière. Du moins certains le supposent en ayant cette arrière-pensée qui veut qu'il y a une volonté délibérée de laisser le temps se charger de ruiner tous les espoirs de voir cette médina refleurir. Et ce temps semble leur donner raison, la force de la nature aidant. Déjà la Souika basse est un vague souvenir, et bien d'autres quartiers sont en passe de l'être.

Certains responsables à l'APC de Constantine estiment que la prise en charge de ce problème doit se faire dans sa globalité, de concert avec tous les acteurs concernés. Pour dire que l'APC n'est pas la seule à apporter des solutions. A ce propos, nos interlocuteurs rejettent la balle aux propriétaires de certaines bâtisses qui, selon eux, « indisciplinés et inconscients, refusent de réhabiliter leurs habitations pour sécuriser la vie de leurs locataires ». On peut souscrire volontiers à un tel point de vue. Sauf qu'il est peut-être difficile pour ces propriétaires de restaurer leurs anciennes bâtisses sans leur ôter tout ce qui fait leur originalité. Et là on risque d'assister à la défiguration pure est simple de ce qui fait la beauté de la médina. Sachant que le béton et les nouveaux matériaux de construction, du moins ceux qui restent accessibles à la bourse des propriétaires comme le parpaing par exemple, ne peuvent pas faire bon ménage avec une restauration qui respecte l'originalité de la vieille ville.

Ceci pour dire que dans tous les pays, quand il s'est agi de restaurer des lieux chargés d'histoire, c'est toujours l'Etat qui prend en charge, ou du moins y participe.

En tout état de cause, il est regrettable d'entendre aujourd'hui certains responsables déclarer en désespoir de cause que normalement toutes les bâtisses irrécupérables, objet de dégradations très avancées, devront être rasées. Regrettable parce que ces mêmes bâtisses qu'on veut vouer aujourd'hui à la démolition étaient bel et bien solides quand le débat s'est engagé à Constantine sur la réhabilitation de la vieille ville.

M. S. Boureni

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