20 septembre 2005

Les richesses de Constantine
Un trésor qui mérite d'être exploité et entretenu


Ce retour cirtéen m'a profondément ému après avoir retrouvé mes amis. Il m'a incité à approfondir ma réflexion sur l'avenir de Constantine avec son rayonnement en Europe et dans le monde.

Cette ville restera toujours marquée par l'histoire et son passé glorieux des civilisations qui l'ont traversée. Cirta l'ancienne, située entre les deux grandes vallées du Hamma et du Rummel, se dresse fière depuis des siècles, sur son éperon rocheux. Sa plateforme, presque carrée sur laquelle elle est bâtie, nous permet de visualiser l'ampleur et la beauté du site. Ses trois entrées El Kantara, la brèche et Bab El Djebia rappellent au visiteur sa situation imprenable, ses parfums et sa culture toujours présente au travers des rues de la vieille ville. Ouvrant ma fenêtre pour laisser entrer les rayons d'une vie orientale, si mystérieuse et si chatoyante, je reste figé dans l'admiration d'un tableau qui se déroule sous mes yeux éclairés par les lueurs blanches du jour naissant. Point de paysages « cartes-postales », mais des scènes authentiques de la vie quotidienne faites pour exciter ma curiosité. Cette ville, qui s'éveille au son de l'appel à la prière du mue z z in, m'incite à la découverte comme si les fidèles m'invitaient en disant des mots simples et sincères : « Entre z  ! Voilà la paix qui commence »... Alors, j'ai pris mon cour en bandoulière et suis allé à la rencontre de cette ville mythique et de ce peuple merveilleux... Constantine, j'ai arpenté tes rues de long en large, sans fatigue, le cour léger, toujours accueilli par tes habitants si chaleureux, avec sourire et générosité, accompagné par mes amis de toujours. Mais une ombre est venue noircir ce merveilleux tableau qu'il est temps de restaurer, de sauvegarder tout comme les pyramides ou Le Louvre, et bien d'autres témoignages de l'histoire universelle... Belle Cirta, tu étouffes, tu te dégrades, tes maisons s'écoulent, des plaies béantes gisent à proximité de tes célèbres ponts patrimoine de l'humanité. Tes gorges impressionnantes sont devenues des couloirs « d'avalanches » d'immondices de toutes sortes... Pourquoi ? A l'image de nos grandes villes européennes, et notamment en France ou en Allemagne, tu grandis en taille... Où vas-tu t'arrêter ? Ta ville nouvelle est déjà énorme. Sans vouloir te donner de « leçons » (loin de moi cette idée), les peuples d'Europe ont été sujets à cette même situation de mise en péril de leur biodiversité et de leur environnement... Mis en place voilà quelques années, des programmes draconiens de protection de la nature, d'éducation aux économies d'énergie et à l'écologie, commencent à porter leurs fruits. Belle Cirta, il faut que ton peuple trouve des solutions adaptées à cette situation. C'est une question de volonté avant d'être des problèmes financiers... Les Constantinois sont trop fiers de leur ville et si accueillants pour la faire visiter aux étrangers, pour que tu sois si belle et si malade à la fois... Alors, il faut te ressaisir, comme l'ont fait tant d'autres peuples ! Certes, les problèmes urbains ne sont pas simples à régler, en commençant par la circulation démentielle en journée dans tes rues si avenantes et commerçantes. Pourquoi ne pas rendre piétonnière la Vieille ville ? J'ai vu des piétons et automobilistes au bord de la crise de nerfs ! La situation est certes identique che z nous en Europe, mais il faut en permanence faire l'apprentissage et l'éducation à la citoyenneté... C'est une question de survie ! Je suis inquiet que ton glorieux passé soit englouti par des négligences irréversibles, mais je suis certains que tu sauras reprendre en main ta destinée, comme aux heures joyeuses et sombres de ton histoire révolutionnaire...

