ARMOIRIES DE CONSTANTINE

Coupé d'Azur et de Gueule chevronné d'Argent au Poisson en pointe de même
Sommé d'une couronne murale d'or à cinq créneaux
Au cheval gai de sable.

 

L'Azur représente le ciel d'Algérie, les gueules (d'un mot persan signifiant les couleurs) symboliseraient le désert ; ou, selon une autre signification, les gorges du Rhumel (décrites par Guy de Maupassant telles q'un "Abîme rouge comme si les flammes éternelles l'avaient brûlé").
Le chevron représente le confluent en amont et près de Constantine des Oueds Rhumel et Bou Merzoug. Certains croient y voir l'éperon des cavaliers arabes.
Le barbeau est l'évocation du Rhumel qui traverse la ville ; poisson commun des oueds algériens, (il ne faut pas y voir la marque des premiers chrétiens).
La couronne murale est le timbre normal des blasons des cités. Ici, elle a une signification particulière. Constantine (ex. Cirta) était dès la plus haute antiquité, un place forte, entourée de solides fortifications.
Quant au cheval, à robe noir de Numibie (gai signifiant nu c'est à dire ni sellé ni bridé), il rappelle l'importance de l'animal de selle pour les populations de la région. Il peut rappeler aussi le souvenir de la célèbre jument noire Halilifa, passée dans la légende arabe, qui par son instinct, sa vigueur et son galop, contribua à la délivrance de Constantine assiégée par les Tunisiens en 1700.

R. Le Viavant...
(Texte extrait du livre "De Cirta à Constantine de 1836 à 1962", "ACEP Ensemble" Éditeur)

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Quelques variations sur les armes de Constantine


En carte postale

Les cahiers de classe n'échappent pas aux armes de Constantine ...


... ni les porte-clefs !

 

Les scouts de Constantine,
et une page qui leur est consacrée.


... et les CRS

Sans oublier les timbres


Timbres des années 50
(Le poisson n'est pas toujours de la même espèce !)

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Aujourd'hui ces armes sont toujours présentes sur des bâtiments officiels


L'ex Palais Consulaire


L'Hôtel de Ville

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Une très riche collection d'objets avec ce blason

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Et même une interprétation actuelle !

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Article paru dans "l'Armorial des communes de l'Algérie française",
de
Nicolat Vermot et Jean-Paul Fernon
Editions Mémoire de notre temps
(avec l'aimable autorisation des auteurs)

 

CONSTANTINE
(département de Constantine, arrondissement de Constantine).

 

Coupé d'azur et de gueules, au chevron d'argent brochant sur la partition, accompagné en pointe d'un poisson aussi d'argent posé en fasce.
Couronne murale de 5 tours d'or chargée d'un cheval gai courant contourné de sable.

Constantine est le nouveau nom donné à la ville de Cirta en l'honneur de l'empereur Constantin qui la fit reconstruire après sa destruction au cours d'une guerre civile. Dernière grande ville algérienne à résister aux Français, Constantine tombe en 1837, et la municipalité est créée en 1854. Si la date de composition des armoiries n'est pas connue, elles figurent déjà sur le fronton de l'hôtel de ville, édifié entre 1895 et 1902, et inauguré l'année suivante.

La symbolique de la composition est quelque peu brouillée par les relectures qui en ont été faites. D'après R. Le Viavant, historien de Constantine, l'azur représente le ciel et le gueules la terre rouge d'Afrique et, plus spécifiquement, les gorges du Rhumel (décrites par Guy de Maupassant telles un "abîme rouge comme si les flammes éternelles l'avaient brûlé"). Le chevron d'argent représenterait le proche confluent, en amont, des Oueds Rhumel et Bou Merzoug. L'auteur ajoute que certains y ont vu une évocation des éperons des cavaliers arabes. On nous a rapporté également l'hypothèse d'une figuration du coude en équerre que dessine le Rhumel en contrebas de la ville. Quant au poisson, R. Le Viavant préconise de ne pas y voir un symbole chrétien, mais une allusion au Rhumel, particulièrement riche en barbeaux. Pour brouiller encore les pistes, nous avons noté plus récemment sous la plume d'Elisabeth Fechner que le poisson était "le symbole récurrent de la culture juive".

Il n'est pas interdit de penser que R. Le Viavant a cherché à atténuer la dimension coloniale de ces armoiries : il omet de préciser que l'écu est aux couleurs nationales françaises, et sa réfutation de la dimension chrétienne de la symbolique du poisson semble également aller en ce sens. Face à cette profusion d'interprétations, il convient de s'efforcer de retrouver quelles ont pu être les motivations symboliques originelles de cette composition.

