18 mai 2008

Sauvegarde du patrimoine archéologique
Un état des lieux alarmant

Le patrimoine archéologique et culturel de la wilaya de Constantine est dans un état de déperdition alarmante. Le constat amer, fait hier, lors de l'émission radiophonique Forum reflète une situation qui dure depuis des années déjà, et dont la sauvegarde ne semble intéresser aucune autorité, alors même que certains spécialistes ne cessent de crier à la catastrophe.

Le bradage, qui a commencé en 1994 lors de l'extension du tissu urbain de la localité de Bekira, a touché les anciens jardins de Constantine, plus connus par les dolmens de Salluste, avant de s'étendre vers la cité Kouhil Lakhdar où des villas ont été érigées sur le site archéologique d'El Hofra, avec la complicité des services de l'APC et de ceux de l'urbanisme. Selon Nouar Sahli, ancien directeur de la circonscription archéologique de Constantine, plusieurs violations de la loi 98/04, portant protection du patrimoine, ont été enregistrées sur des dizaines d'hectares de la région de Aïn El Bey, lors de la réalisation de l'autoroute Est-ouest, mais aussi après l'ouverture du barrage de Grouz, dans la wilaya de Mila. Même les travaux de réhabilitation du tombeau de Massinissa dans la ville d'El Khroub et ceux du palais d'Ahmed Bey à Constantine n'ont pas été réalisés selon les normes internationales. La responsabilité totale des collectivités locales, des services de l'urbanisme, de la culture et des musées nationaux a été bel et bien confirmée dans ce bradage programmé du patrimoine de la ville, notamment celui de la vieille médina qui, paradoxalement, a été classée patrimoine national en juin 2005, quatre mois seulement après la vague de démolitions massives, touchant une trentaine de maisons d'une valeur historique inestimable. « En l'absence d'une carte des sites archéologiques, nous nous contentons de prendre comme référence un atlas publié en 1911 par Stéphane Gsell, alors que sur le terrain on éprouve des difficultés à intervenir et arrêter les travaux entamés sur des terrains où des découvertes fortuites ont eu lieu », avouera Nacera Bouanane, chargée de la cellule de préservation du patrimoine au niveau de la direction de la culture. Si le reste des sites classés se perd d'une manière irréversible, le trafic et la contrebande des pièces archéologiques font des ravages avec la complicité même de certains responsables locaux. Les chiffres de la cellule de préservation du patrimoine archéologique et culturel du 5e commandement de la gendarmerie nationale, présentés par le sergent-chef Bilel Merdja se passent de tout commentaire. Entre 2006, 2007 et le premier trimestre de l'année 2008, 869 pièces ont été récupérées par les services concernés, dont 141 pièces de monnaie, remontant à l'époque romaine alors que 230 pièces de la période préhistorique ont été découvertes chez un collectionneur à Collo. Le plus étrange demeure la découverte, par les douaniers de l'aéroport Rabah Bitat à Annaba, d'un lot de 18 pièces de monnaie cachées dans des morceaux de .tamina, alors que la plus grande prise a été l'ouvre des douaniers de l'aéroport Mohamed Boudiaf, qui ont pris en flagrant délit un maître de conférence à l'université Mentouri avec, dans ses bagages, 325 pièces de monnaie de l'époque romaine destinées à être acheminées vers la France. De quoi remplir tout un musée.

S. A.

Retour à la revue de presse