Tourisme et environnement

Chère Ksentina ; voulant sortir du brouhaha de la ville et de sa circulation, j'ai pris la direction du pont Sidi Rachel, et le long de la falaise, j'ai pu admirer le site du Chemin des touristes, qui malheureusement est aujourd'hui impraticable. Ma curiosité m'a conduit vers les anciennes piscines romaines, merveilleux monuments historiques, qui sont à l'abandon, envahies par la vase et les déchets. Quel bonheur, quand je fus rendu au pied du pont des Chutes pour m'approcher de l'ancienne piscine olympique de Sidi M'cid. Ces anciens bains de Aïn Sidi M'cid datant de 1872 sont un joyaux pour toi ma belle Cirta. Laissés à l'abandon, quelle ne fut pas ma joie de voir des ouvriers en plein travail de réhabilitation et d'entretien. Face à ce chantier, l'espoir renaît en moi, car tes grandes richesses naturelles et tes potentialités sont un atout majeur pour te faire connaître au reste du monde. Toi, qui a été un pôle touristique sans égal dans la région et dans toute l'Algérie, tu souffres aujourd'hui de n'être plus la destination privilégiée des touristes. Ayant besoin de prendre une bouffée d'air, avant de m'immerger dans ta vie culturelle, et notamment au Festival jazz Dimajazz , tu m'as invité à découvrir ta montagne environnante. Des forêts merveilleuses et des lacs, comme au parc de Djebel El Ouach, où j'ai pu rencontrer un garde-forestier, qui m'a indiqué qu'un travail d'entretien et de délimitation de zones d'expansion touristique était en cours. Alors je fus rassurée et me suis dit que l'avenir était devant nous. La sensibilisation à l'environnement et au tourisme culturel maîtrisé est en marche. Elle résume peut-être les solutions suggérées par les responsables, afin de doter Constantine d'infrastructures d'accueil dignes de ce patrimoine merveilleux que tu possèdes comme « un trésor » qui doit fructifier... De tempérament optimiste, je me dis en moi-même, ma chère Cirta, tu surmonteras les difficultés et les problèmes quotidiens, ton courage viendra à bout de l'immobilisme. Et malgré tout, touchantes, tu fais la fête. Festivals partout, tout au long de l'année. La Maison de la culture, les spectacles de théâtre avec Fergani, la musique traditionnelle, cheikh Bentobal, cheikh Toumi, etc. Tu chantes et joues toujours cette belle musique constantinoise que j'avais découvert il y a vingt ans : le malouf, marque de reconnaissance de Ksentina, mais aussi lettres de noblesse...

La culture et la fête populaire

Le dernier Festival Dimajazz auquel j'ai pu participer, et qui accueille aujourd'hui des musiciens de jazz du monde entier, m'a impressionné par l'engouement de ta jeunesse pour cette musique des ghettos de la Nouvelle-Orléans, aujourd'hui, si durement touchée dans sa chair... Un jeune me disait à la sortie de ce festival : « Ce que nous aimons dans la musique qui tourne autour du blues, soul ou autres musiques métisses, c'est qu'elle est issue du peuple multiculturel, de toutes les couleurs et de toutes les races... » Ma chère Cira, il est temps que je te quitte « provisoirement », mais laisse moi te dire que j'ai été impressionné par ta jeunesse et sa soif de savoir, ton université Mentouri, qui bouillonne de culture, de respect de simplicité. Je me suis senti porté avec tes jeunes par une atmosphère saine, calme et studieuse. Merci ma belle, pour cette énergie positive. Tu vois Ksentina, en conclusion, j'ai ramené des souvenirs et des enseignements supplémentaires à ma culture franco-arabo-andalouse ! Grâce à mes amis de ta belle cité, je ne cesserai de faire ton éloge, et malgré la tâche immense de restauration de ton environnement déjà engagé, tu resteras à jamais la plus belle ville du monde, perchée sur ton rocher, à la vue de tous et réservant la douceur pour tes invités...

Guy Collin

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