21 mai 2003

ARCHÉOLOGUES, ARCHITECTES ET ARTISTES DÉNONCENT; SACCAGE ET PILLAGE DES RICHESSES DE L’ANTIQUE CIRTA

Selon de nombreux archéologues, architectes et artistes rencontrés dimanche à l’exposition organisée par l’association «Sauvegarde du patrimoine», au Centre culturel Malek Haddad, les richesses archéologiques de l’antique Cirta et de ses alentours risquent de disparaître à jamais du patrimoine national du fait des pillages et enfouissements résultant d’une urbanisation effrénée.
Les artistes et spécialistes présents à cette exposition n’ont pas lésiné sur les mots pour stigmatiser l’insouciance, la désinvolture et le laisser-faire des responsables locaux et «des gens de l’art», observés depuis plusieurs décennies face aux déprédations qui se poursuivent encore et demeurent impunies. Les actes de pillage ont toujours existé nous dira un membre de l’association et tout compte fait ils remontent à longtemps avec le démantèlement des sites antiques à Constantine et autour de cette cité qui plonge ses racines dans le néolithique, époque de plus de sept mille ans. «Nous n’y pouvons rien sinon rassembler et raccommoder les débris des vestiges du passé qui s’avèrent être d’une richesse exceptionnelle à mesure des investigations qui se font au compte-gouttes». Aussi par-delà les constatations qui sont faites mesurant l’ampleur des dégâts, il est toujours possible d’intervenir pour stopper la mise en coupe réglée des richesses archéologiques sauvées du naufrage. Nos interlocuteurs citent comme exemple le cas du site de Békira à la sortie de Constantine sur lequel la cité nouvelle a été bâtie déterrant sans état d’âme des vestiges antiques mais également des installations de l’époque arabo-turque et dont une partie épargnée par le béton «révèle, à chaque coup de pioche, des trésors enfouis, témoins d’une riche période dont l’apogée se situe au XVIIIème siècle». Au sein de la cité de Massinissa et des Almohades, des dizaines de mosquées et de zaouïas ont été rasées ou sont tombées en décrépitude et dont il ne subsiste que des ruines. Le mausolée de Sidi Mabrouk, à l’intérieur du centre équin (la Remonte) a été ravagé par l’armée coloniale puis par les pillards et il ne subsiste plus que la chambre où était enchaîné le Saint, vers la fin de sa vie. Il sera souligné que la vieille ville conserve encore des maisons de style andalou comme celle de Béjaoui, lieutenant d’Ahmed Bey et dont les colonnades en marbre de carrare et les balustrades en bois précieux furent arrachés, volés et revendus au marché en toute impunité durant les années 1990. D’autres maisons de maître comme celle d’« El-Méchaïekh », à El-Batha, construites en pierres de taille d’une tonne et plus chacune, furent peu à peu démantelées avant d’être définitivement désertées par leurs derniers locataires. «Pourtant ces dizaines de maisons édifiées tout au long de la période des beys, comptent parmi les plus prestigieuses et les plus représentatives, au Maghreb, de la civilisation arabo-musulmane», nous dit-on. Et le risque est grand de les voir disparaître, une à une, avec le naufrage annoncé de la vieille ville dès lors qu’aucune mesure conservatrice n’est prise pour préserver ces témoins d’une période de grand rayonnement culturel. Les membres de l’association pour la préservation du patrimoine déplorent qu’il y ait un vide juridique et qu’aucune loi «coercitive» ne protège ces richesses archéologiques. Plus grave, soulignent ces derniers, il est arrivé à des entrepreneurs de mettre en évidence un site ancien comme celui en bas de Ouinet El-Foul et ordre leur fut donné de passer outre et de bétonner la trouvaille archéologique «pour ne pas retarder le projet de construction en cours».

A.Benkartoussa

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