12 juin 2008

Médina constantinoise
Sa réhabilitation suscite des débats

La réhabilitation de la vieille ville de Constantine, longtemps considérée comme une «entreprise utopique», a pris les contours d'une ouvre réalisable et crédible depuis l'élaboration, à la demande du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, d'un «Master Plan» par l'université italienne Roma III.
D'aucuns considèrent, en effet, que la problématique de sauvegarde, à Constantine et ailleurs, du patrimoine bâti, repère par excellence de la mémoire collective, suscite un intérêt grandissant et davantage d'adhésion depuis la tenue récente du séminaire international sur la réhabilitation et la requalification du patrimoine bâti. Les travaux de cette rencontre, tenue à Constantine au cours de la première semaine de juin, n'ont pas donné lieu qu'à des communications académiques et spécialisées, souvent «rébarbatives» pour le profane, mais aussi à des réflexions simples et accessibles.
Ainsi, pour l'italien Massimo Aurili, dont l'entreprise avait dirigé entre 1988 et 1993 les travaux de rénovation du Bastion 23 dans la basse Casbah d'Alger, les conclaves «savants» et les controverses scientifiques «ne font que compliquer et retarder la réhabilitation de la vieille ville» qui est avant tout un «travail de maçon», a-t-il soutenu.  
Selon lui, le chantier-école qui a suscité tant de débats, «c'est avant tout une question de travail sur le terrain, car la formation que tout le monde réclame à cors et à cris s'acquiert sur le tas, sous une bonne supervision et en procédant par petites étapes et sans fermer la ville».
En Italie, rappelle-t-il, le centre de Milan avait connu une situation similaire à celle de la vieille ville constantinoise d'aujourd'hui. C'était le «quartier des pauvres, mais une fois réhabilité, il est devenu confortable et moderne». «La bourgeoisie se doit d'y posséder ne serait-ce que quelques mètres carrés, (...), sinon, l'on a beau être riche et posséder la plus somptueuse des villas, si l'on n'est pas propriétaire de quelques mètres carrés au moins dans le vieux Milan, on n'est considéré ni comme bourgeois et, encore moins comme une personne raffinée».
M. Aurili pense que les pouvoirs publics seraient «bien inspirés d'acheter autant de bâtisses que possible dans la vieille ville pour les revendre à prix fort (...) et financer avec cet argent, l'opération de réhabilitation».
Mme Djamila Binous de l'Association de sauvegarde de la médina de Tunis pense, pour sa part, que les techniques de réhabilitation du vieux bâti «ne posent plus problème pourvu que la volonté politique existe». Evoquant le cas de Constantine, elle estime que «l'idéal serait de mettre en place une structure ad hoc, pluridisciplinaire, pour pouvoir traiter tous les problèmes dans leur globalité et accélérer ainsi le démarrage des travaux».
Riche de l'expérience de la médina de Tunis, Mme Binous a son idée sur la problématique de l'habitant de la vieille ville qui fait partie des questions les plus récurrentes des débats sur la réhabilitation des médinas : «De nombreuses vieilles familles qui ont quitté la médina de Tunis sont retournées y habiter et le prix du mètre carré dans ce centre historique de la ville est à présent des plus chers», souligne-t-elle.
L'Egyptienne Imène Mohamed Attia est, quant à elle, subjuguée par le site singulier de Constantine et ne comprend pas que tant d'atouts touristiques ne soient pas mis en valeur : «Cette ville est en fait bien plus belle que ce que j'ai pu apprendre sur elle par les médias, c'est une ville patrimoniale très intéressante et il est évident qu'elle peut devenir une destination touristique de premier plan.» 
C'est dans cet esprit, et pour mettre un terme à la controverse qui opposa, des années durant, les tenants de la «modernisation radicale» qui ferait disparaître à jamais des siècles de mémoire, aux partisans d'une sauvegarde et d'une réhabilitation du vieux bâti «en y mettant le prix», que fut initié, lors d'un déplacement du Chef de l'Etat en Italie, en novembre 1999, un protocole d'accord portant sur une «opération de restructuration et de requalification des anciens tissus urbains historiques».  La visite sur le site de la médina d'une délégation d'experts de l'université Roma III donnera lieu à la signature d'un accord bilatéral portant sur le Master Plan, ou plan de mise en valeur du patrimoine immobilier et de sauvegarde des tissus urbains de la médina.
Entamé en janvier 2003, il devait se dérouler sur trois phases avec, d'abord, l'établissement d'un «état des lieux», ensuite la présentation d'une ébauche d'aménagement puis, enfin, l'élaboration d'un règlement urbanistique général.
La cellule mise en place et présidée par le wali, composée d'universitaires et de membres représentant les secteurs techniques concernés (architectes, urbanistes, archéologues, services de l'hydrauliqueà), s'attela à la tâche sous la supervision des spécialistes italiens, mais se heurta rapidement à des contraintes liées, entre autres, à l'état de dégradation de certains biens et à leur nature juridique, ainsi qu'à la présence de dizaines de milliers d'habitants entre propriétaires et locataires.  Le récent séminaire international consacré au vieux bâti, en fait une large concertation internationale autour du sujet, n'a pas éludé la complexité de la tâche de réhabilitation et de sauvegarde. Il a au contraire permis de déblayer le terrain à «l'opérationnalité», à une méthodologie claire et à des actions concrètes nées d'une réflexion commune. 
Cette rencontre, inaugurée par le ministre d'Etat ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et clôturée par le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, a surtout permis, comme l'ont souligné les universitaires qui y ont participé, de mettre en exergue la «réelle» volonté des pouvoirs publics concernant l'importance de la réhabilitation du vieux bâti en Algérie. 
M. Abderrahmane Khelifa, professeur d'université et chercheur au CNRS (Centre national français de la recherche scientifique) avait notamment déclaré, rappelle-on, lors de l'ouverture des travaux, que ce n'était pas «pour rien que des chercheurs de renommée internationale sont là, mais parce que les autorités ont décidé d'agir avant qu'il ne soit trop tard».

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