29 septembre 2003

Vieille ville de Constantine
Le “Master Plan” pour la sauvegarde de ce patrimoine millénaire


Après plus de deux ans de concertation entre urbanistes et architectes algériens et italiens, le projet de réhabilitation de la vieille ville de Constantine, “le master plan”, verra le jour. Sa mise en application est effective depuis quelques mois, à l’issue de la visite sur le site d’une délégation de spécialistes affiliés à l’université Roma III.

Ce projet dont le financement est basé essentiellement sur le prélèvement de la taxe d’habitation est soumis au protocole d’“une opération de restructuration et de requalification des anciens tissus urbains historiques”, initié par le président algérien lors de son déplacement en Italie en novembre 1999. Le plan de mise en valeur du patrimoine immobilier et de sauvegarde des tissus urbains de la médina sera scellé avec le paraphe d’un accord bilatéral en janvier 2003.
Trônant sur le Rocher, la vieille ville constantinoise s’imbrique en une multitude de constructions d’une grande qualité architecturale et urbanistique qui, quelques siècles plus tard, présentent des signes d’effritement et de dégradation assez avancés. Son aménagement ne peut, selon les spécialistes, être pensé qu’en fonction de la double réalité de la médina, c’est-à-dire “sa position dans l’ensemble urbain et la sauvegarde de son patrimoine”. Moult interrogations seront soulevées autour de cette réflexion qui exigera des réponses précises quant au protocole préconisé pour la réhabilitation.
L’approche des autorités pour cette question renvoie à deux phases principales en l’occurrence le recensement et le classement des propriétaires. La première démarche consiste à faire d’une part l’inventaire des commerces légaux, des commerces informels, de définir le type architectural des bâtisses. Leur état de dégradation et la nature juridique des biens. D’autre part, recenser l’ensemble des familles occupant le Rocher et répertorier les locataires et les propriétaires.
Ces derniers seront répartis, en seconde étape, en deux catégories, celle des propriétaires et celle des propriétaires résidant sur les lieux.
L’étude des dossiers du bâti éligible à la réhabilitation se fera au cas par cas. Le financement de cette opération est à la charge de la wilaya. Une fois ces deux grands axes arrêtés, le plan de sauvegarde prendra forme en tant que projet ne pouvant être avalisé que par décret interministériel. Il est défini en trois principales phases, le diagnostic, le contrat et l’exécution. La spécification des espaces comprenant l’analyse urbaine, les schémas d’aménagement, la synthèse, le règlement spécifique et le plan d’action seront autant de paramètres à prendre en considération tout au long du procédé.
Il est indéniable que l’opération de sauvetage de ce patrimoine devra répondre à des critères, cernés au préalable par les différents partenaires. Il s’agirait d’un éventail assez large qui tient compte des objectifs de la mise en place d’une réglementation pour la gestion administrative et technique, de l’intervention séparément sur les îlots d’habitation et enfin du financement.
La médina de Constantine aura subi au fil des années une surcharge humaine importante à telle enseigne que ses habitations, de style mauresque, contiendront, dans leur espace, autant de familles que de pièces. Un mode d’occupation qui favorisera sa détérioration, faute d’entretien. Sa disparition serait imminente n’étaient les efforts consentis par différents acteurs de la vie sociale et certains pouvoirs publics.
Avec l’édification de ponts durant la période romaine impériale, la ville, baptisée Cirta, va déborder de son site initial. L’urbanisation s’accentuera après l’avènement des Beys ottamans à partir du XVIIIe siècle, particulièrement sous le règne de Salah Bey (1771-1791) où il y a eu le rétablissement du pont El-Kanatara, l’établissement du quartier juif “Chara” et la construction de la mosquée de Sidi el-Kettani, de la Medersa et de toute une série de boutiques et de fondouks en dehors de Beb el-Djedid, jusqu’au pied du Coudiat. L’époque coloniale sera caractérisée, pour sa part, par “une appropriation et une rectification de la médina”. L’espace occidental continu qui lui sera inséré va à jamais pervertir la cachet architectural du site.
Ce dernier s’étend actuellement sur une superficie de 47 hectares. Sa population est estimée à 24 653 âmes occupant 1 425 habitants. L’état de l’immobilier est loin d’être reluisant. Vétusté, dégradation et manque d’entretien sont les principaux qualificatifs qui ressortent des rapport officiels. Statistiquement, 72% du bâti nécessite soit une restauration-réhabilitation, soit une démolition. Les raisons d’une telle situation semblent multiples et diverses allant de l’aléa sismique jusqu’à l’abandon de l’entretien, en passant par les infiltrations de l’eau courante (le phénomène de l’érosion) et la suroccupation effrénée atteignant les 1 000 habitants par hectare. La mobilité résidentielle, la fréquence de changement des locataires, la vétusté du réseau d’égouts et l’inexistence de collecteurs qui occasionne la stagnation des eaux pluviales, la surcharge des éléments de construction en surélévation et l’introduction de matériaux incompatibles, à l’exemple du béton armé, viendront se greffer aux facteurs sus-mentionnés pour asséner le coup de grâce à ce qui reste de la vieille ville. D’où la complexité des actions générales à entreprendre en vue de sa prise en charge.
Le programme de réhabilitation ne signifie pas uniquement la restauration des bâtisses dégradées. Il dépasse cette notion simpliste et ambitionne la concrétisation de six projets qui s’imposeront en tant que piliers de “ la nouvelle” médina. À comprendre qu’il est question du redéploiement de la densification du noyau de la vieille ville par le transfert de certaines activités commerciales et administratives et la création de logements sur d’autres sites. De la revalorisation du centre historique par des opérations de rénovation et restruction. De l’atténuation des afflux vers la ville par le lancement d’actions de développement. De la création de nouveaux centres secondaires qui suppléeront l’actuel centre. De la récupération des espaces libres et enfin de la mise en place d’un nouveau plan de transport afin d’assurer une meilleure fluidité de la circulation.
Les contours de l’immense tâche qui attend les professionnels, sous l’œil expert des Italiens, sont a priori établis dès lors que les zones d’intervention sont identifiées. Elle sont au nombre de six, en l’occurence, Rahbet Essouf, El-Djazarine, Souika, Mellah Slimane et le Palais du bey. S’étendant sur des superficies de l’ordre de 0,50 à 20 ha, chaque zone sera touchée par des aspects communs de la réhabilitation, soit la rénovation ou la démolition.
Le suivi de cette entreprise d’envergure est confié à une cellule présidée par le wali et composée de 34 membres issus des divers secteurs, archéologie, architecture,hydraulique, société civile, universitares, juristes, etc.

Naïma Djekhar

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