17 mars 2005

ENTRE ARGUMENTS ET CONTRE-ARGUMENTS
Quel sort pour Souika ?

Les débats qui avaient suivi une projection d’un documentaire sur Souika, ce mardi, particulièrement après les démolitions de certaines de ses vielles bâtisses ces derniers jours, étaient pour le moins passionnés, pour ne pas dire vifs, mais instructifs au sein du Club de réflexion et d’initiative sur un sujet qui prend les allures d’une véritable controverse dans la ville des ponts. Entre l’argument massue de l’impérieuse nécessité de préserver des vies humaines menacées par l’effondrement des vieilles bâtisses, brandi par le wali de Constantine, et la levée de boucliers des défenseurs de l’un des repères incontournable de la mémoire collective, qui parlent de «fuite en avant» des autorités locales, l’essentiel a été ainsi résumé. Le CRI a pris son parti en proposant à l’assistance, composée d’hommes de culture, des représentants d’association, de journalistes... un documentaire sans concession. Et pour cause, le film déroulait une triste réalité faite de décombres sous lesquelles sont désormais enterrés les plus ambitieux projets que nourrissent les amoureux de la médina.

Le professeur Hocine Benkadri, président du CRI, souligne dans son intervention que «Souika pouvait rester encore debout un autre siècle et que ce quartier détruit à tort et à travers n’est pas un bidonville d’El-Gammas ou du Bardo»

Le documentaire présentait à l’assistance, par ailleurs, les véritables richesses que recelait la vieille ville dont beaucoup de bâtisses ont été construites avec des matériaux nobles et quelques-unes en gardent le souvenir impérissable.

L’une des images les plus marquantes était cette vieille dame qui pleurait sa maison détruite. «Je ne veux pas aller au F2» criait-elle, en exhibant l’acte notarié de son feu père établi en 1903. Elle se disait attachée à sa maison qui a été partiellement rasée. «Je n’ai connu ni commission d’enquête, ni opération de recensement» affirme-t-elle.

le CRI est «descendu» sur le terrain pour évaluer les dommages causés à la vielle ville. La délégation de ce club, composée d’architectes et d’experts, avait constaté l’ampleur des dégâts causés par le temps et particulièrement par la main de l’homme. L’assistance n’est pas restée insensible à tant de richesse qui se consume à petit feu et dont la destruction risque d’être hâtée par les pelles et les pioches. Au-delà des réprobations, les présents s’accordaient à jeter la pierre plutôt à l’immobilisme et les tergiversations et certains soupçonnaient même une arrière-pensée à 20 ans de bonnes intentions et autant de voeux pieux. C’est dire et traduire la volonté du CRI à susciter, non pas la réflexion mais l’action des pouvoirs publics à sauver la vielle ville en tant que mémoire collective. Les débats n’ont pas manqué de déborder le strict cadre de Souika qui se meurt, dira un intervenant pour atteindre les contours, plutôt toute la profondeur du marasme que vit une ville deux fois millénaire comme Constantine. En un mot comme en mille le constat était amer.

M.S.Boureni

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