Il nous semble raisonnable d'admettre qu'à l'origine, les armoiries semblent être une évocation topographique de la ville : perchée sur un mont évoqué par le chevron, entre des gorges rouges, avec à ses pieds les flots du Rhumel peuplé de poissons. Que le chevron évoque la confluence ou le coude marqué par les eaux est également possible ; Constantine se distingue toutefois davantage à la vue du visiteur par son site accidenté. Le tout est aux couleurs de la France, et il ne nous paraît pas saugrenu d'imaginer également que les colons cherchèrent à légitimer leur présence en rappelant, par la présence d'un poisson tiré de la symbolique chrétienne antique, que Constantin fut le premier empereur romain disciple du Christ.

Bien plus que par le chevron, c'est sur la couronne qu'il faut rechercher une évocation des cavaliers arabes : le cheval à robe noire rappelle en effet la légende de la célèbre jument noire Halilifa, qui par son instinct, sa vigueur et son galop, contribua à la délivrance de Constantine assiégée par les Tunisiens en 1700. Elle parvint en effet à s'échapper de la ville assiégée et, après avoir remonté le Rhumel, elle gagna Alger avec son cavalier. Là encore, une autre lecture se propose d'y voir une allusion aux haras locaux. Les deux explications ne s'excluent pas. C'est à tort que la jument a été parfois représentée d'argent et tournée dans le même sens que le poisson : c'est le fait qu'elle soit contournée qui permet en effet d'évoquer sa fuite.

Quant à la couronne, attribut héraldique normal des villes, elle a également été perçue comme une évocation de l'antique Cirta, ceinte de murailles.

Ces armoiries ont connu quelques variantes dans leur représentation. La plus notable concerne le chevron : représenté en principe brochant sur l'azur et le gueules, il apparaît parfois sur l'azur seul, sans mordre sur le gueules. Cette variante figure notamment dans l'édition de 1929 du Larousse du XX e siècle (ill. ci-dessous). On retrouve cette erreur sur les timbres aux armes de Constantine émis entre 1942 et 1945.

 

En revanche, dans la nouvelle série d'armoiries de villes algériennes dessinée par Robert Louis en 1947, l'écu, placé sous un arc outrepassé d'inspiration mauresque, est correctement orné d'un chevron brochant sur le coupé. L'erreur survivra, cependant : un plan de Constantine daté de 1951, et qui paraît s'inspirer du dictionnaire Larousse en aggravant ses inexactitudes, place le chevron amaigri sur un chef d'azur. Selon toute vraisemblance, l'origine de cette variante est à chercher. au fronton de l'hôtel de ville ! En effet, le sculpteur qui a réalisé les armes a cherché à créer des effets de relief : la moitié supérieure d'azur est figurée plus épaisse que la partie inférieure de gueules. Quant au chevron, il suit le dénivelé créé : ainsi, la partie placée sur l'azur est, elle aussi, plus épaisse que les deux extrémités inférieures, placées en retrait sous la ligne du coupé, sur le gueules. Pour peu que la peinture des armes soit délavée, un observateur peu attentif aux subtilités de la sculpture ne verra qu'avec peine les deux pointes inférieures, et conclura que le chevron prend appui sur la ligne du coupé.

Parmi les autres variantes observées, signalons encore les mutations d'une espèce à l'autre du poisson.

 

Sources :

Archives nationales, Service des sceaux, Fonds d'héraldique municipale française , carton Doubles provinces, pays et vallées, pays étrangers , fiche "Constantine".

Carte des nouvelles limites administratives en Algérie (décret du 14 avril 1958), éd. Jacques Gandini, Nice.

AUGÉ, Paul [dir.], Larousse du XX e siècle , Larousse, Paris, 1929, t. II, p. 431.

BRUAND, Théo, "Héraldique : Constantine", dans Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui n° 82, sept. 1997.

FECHNER, Elisabeth, Là-bas la France. Souvenirs d'une Algérie heureuse , Calmann-Lévy, Paris, 2003, p. 123.

LE VIAVANT, R. : De Cirta à Constantine de 1836 à 1962, ACEP Ensemble éditeur, Montpellier.

YVERT et TELLIER, Catalogue de timbres postes , t. II, colonies françaises et territoires d'Outre-Mer , Amiens, Yvert et Tellier, 1999, p. 49, 50.

http://www.constantine.free.fr/LaVille/armoiries.htm

Informations recueillies auprès d'Adnane BAKIR, Rafik BENCHERAIET, Chafika Nadira BOUMECHAL, Serge GILARD et Jean-Pierre HOLLENDER.

 

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